Par nos reporters
1 octobre 2019
Jusqu'à un demi-million de personnes ont participé à la manifestation de vendredi dernier contre les changements climatiques à Montréal, ce qui en fait probablement la plus grande manifestation jamais organisée dans cette ville, qui possède une histoire riche et tumultueuse de protestations sociales.
La manifestation de Montréal a été de loin la plus importante des plus de 80 rassemblements et manifestations qui ont eu lieu dans tout le Canada vendredi. C'était le 8e et dernier jour coordonné des «grèves du climat» qui ont eu lieu à travers le monde.
De grandes foules, surtout des jeunes, sont aussi descendues dans les rues partout au Canada. Environ 10.000 personnes ont manifesté à Halifax, en Nouvelle-Écosse, et un nombre égal à Winnipeg. Plus de 25.000 personnes ont participé à Québec et des dizaines de milliers de personnes ont manifesté à Ottawa et à Toronto. Environ 100.000 personnes ont participé à la manifestation dans le cadre de la «grève du climat» à Vancouver, et 30.000 personnes se sont rassemblées dans la capitale de la Colombie-Britannique, Victoria.
L'ampleur des protestations témoigne de la reconnaissance croissante du fait que les changements climatiques menacent d'entraîner la dévastation écologique et sociale. Cela montre également la colère que ressent la population envers les gouvernements, contrôlés par les grandes entreprises, qui ne s'attaquent pas sérieusement à ce problème fondamental.
Cela dit, les protestations de vendredi étaient socialement et politiquement très
hétérogènes.
En effet, une grande partie de l'establishment politique et médiatique a cyniquement appuyé les manifestations. Ce fut illustré par la participation du premier ministre Justin Trudeau, entouré de candidats libéraux aux élections fédérales du 21 octobre, lors de la marche de Montréal.
Anticipant des débrayages d'élèves, les principales commissions scolaires publiques de Montréal et de nombreux cégeps ont annulé les cours pour la journée. Le 25 septembre, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, avait annoncé que le transport en commun serait gratuit dans l'ensemble de la grande région de Montréal afin d'«appuyer» la «grève du climat».
Pour des dizaines de milliers de jeunes d'âge scolaire et collégial, la «grève du climat» de vendredi a été leur toute première protestation politique. Et en vertu de l'effondrement capitaliste mondial - l'austérité, la précarité, la guerre impérialiste et les conflits entre les grandes puissances ainsi que la crise environnementale - et une résurgence mondiale des luttes de la classe ouvrière, ce ne sera sans doute pas leur dernière.
Des délégations d'enseignants, d'infirmières et d'autres travailleurs ont assisté à la marche de Montréal. Mais, la grande majorité est venue avec des camarades de classe, des amis ou de la famille. Plusieurs ont apporté des pancartes faites à la main. Certaines d'entre elles s'en prenaient aux grosses entreprises et au capitalisme ou se concentraient sur l'environnement en péril. D'autres ont dénoncé
la soi-disant «surconsommation»: dans un monde où la richesse des 26 milliardaires les plus riches est égale à celle des 50 pour cent les plus pauvres.
«Je suis ici parce que je suis sensible au risque de destruction de la Terre», a déclaré Roger au World Socialist Web Site. «Tout ce que les gouvernements font c'est insuffisant. Les enjeux financiers les poussent à ne pas être efficaces. Ils répondent à l'industrie, au profit. Ils sont plus sur le court terme que sur le long terme.»
Zoé, une éducatrice spécialisée, a dit qu'elle manifestait parce que les gouvernements ne font rien. «De manière globale, je pense qu'il n'y a pas de mesures assez drastiques. Nous avons seulement des petites mesures. En nous mobilisant en grand nombre, nous montrerons que les changements climatiques doivent être adressés.»
En s'adressant au WSWS, de nombreux manifestants ont mis l'accent sur l'importance du caractère mondial des manifestations et étaient très enthousiastes devant l'ampleur de la manifestation. Selon eux, les politiciens et l'élite du monde des affaires n'auraient d'autre choix que d'écouter et, s'ils ne le faisaient pas, les protestations continueraient.
En réponse, les journalistes de WSWS ont noté que, dans le monde entier, l'élite capitaliste s'oriente de plus en plus vers la droite. De plus, la lutte mondiale des entreprises pour le profit et la rivalité économique et stratégique entre les États-nations capitalistes constituent des obstacles insurmontables à une restructuration coordonnée à l'échelle mondiale de l'économie, qui permettraient la transition des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables.
Trudeau a reçu un accueil mitigé lors de la marche de vendredi. Certains lui ont serré la main avec enthousiasme, tandis que d'autres l'ont tourné en dérision parce qu'il cherchait à forcer l'expansion du pipeline Trans Mountain pour transporter le bitume des sables bitumineux de l'Alberta vers la côte ouest du Canada. Elizabeth May, cheffe du Parti vert, et Yves-François Blanchet, chef du Bloc Québécois (BQ), étaient également présents à la marche de Montréal.
