Par Philip Giraldi
Derrière la glorification par le président Donald Trump de l'attaque menée samedi par les forces américaines contre trois sites nucléaires iraniens, qui aurait "complètement détruit" leurs cibles, sans aucune déclaration de guerre contre un pays qui n'a pas attaqué et qui ne menaçait en aucune façon les États-Unis, se cache une histoire quelque peu troublante. Sans aucune menace imminente à justifier, il s'agit d'un défi direct de l'exécutif à la loi sur les pouvoirs de guerre de 1973, qui vise à garantir qu'en vertu de la Constitution américaine, seul le "peuple" américain, par l'intermédiaire de ses représentants au Congrès, a le pouvoir de déclarer la guerre. L'attaque contre l'Iran est donc illégale, et ceux qui l'ont planifiée et exécutée, y compris vraisemblablement le président Trump, devraient être destitués. Certains démocrates au Congrès réclament d'ailleurs déjà une procédure de destitution.
Trump a célébré sa victoire sur les Perses dans un discours tardif à la nation, debout aux côtés de son secrétaire d'État Marco Rubio, de son secrétaire à la Défense Pete Hegseth et du vice-président JD Vance. Il a déclaré au public et aux médias rassemblés :
"Nous avons mené à bien notre attaque contre trois sites nucléaires en Iran, notamment Fordow, Natanz et Ispahan. Tous les avions ont désormais quitté l'espace aérien iranien. Une charge complète de bombes a été larguée sur le site principal, Fordow. Tous les avions sont rentrés sans encombre. Félicitations à nos grands héros américains. Aucune autre armée au monde n'aurait pu accomplir cela. L'HEURE DE LA PAIX EST VENUE !""Je vous remercie de votre attention". Trump a ajouté que si "la paix ne revient pas rapidement", les États-Unis mèneront très bientôt d'autres attaques plus importantes. "Soit la paix, soit la tragédie. N'oubliez pas qu'il reste de nombreuses cibles. […] Si la paix ne revient pas rapidement, nous poursuivrons ces autres cibles avec précision, Rapidité et efficacité".
Les cinq premiers mois du mandat de Trump ont exposé son profond mépris pour la Constitution des États-Unis, préférant croire que son autorité exécutive autoproclamée en tant que président l'emporte sur les prérogatives constitutionnelles des pouvoirs judiciaire et législatif. Le gouvernement s'est également livré à des abus manifestement illégaux, au mépris des procédures régulières. Cette tendance est flagrante dans la gestion de l'immigration illégale et la répression de la liberté d'expression de ceux qui s'opposent au soutien américain au génocide israélien à Gaza. Déclencher une guerre inutile après avoir été élu président sur une promesse de mettre fin aux guerres de Joe Biden est peut-être une manifestation de l'arrogance qui colore actuellement la Maison Blanche.
Compte tenu d'un tel contexte, il est peut-être nécessaire de se demander si "l'anéantissement" dont se vante Trump a réellement abouti à autre chose qu'à la destruction d'infrastructures sur le terrain. Les trois sites touchés par les attaques – Natanz, Fordow et Ispahan – étaient certes vulnérables aux missiles de croisière Tomahawk lancés depuis des sous-marins et aux bombes pénétrantes GBU-57 de plus de 13 tonnes larguées par les bombardiers furtifs américains B-2, mais deux d'entre eux, Fordow et Ispahan, sont enfouis profondément sous terre et protégés par des formations rocheuses. Ispahan dispose apparemment d'un long tunnel creusé sous la roche pour rejoindre les installations. Des sources iraniennes rapportent que même si les installations protégées ont été endommagées, il n'y avait plus rien à l'intérieur, tout l'uranium enrichi et les équipements critiques tels que les centrifugeuses ayant été évacués en prévision d'une attaque. Leur nouvel emplacement semble être inconnu des services du renseignement américains.
Et en parlant d'espionnage américain, on peut clairement parler de leur échec dans la guerre contre l'Iran, à qui Trump demande maintenant de cesser toute résistance et d'accepter une reddition inconditionnelle qui impliquerait rien de moins qu'un désarmement complet. La position du président sur la question iranienne a été quelque peu brouillée par ses commentaires contradictoires sur le statut du programme présumé d'armement nucléaire de Téhéran, dont la plupart des sources occidentales et américaines nient l'existence. Après quelques tergiversations, Donald Trump affirme désormaisqu'il "sait" que l'Iran est "très proche de se doter de l'arme nucléaire", peut-être dans "quelques semaines", alors même que les services du renseignement américains lui ont déclaré en mars que l'Iran ne développe pas d'arme nucléaire et que le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, n'a pas autorisé la reprise du programme nucléaire suspendu en 2003. Mais Trump s'en moque, allant jusqu'à réfuter les informations fournies par la directrice du renseignement national américaine Tulsi Gabbard concernant l'évaluation des services du renseignement américains en déclarant : "Je me fiche de ce qu'elle a dit". Le directeur de la CIA John Ratcliffe, fidèle serviteur de Trump, a contribué à achever Gabbard, qui sera probablement bientôt remerciée, en contredisant l'avis unanime des services du renseignement et en déclarant à la Maison Blanche que l'Iran est "à deux doigts" de se doter de l'arme nucléaire.
