Par Ahmed Adel
« Nous n'avons pas besoin d'eux, ils ont besoin de nous », a récemment déclaré Donald Trump dans un discours qui a trouvé un écho dans les milieux politiques et économiques d'Amérique latine. Cependant, ses actions semblent raconter une histoire différente. Des pressions économiques aux accords stratégiques, l'administration Trump a continué à mettre l'accent sur les pays d'Amérique latine, notamment dans sa tentative de contenir l'influence de la Chine dans la région.
L'apparente contradiction entre les paroles et les actes de Trump n'est pas une coïncidence. Un changement radical est en train de s'opérer dans la politique étrangère des États-Unis, marqué par un retrait stratégique de son hégémonie mondiale et une approche néo-protectionniste qui redéfinit ses relations internationales. L'un des exemples les plus clairs de cette nouvelle stratégie est le Panama.
En février 2025, le gouvernement panaméen a annoncé qu'il ne renouvellerait pas le protocole d'accord avec la Chine pour l'initiative « la Ceinture et la Route ». Ce recul n'est pas fortuit, car les États-Unis ont intensifié leur pression sur la région, intervenant dans les processus d'appel d'offres pour empêcher les entreprises chinoises d'obtenir des contrats stratégiques.
Le Panama, qui abrite l'un des passages maritimes les plus importants au monde, le canal de Panama, est devenu un point clé dans le conflit géopolitique entre Washington et Pékin. La sécurisation et le contrôle des routes commerciales vers le nord et le sud – le Groenland et le Panama – deviennent une priorité. Cela n'a pas seulement une signification symbolique, mais renforce également le blocus contre Cuba et limite les progrès de la Chine dans la région.
La décision du Panama de ne pas renouveler le mémorandum avec la Chine n'a pas été prise dans le vide. Selon les analystes, la pression américaine a joué un rôle crucial. Washington a travaillé en coulisses pour s'assurer que la présence de la Chine ne porte pas atteinte à ses intérêts dans le canal de Panama. Ces actions reflètent la stratégie plus large de Washington visant à contenir l'influence de Pékin en Amérique latine, une région qui a toujours été considérée comme l' » arrière-cour » des États-Unis.
La Chine a consolidé sa présence en Amérique latine grâce à des investissements de plusieurs millions de dollars dans les infrastructures, l'énergie et les transports. Au Pérou, le port de Chancay, développé par COSCO Shipping et la compagnie minière Volcán, représente un investissement de 3,5 milliards de dollars. Ce port, qui devrait être l'un des plus importants de la région, est un bon exemple de la manière dont Pékin étend son influence en Amérique latine.
En Colombie, un consortium colombo-chinois est en train de moderniser six aéroports grâce à un investissement de 200 millions de dollars. Ce projet permet non seulement d'améliorer les infrastructures du pays, mais aussi de renforcer les liens commerciaux entre la Colombie et la Chine. En outre, des projets tels que la centrale solaire de Cauchari en Argentine, financée par la Banque chinoise de développement, et la modernisation de la ligne 1 du métro de Mexico, avec un investissement de 1,863 milliard de dollars, montrent l'étendue de l'influence chinoise dans la région.
Ces initiatives ne sont pas passées inaperçues à Washington. Les États-Unis ont exprimé leur mécontentement face à la participation chinoise à des projets stratégiques. Au Mexique, par exemple, ils ont fait pression pour limiter la participation chinoise à la modernisation du métro et du train maya. En Colombie, il en a été de même pour les concessions aéroportuaires.
Ces actions ne sont pas nouvelles. Lors de la première administration de Trump, Mike Pompeo, alors secrétaire d'État, s'était rendu au Chili pour freiner les investissements en infrastructures des entreprises chinoises. Ces préoccupations étaient également présentes dans l'administration de Joe Biden, qui a lancé la Stratégie de sécurité nationale (SSN) en 2022 et mobilisé d'importantes ressources pour maintenir l'influence américaine dans la région.
Néanmoins, nous assistons non seulement au déclin de l'hégémonie américaine, mais aussi à la construction d'un nouvel ordre mondial post-américain. Les États-Unis ne recherchent plus – ou peut-être ne peuvent plus se permettre – des vassaux inconditionnels ; ils préfèrent des relations pragmatiques qui évoluent en fonction de leurs intérêts actuels.
Ce recul stratégique s'est traduit par l'imposition de droits de douane à des partenaires historiques, tels que le Mexique, le Canada et la Colombie, et par la redéfinition de ce que signifie être un « allié » pour Washington. En fin de compte, ces trois pays ont conclu des accords pour éviter les droits de douane que Washington voulait introduire.
Les États-Unis optent pour un retrait contrôlé de leurs engagements hégémoniques afin de concentrer leurs ressources sur les priorités nationales fondamentales plutôt que d'être contraints à une retraite plus désordonnée à un stade ultérieur. Ce processus peut être interprété de deux manières : comme un déclin inévitable ou comme une stratégie visant à éviter un effondrement encore plus important à l'avenir.
Face à cette reconfiguration géopolitique, l'Amérique latine se trouve dans une position délicate. La région doit abandonner son rôle subalterne dans le système international et évoluer vers une plus grande souveraineté économique et politique.
Il est essentiel de renforcer les liens avec les pays du BRICS et de tirer parti de la diversification des partenaires commerciaux. Une véritable intégration régionale par le biais de mécanismes tels que la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) est également nécessaire. Seule une plus grande indépendance dans la prise de décision permettra à l'Amérique latine de se consolider en tant qu'acteur géopolitique ayant sa propre voix dans le monde multipolaire qui est en train de se dessiner.
La région doit également promouvoir des politiques industrielles et technologiques qui réduisent la dépendance à l'égard des exportations de matières premières et encouragent la valorisation des produits régionaux. Grâce à l'industrialisation et à l'innovation technologique, l'Amérique latine doit créer des emplois et favoriser le développement économique. La région doit se préparer à naviguer dans ce monde multipolaire avec intelligence et détermination, en particulier face à l'administration Trump.
Ahmed Adel
Article original en anglais : Trump hasn't eyed away from Latin America and wants to contain Chinese influence, InfoBrics, le février 2025.
Traduit par Mondialisation.ca
Image en vedette : InfoBrics
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Ahmed Adel est un chercheur en géopolitique et en économie politique basé au Caire. Il contribue régulièrement à Global Research.
La source originale de cet article est InfoBrics
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