Ce 19 novembre a lieu le second tour des élections en Argentine. La menace d'une extrême droite ultralibérale plane. Face à des discours où la vérité et l'empathie n'importent plus, nous avons besoin d'avoir des médias libres et exigeants, partout dans le monde.
« En ces temps d'économie de l'attention, ce qui prévaut, c'est la capacité à simplifier et à dire les choses en peu de temps et avec force. » En ce sens, avance la revue Anfibia, le candidat argentin Javier Milei est un pur produit de son époque. Ce dimanche, le libertarien affrontera l'ex-ministre de l'Économie Sergio Massa pour la présidence de l'Argentine. L'« anarcho-capitaliste » (comme il se définit) Milei, admirateur de Trump et de Bolsonaro, promeut dans ce second tour du 19 novembre un ultralibéralisme sauvage qui inquiète.
« Cette campagne présidentielle a montré que l'Argentine contemporaine connaît une double rupture : une rupture générationnelle et une rupture de genre », écrit le périodique argentin. Les plus grandes différences d'intentions de vote sont entre les jeunes - plutôt pro-Milei - et les vieux, et entre les femmes - contre Milei - et les hommes. C'est « l'influenceur » Milei contre le politicien Massa. Deux Argentine s'opposent, l'une de la « rupture », de la main invisible du marché et de la post-vérité, l'autre de l'establishment mais aussi de la pauvreté - qui a atteint les 40% - et de l'inflation - de près de 140 % sur un an. Les deux candidats sont au coude-à-coude, et ce sont les 10 à 15 % d'indécis qui feront la décision.
« Croyons-nous encore vraiment que le vainqueur n'a aucune importance ? » s'inquiète Horacio Dall'Oglio, membre de la revue Cítrica. Il interpelle les Argentins sur leurs choix : veulent-ils vraiment élire un candidat qui méprise la justice sociale ? Laisser faire la privatisation de l'école, la vente d'organes, le démantèlement des entreprises publiques, la fin des normes anti-pollution pour les entreprises ? Le cas Milei interpelle. Le personnage semble caricatural, parodique s'il n'en était pas bien réel. Son populisme et son ultralibéralisme mixé à des thèmes d'extrême droite ne sont pas à prendre à la légère. Il faudra, comme dans les autres pays, tirer les enseignements des mécanismes qui ont permis leur montée.
Le vrai n'importe plus
« Dans le même temps, et de manière encore plus décisive après le premier tour, ses comptes servent également à diffuser des fake news créées à partir d'autres comptes ou de photos qui désinforment délibérément », écrit Anfibia à propos de la campagne de Javier Milei sur les réseaux sociaux. La montée de telles personnalités va main dans la main avec une perte de repères, dans une ère de « post-vérité » inaugurée par Donald Trump. Le vrai n'importe plus, les discours ne sont plus rattachés au réel. C'est là, et exactement pour cela que les médias sont importants. Des médias libres, exigeants et intransigeants, où qu'ils soient dans le monde.
En Thaïlande, où les médias libres sont de plus en plus rares et la parole muselée par le pouvoir, mais où Prachatai continue de se battre pour porter une voix indépendante. En Russie, où des journalistes de Meduza, média considéré comme « organisation indésirable » par le Kremlin, continuent de raconter leur pays depuis les pays baltes. En Suède, où le combat de l'écrivain Stieg Larsson (la saga Millénium), décédé en 2004, contre la montée des extrêmes droites est toujours porté par une équipe de journalistes spécialisés, dans un média à qui nous consacrons notre portrait de la semaine.
Tout cela pour dire : continuez de lire la presse indépendante, en français, en anglais, dans toutes les autres langues, et continuez de la partager et de la soutenir. Elle est essentielle. Nous vous en donnons à lire un extrait cette semaine, avec une mention spéciale pour le magnifique texte de la revue colombienne Mutante, choisi à l'approche du « jour du Souvenir trans » du 20 novembre, que vous découvrirez en ouverture de cette newsletter. Bonne lecture.
Emma Bougerol
En photo : Javier Milei, admirateur de Trump et de Bolsonaro, a recueilli 30 % des voix à l'élection présidentielle en Argentine. Ici lors d'une visite en Espagne pour un meeting avec le parti d'extrême droite Vox, près de Madrid, en octobre 2022 / DR