31/10/2025 lesakerfrancophone.fr  8min #294950

 Poutine dévoile le «Burevestnik» : l'arme nucléaire qui change tout

Un véhicule alimenté au nucléaire n'est pas une arme nucléaire

Par  Moon of Alabama - Le 30 octobre 2025

Un tweet sur Truth Social du président américain Donald Trump au sujet des armes nucléaires a conduit à une certaine confusion et, comme je le suppose, à des interprétations erronées.

Donald J. Trump @realDonaldTrump -  30 octobre 2025, 1h04 utc

Les États-Unis possèdent plus d'armes nucléaires que tout autre pays. Cela a été fait, y compris la mise à jour complète et la rénovation des armes existantes, au cours de mon premier mandat. À cause de son énorme pouvoir destructeur, j'ai DÉTESTÉ le faire, mais je n'avais pas le choix ! La Russie est deuxième et la Chine est, loin derrière, troisième, mais nous aura rattrapé dans 5 ans. En raison des programmes d'essais d'autres pays, j'ai demandé au ministère de la Guerre de commencer à tester nos armes nucléaires sur un pied d'égalité. Ce processus commencera immédiatement. Merci de votre attention à ce sujet ! PRÉSIDENT DONALD J. TRUMP

Le Washington Post interprète cela comme un test d'ogives nucléaires :

 Trump ordonne au Pentagone de tester des armes nucléaires pour la première fois depuis 1992 ( archivé) - Washington Post

Le président a déclaré qu'il souhaitait que les tests se déroulent "sur un pied d'égalité" avec la Russie et la Chine. Le Kremlin a condamné cette décision et rien n'indiquait quand des tests pourraient avoir lieu.

Le président Donald Trump a déclaré jeudi matin qu'il avait ordonné au Pentagone de commencer à tester des armes nucléaires "sur un pied d'égalité" avec la Russie et la Chine, une tentative apparente de montrer la puissance militaire des États-Unis avant une réunion commerciale à enjeux élevés avec son homologue chinois, Xi Jinping.

L'annonce de Trump sur Truth Social signale un renversement de décennies de politique nucléaire des États-Unis qui pourrait avoir de lourdes conséquences sur les relations avec les adversaires américains, bien que son message contienne très peu de détails sur ce que les tests impliqueraient. Le dernier essai d'arme nucléaire aux États-Unis a eu lieu en 1992, avant que le président George H. W. Bush n'instaure un moratoire sur de tels exercices à la fin de la guerre froide.

Trump a écrit que le processus commencerait immédiatement et était en réponse aux programmes de tests d'autres pays.

Le président a parlé de la reprise des essais d'armes nucléaires alors que son hélicoptère, Marine One, était dans les airs en route pour rencontrer Xi à la base aérienne de Gimhae.

Le tweet de Trump est erroné en ce qu'il affirme que les États-Unis ont plus d'armes nucléaires que tout autre pays. Toutes  les sources publiques disent que la Russie avec environ 4300 ogives nucléaires en a un peu plus que les États-Unis avec environ 3600. La Chine possède environ 5 à 600 ogives nucléaires et augmentera son arsenal d'armes nucléaires à environ 1 000 ogives d'ici 2035.

Cependant, la phrase suivante de Trumps ne concerne pas des essais d'ogives nucléaires. Il s'agit de tester des systèmes porteurs capables de déployer des ogives nucléaires.

Trump dit : « À cause des programmes de test d'autres pays«.

Aucun pays n'a récemment fait exploser une bombe nucléaire ou une ogive à des fins d'essais ou à d'autres fins. Le dernier essai nucléaire connu a été effectué par la Corée du Nord en 2017.

Il est important de faire la distinction entre tester un porteur conçu pour délivrer une tête nucléaire et tester, c'est-à-dire faire exploser, une tête nucléaire. Un porteur nucléaire peut être un bombardier, un missile terrestre (intercontinental) ou un missile ou une torpille sous-marine.

 La Russie a récemment annoncé le test réussi du missile de croisière Burevestnik. Il s'agit d'un porteur potentiel d'ogives nucléaires entraîné par un moteur à propulsion nucléaire :

Le président russe a parlé du nouveau missile de croisière à propulsion nucléaire Burevestnik à portée illimitée. L'arme a été testée avec succès la semaine dernière, lorsque le projectile aurait parcouru plus de 14 000 km.

Poutine a révélé des détails sur le turboréacteur à propulsion nucléaire du missile, déclarant que son unité motrice "est comparable en puissance au réacteur d'un sous-marin à propulsion nucléaire, mais elle est 1 000 fois plus petite."

"L'essentiel est que, alors qu'un réacteur nucléaire conventionnel démarre en quelques heures, jours, voire semaines, ce réacteur nucléaire démarre en quelques minutes ou secondes. C'est un exploit géant", a déclaré le président.

