23/04/2022 arretsurinfo.ch  6min #206743

 Israel attaque la mosquée Al-Aqsa et déclenche la colère des Palestiniens

Violence israélienne à Al-Aqsa pendant le Ramadan

Le recours d'Israël à la force excessive, aux punitions collectives et aux provocations violentes contre les Palestiniens sous son occupation militaire n'est pas nouveau. Mais son irruption dans le contexte actuel suggère un autre scenario : une escalade des tensions avant le lancement d'une opération militaire de grande envergure, très probablement dirigée contre les deux millions d'habitants piégés à Gaza. Une fois de plus, Israël frappe durement les Palestiniens alors que l'attention du monde est fixée ailleurs. Ainsi la posture d'indifférence et d'inattention des grands médias aggrave le problème. Le mouvement de solidarité pro-palestinien est sérieusement mis au défi de ne pas laisser cela se produire.

Richard Falk réponds aux questions de Javad Arabshirazi sur la recrudescence de la violence pendant le Ramadan dans l'enceinte de la mosquée al-Aqsa et dans toute la Palestine occupée.

Entretien réalisé le 19 avril 2022 - Traduction  Arrêt sur info

Question : Depuis le début du mois de jeûne musulman du Ramadan Israël a intensifié sa répression contre les Palestiniens, en arrêtant de nombreux de Palestiniens dans l'est de Jerusalem occupé, et en profanant la mosquée al-Aqsa. Que pensez-vous de cette situation ?

Richard Falk : Il y a une interaction toxique dans les relations israélo-palestiniennes qui, dans le cas présent, implique les coups de couteau contre quelques Israéliens suivis d'une réaction punitive typique de la part d'Israël ; ce qui équivaut à une punition collective de tous les Palestiniens vivant sous ce régime d'occupation illégale prolongée. Al-Aqsa pendant le Ramadan représente un point chaud pour les deux parties et, cette année, avec le chevauchement des calendriers sacrés des Juifs, des Musulmans et des Chrétiens, les tensions étaient particulièrement élevées et délibérément exacerbées par une présence militaire israélienne surdimensionnée à l'intérieur et autour de l'enceinte de la mosquée Al-Aqsa. Présence destinée à intimider les fidèles et à mettre en évidence une fois de plus la hiérarchie abusive des relations qui existe depuis longtemps entre Israéliens et Palestiniens. La blessure de plus de 150 fidèles d'al-Aqsa en réponse à des manifestants palestiniens et l'arrestation de plusieurs centaines d'autres personnes dans l'enceinte et dans l'ensemble des territoires palestiniens doivent être considérées pour ce qu'elles sont, à savoir une répression provocatrice. Le recours à une force et à une violence excessives contre les Palestiniens par Israël, en violation de ses obligations en vertu du droit international en tant que puissance occupante, qui exige qu'Israël défende la liberté de religion et respecte les droits de l'homme des Palestiniens vivant sous son administration, n'est ni nouveau ni acceptable.

Question : Selon vous pourquoi la communauté internationale n'a pas réussi jusqu'ici à condamner cela ? Où sont les « défenseurs des droits de l'homme » ?

Richard Falk : Israël profite en partie de la distraction de nombreux gouvernements et des médias mondiaux, qui se concentrent sur la guerre en Ukraine et ses retombées. En outre, la diplomatie israélienne de  » normalisation «, a réussi à atténuer les critiques à l'égard de ses actions et à créer de nouvelles relations positives avec les pays de la région et au-delà. Israël a également réussi à atténuer les critiques émanant des Nations unies, comme en témoigne sa récente élection à l'ECOSOC. Israël a clairement indiqué qu'il n'était pas intéressé par un compromis politique avec les Palestiniens ou par un quelconque processus diplomatique qui contiendrait des attentes quant à l'émergence d'un État palestinien. Quant aux « défenseurs des droits de l'homme », leur faiblesse à contester les politiques de sécurité israéliennes fait partie intégrante de la tragique réalité palestinienne depuis 1967, même si nous devons nous arrêter assez longtemps pour saluer la bravoure des quelques personnes qui prennent des risques mortels pour protester contre le comportement abusif d'Israël. Il est à noter qu'il y a plusieurs mois, Benny Gantz, le ministre israélien de la Défense, a publié une déclaration stigmatisant les ONG de défense des droits de l'homme les plus respectées et les plus rigoureuses sur le plan professionnel en Israël et en Cisjordanie comme des « organisations terroristes ». Il est plus que décevant que les gouvernements soi-disant libéraux d'Europe et d'Amérique du Nord aient accueilli ce développement avec un silence de pierre.

Question : Tel Aviv a également imposé de nouvelles restrictions à l'entrée du peuple palestinien dans la mosquée, et a ordonné la démolition de maisons et d'installations agricoles palestiniennes. N'est-ce pas contraire au droit international ?

Richard Falk : Israël a constamment violé le droit international sans aucune conséquence négative, et sa conduite à al-Aqsa et ailleurs fait partie d'un modèle profondément ancré de comportement officiel qui reflète le caractère fondamental d'Israël en tant qu'État d'apartheid. Les démolitions de maisons et la destruction des fermes et des oliveraies palestiniennes sont la politique officielle d'Israël depuis des décennies, ce qui fait de la prétention d'être la seule démocratie du Moyen-Orient une parodie. Cette évaluation de l'apartheid a été soutenue au cours des cinq dernières années par une série de rapports bien documentés et soigneusement analysés préparés par les principales ONG occidentales, notamment Human Rights Watch et Amnesty International. Même cette évolution, qui aurait dû provoquer une onde de choc à l'ONU et chez les partisans d'Israël, n'a eu aucun impact perceptible à l'ONU ou parmi les gouvernements. Même le discours international sur l'interaction Palestine/Israël fait peu d'efforts pour remarquer, et encore moins pour prendre des mesures en réponse aux violations flagrantes et répétées par Israël des droits fondamentaux du peuple palestinien. Le sort du peuple palestinien continue de reposer là où il a toujours été - sur la résistance obstinée du peuple palestinien et la mobilisation des campagnes de solidarité mondiales et de l'activisme de la société civile. Les Nations unies et la plupart des gouvernements peuvent vouloir oublier la lutte palestinienne ou la traiter comme une cause perdue, mais le peuple palestinien a montré à maintes reprises qu'il ne cessera pas sa résistance et les personnes de conscience du monde entier ne devraient pas non plus se détourner du défi persistant de s'unir une fois de plus contre l'apartheid, dont le démantèlement est une condition préalable inconditionnelle à l'instauration de la paix entre ces deux peuples en difficulté.

Richard Falk est un spécialiste du droit international et des relations internationales qui a enseigné à l'université de Princeton pendant quarante ans. Depuis 2002, il vit à Santa Barbara, en Californie, et enseigne au campus local de l'université de Californie en études mondiales et internationales. Depuis 2005, il préside le conseil d'administration de la Nuclear Age Peace Foundation. Il a lancé ce blog en partie pour célébrer son 80e anniversaire.

Source:  Richard Falk

Traduction / présentation  Arrêt sur info

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