Toutefois, Trump a décidé d'ignorer et de dénigrer explicitement les conclusions de ses propres services du renseignement et en est venu à croire que Netanyahu, qui est en communication téléphonique régulière avec le président américain malgré les rumeurs du mois dernier sur leur brouille, saurait mieux que lui ce qui se passe en Iran. Trump a également eu accès à des informations provenant de l'agence d'espionnage extérieure israélienne, le Mossad, ce qui, pour quelqu'un de moins crédule que Trump, aurait dû être un signe avant-coureur que l'on lui sert de la désinformation. La devise du Mossad est littéralement "C'est par la tromperie que vous ferez la guerre", et il a été rapporté que l'agence disposait d'une ligne directe avec Ratcliffe et la CIA pour fournir des "angles d'attaque" et des "conseils" sur la "menace"iranienne. Ce qui a amené le président américain à engager son administration à soutenir les actes d'agression israéliens contre l'Iran et à informer Téhéran que si elle venait à riposter, les États-Unis aideraient Israël à la détruire, une promesse qu'il semble actuellement en passe de tenir.
En fait, Israël a clairement participé à la planification de la mission. De hauts responsables et journalistes israéliens ont confirmé que Tel-Aviv a été informé de la frappe avant que l'opération n'ait lieu. Trump a également appelé le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu après l'attaque, le poussant à publier samedi soir un message vidéo sur son réseau social louant la décision de Trump de bombarder les sites iraniens.
"Félicitations, président Trump. Votre décision audacieuse de cibler les installations nucléaires iraniennes avec la puissance impressionnante et légitime des États-Unis va changer le cours de l'histoire. Dans le cadre de l'opération Rising Lion, Israël a accompli des choses vraiment incroyables. Mais l'action menée ce soir contre les installations nucléaires iraniennes place l'Amérique dans une position inégalée. Elle a accompli ce qu'aucun autre pays au monde n'aurait pu faire".
En effet, on peut affirmer que l'attaque américaine contre l'Iran n'était rien d'autre qu'une opération au service d'Israël et une nouvelle indication sur qui contrôle réellement Washington. Trump s'est prosterné pour remercier le gouvernement israélien, qui commet actuellement un génocide à Gaza, pour son aide et sa coopération dans l'opération.
"Je tiens à remercier et à féliciter le Premier ministre Bibi Netanyahu. Nous avons œuvré main dans la main comme peut-être aucune équipe n'a jamais œuvré auparavant, et nous avons fait un grand pas en avant pour éliminer cette horrible menace qui pèse sur Israël. L'Iran y trouvera la paix, ou connaîtra une tragédie bien plus terrible que celle à laquelle nous avons assisté ces huit derniers jours".
Malgré les déclarations de la Maison Blanche et du Pentagone affirmant que l'opération a été un succès total, comme mentionné ci-dessus, l'étendue des dégâts réels causés aux sites iraniens visés n'est pas encore entièrement connue. Mais on se réjouit déjà des avantages politiques tirés de ce qui est qualifié de "succès militaire spectaculaire".
Le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, a mené la meute des hyènes en jodelant avec une hyperbole :
"L'opération planifiée par le président Trump a été audacieuse et brillante, montrant au monde que la dissuasion américaine est de retour. Quand ce président s'exprime, le monde entier devrait écouter".
Ce qui va-t-il se passer ensuite ? L'Iran ripostera certainement d'une manière ou d'une autre, peut-être en frappant des bases américaines dans la région du golfe Persique et en tuant des Américains, ce qui ne fera qu'intensifier le conflit avec les États-Unis et Israël, qui appellent actuellement à la destruction de la ville de Téhéran, objectif qui ne peut être atteint qu'avec des armes nucléaires. De plus, l'Iran pourrait fermer le détroit d'Ormuz, faisant grimper le prix du carburant à 30 dollars [≈ 26 €] le gallon [≈ 3,78L, soit presque 7€ le litre]. Et si l'Iran parvient effectivement à récupérer son uranium enrichi et l'équipement nécessaire pour le perfectionner et construire une bombe, toute cette opération pourrait aboutir à l'émergence d'un nouveau programme de prolifération nucléaire à des fins défensives, à l'opposé de l'intention déclarée de priver Téhéran de ses propres armes nucléaires. Pour résumer, si l'on veut désigner un responsable, il faut se tourner vers Donald Trump, éternel ignorant, et ses conseillers néoconservateurs et israéliens. L'incapacité de Trump et de ses acolytes à exercer un tel pouvoir suggère plutôt que quelque chose ne tourne pas rond dans notre pays, et qu'il est temps que le public se mobilise pour exiger la fin du conflit au Moyen-Orient en particulier, mais aussi en Ukraine. Cela suffit, M. Trump ! Vous avez fait votre temps !
Philip Giraldi
Article original en anglais : Trump Takes America to War, The Unz review, le 22 juin 2025.
Traduit par Spirit of Free Speech
Image en vedette : "Tearing up the Treaty," Digital, Dream / Dreamland v3 / ChatGPT, 2025
La source originale de cet article est The Unz Review
Copyright © Philip Giraldi, The Unz Review, 2025
Par Philip Giraldi