Burevestnik est, comme le Tomahawk américain, un missile de croisière à turboréacteur conçu pour voler à basse altitude à une vitesse inférieure à Mach 1. Alors que le Tomahawk utilise un propulseur liquide comme source de chaleur pour entraîner son moteur, le Burevestnik utilise un réacteur nucléaire miniaturisé d'un type inconnu. Cela lui confère une endurance inégalée. Les deux missiles peuvent transporter des têtes de guerre conventionnelles ou nucléaires. Le réacteur nucléaire qui entraîne le Burevestnik n'est pas un engin explosif. Bien qu'il soit susceptible de créer une contamination radioactive lorsqu'il s'écrase, il n'explosera pas.

La Russie a également testé sa torpille Poséidon annoncée depuis longtemps :

La Russie a testé avec succès mardi un drone sous-marin Poséidon à propulsion nucléaire, a révélé Poutine. Le développement de l'énorme drone à capacité nucléaire en forme de torpille a été annoncé pour la première fois en 2018, mais était depuis entouré de mystère.

« Pour la première fois, nous avons réussi non seulement à le lancer à partir d'un sous-marin porteur à l'aide d'un moteur d'appoint, mais également à démarrer son unité nucléaire, ce qui a propulsé le drone pendant un certain temps«, a déclaré Poutine.

L'appareil est inégalé par aucune autre arme "n'importe où dans le monde en termes de vitesse et de profondeur", a souligné le président, ajoutant qu'il est peu probable qu'une arme analogue soit bientôt mise en service par une autre nation. La puissance du Poséidon surpasse largement les caractéristiques du prochain missile balistique intercontinental Sarmat (ICBM) russe, a déclaré Poutine, faisant apparemment référence au rendement de sa charge utile nucléaire.

La torpille Poséidon utilise probablement un réacteur nucléaire qui est en principe similaire à celui du missile de croisière Burevestnik. Son avantage le plus important est encore une fois sa grande endurance. Poséidon est conçu pour transporter une grosse ogive nucléaire. Si elle explosait près d'un port, cela provoquerait probablement un tsunami.

Trump a également déclaré « J'ai demandé au ministère de la Guerre de commencer à tester nos armes nucléaires sur un pied d'égalité... »

Toutes les ogives nucléaires des États-Unis sont sous le contrôle du ministère de l'Énergie. C'est le seul organisme qui peut faire des explosions expérimentales d'ogives nucléaires. Les vecteurs nucléaires utilisés pour déployer les têtes de guerre sont sous le contrôle du département de la Défense (ou « département de la Guerre » comme l'appelle Trump).

Trump a déclaré "À cause des programmes d'essais d'autres pays" et "commencez à tester... sur un pied d'égalité" à la fois en référence aux essais de vecteurs nucléaires d'autres pays.

Trump avait donc probablement l'intention d'ordonner au DoD de tester ses vecteurs nucléaires, tout comme  la Russie l'a récemment fait. Il n'a pas ordonné au DoE de tester des ogives nucléaires.

Les essais de vecteurs nucléaires, comme les missiles intercontinentaux, sont une routine qui se fait chaque année depuis qu'ils existent.

Il n'y a pas de quoi paniquer.

Le langage de Trump est, comme d'habitude, imprécis. Peut-être a-t-il vraiment ordonné de tester une tête de guerre nucléaire ?  La Russie n'est pas sûre à ce sujet :

La Russie réagira "en conséquence" si les États-Unis violent un moratoire sur les essais d'armes nucléaires, a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

...

Répondant aux affirmations de Trump selon lesquelles d'autres pays procéderaient à des essais nucléaires, Peskov a déclaré: "nous ne sommes jusqu'à présent pas au courant de cela."

"S'il s'agit du Burevestnik, alors ce n'est pas un essai nucléaire", a-t-il insisté. « Toutes les nations développent leurs systèmes de défense, mais ce n'est pas un essai nucléaire. »

...

Washington a testé un missile balistique intercontinental Minuteman III non armé et à capacité nucléaire en février et a lancé quatre missiles Trident II depuis un sous-marin en septembre.

La Russie a testé une arme nucléaire pour la dernière fois pendant la période soviétique en 1990. Les États-Unis ont interrompu leurs essais en 1992 en vertu d'un moratoire mandaté par le Congrès.

Pour tester une tête nucléaire, Trump devrait demander au Congrès de lever le moratoire sur les essais. Il devrait également ordonner au ministère de l'Énergie de préparer un site d'essai. On estime que ce processus à lui seul prendrait trois ans.

Il n'y a donc absolument aucune raison de publier des gros titres paniqués.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

 lesakerfrancophone.fr