May et son Parti vert sont depuis longtemps des alliés très proches des libéraux. Comme le NPD, ils n'ont manifestement pas critiqué les plans du gouvernement Trudeau visant à augmenter les dépenses militaires de plus de 70 pour cent d'ici 2026 et à intégrer de plus en plus étroitement le Canada dans les offensives militaires stratégiques de Washington dans le monde entier.
Il y a quelques mois à peine, May annonçait publiquement qu'elle était prête à appuyer un gouvernement libéral dans l'éventualité où aucun parti ne remporterait la majorité le 21 octobre. Maintenant, cherchant à profiter sur le plan électoral des préoccupations croissantes concernant les changements climatiques, elle affirme que les Verts refuseront de soutenir tout gouvernement qui construit des pipelines et qui ne fait pas de sa priorité absolue l'objectif de l'ONU d'une augmentation maximale de 1,5 degré Celsius de la température.
Part of the demonstration
Parti frère au niveau fédéral du Parti québécois, qui a sauvagement attaqué la classe ouvrière chaque fois qu'il a formé le gouvernement provincial du Québec, le BQ a placé au centre de sa campagne électorale son appui au projet de loi 21, une loi québécoise chauvine qui vise les minorités religieuses, mais particulièrement les femmes musulmanes portant le hidjab.
Pour sa part, le chef du NPD, Jagmeet Singh, s'est joint à la manifestation à Victoria. Contrairement à May, le chef des sociaux-démocrates du Canada continue de proclamer publiquement que le NPD est prêt à appuyer un gouvernement libéral minoritaire, un gouvernement qui serait voué à la défense des grandes entreprises.
Si des politiciens capitalistes comme Trudeau, Blanchet, May et Singh ont pu s'associer à la «grève du climat» de vendredi, c'est parce que la perspective de ses organisateurs n'allait pas au-delà d'une protestation contre les pouvoirs en place, contre les grandes entreprises et leurs représentants politiques.
Lors de la manifestation de Montréal, les partisans du Parti de l'égalité socialiste ont distribué près d'un millier d'exemplaires d'une déclaration intitulée «La seule solution au changement climatique est le socialisme mondial».
La déclaration expliquait que la crise du changement climatique ne pouvait être résolue qu'en réorganisant la vie socio-économique de manière à faire de la satisfaction des besoins sociaux, et non du profit privé, le principe directeur, et que la seule force sociale capable de provoquer ce changement révolutionnaire est la classe ouvrière internationale.
La délégation de Québec Solidaire
En s'opposant à la perspective du «capitalisme vert», elle lance un avertissement contre le rôle de Québec Solidaire, le parti de la pseudo-gauche qui prône l'indépendance du Québec et qui était l'un des principaux organisateurs de la marche de vendredi.
La déclaration se lisait en partie comme suit: «Nous exhortons les jeunes et tous ceux qui participent au mouvement de grève pour le climat à ne pas se laisser piéger dans la politique parlementaire et dans les demandes futiles dirigées à l'establishment capitaliste.
À cet égard, une mise en garde particulière s'impose au sujet de la politique de Québec Solidaire. Ce parti de pseudo-gauche a passé les deux dernières semaines à faire campagne pour que le premier ministre québécois de droite et anti-immigrant, François Legault, et tous les autres députés de la CAQ, du Parti libéral et du PQ se joignent à la marche sur les changements climatiques. Il est évident que la lutte contre le changement climatique exige une action mondiale et une opposition au capitalisme. Pourtant, Québec Solidaire la présente comme une question qui transcende les divisions de classes et la lutte des classes, et - dans des conditions où il est clair que la classe ouvrière doit unir ses luttes au-delà des frontières étatiques et des continents - cherche à raviver le nationalisme réactionnaire québécois en faisant de la lutte au changement climatique une «lutte nationale».
La lutte contre la destruction de l'environnement par le capitalisme doit être basée sur la classe ouvrière, et c'est vers cette force que les jeunes doivent s'orienter... La technologie existe pour résoudre les grands problèmes sociaux de notre temps: le changement climatique, la destruction des emplois, la montée des inégalités sociales, l'atteinte aux droits démocratiques et la menace de la guerre mondiale. En même temps, la planification scientifique peut améliorer le niveau et la qualité de vie de la population mondiale. Mais pour que la technologie soit utilisée rationnellement dans l'intérêt de la population mondiale, elle doit être libérée de l'emprise des grandes sociétés, de leurs gouvernements et des États-nations antagonistes. La seule force sociale qui peut atteindre cet objectif est la classe ouvrière internationale, par la méthode de la révolution socialiste mondiale.»
(Article paru en anglais le 30 septembre 2019)