17/04/2020 francais.rt.com  5 min #172509

Pour aider l'Afrique face au coronavirus, Macron veut «annuler massivement» sa dette

Covid-19 : l'annulation de la dette africaine (encore) remise aux calendes grecques ?

Vieux serpent de mer, l'annulation de la dette des pays pauvres, pour la plupart africains, fait de nouveau l'actualité dans un contexte de crise économique. Mais pour l'heure, seul un moratoire sur le remboursement du service de la dette a été acté.

Lors de son allocution télévisée du 13 avril, Emmanuel Macron s'est engagé à aider davantage le continent africain dans la lutte contre la pandémie de Covid-19 : «Nous devons aussi savoir aider nos voisins d'Afrique à lutter contre le virus plus efficacement, les aider aussi sur le plan économique en annulant massivement leur dette», a ainsi déclaré le chef de l'Etat.

Le lendemain, sur  RFI, le président français renchérissait : «Chaque année, un tiers de ce que l'Afrique exporte sur le plan commercial sert à servir sa dette. C'est fou !». L'appel du président français s'est ajouté à celui lancé, le 25 mars, par son homologue Sénégalais Macky Sall ainsi que celui du Pape François, le 12 avril, lors de la traditionnelle bénédiction pascale Ubi et orbi.

Un moratoire sur le remboursement du service de la dette à défaut de son annulation

Si pour l'heure, l'annulation de la dette des pays africains n'est pas à l'ordre du jour, un moratoire pendant une durée de 12 mois sur le service de la dette - qui correspond à la somme que le pays emprunteur doit rembourser chaque année pour honorer sa dette (intérêts du remboursement et capital emprunté) - a été décidé par le G20, le 15 avril. Il concerne les pays les plus pauvres dont la plupart sont africains. De son côté le Fonds monétaires internationale (FMI), institution souvent accusée de soutenir un modèle économique néolibérale controversé et en partie responsable des difficultés économiques de nombreux pays pauvres, a annoncé de son côté, dans la nuit du 11 au 12, le  versement d'une aide d'urgence à 25 pays pour leur permettre d'alléger leur dette.

Un report, à défaut d'une annulation, qui ne devrait représenter qu'une petite partie de l'endettement total du continent estimé, selon l'AFP, à 365 milliards de dollars, dont environ un tiers est dû à la seule Chine. Interrogé par RT France, l'économiste Kako Nubukpo relativise la portée de l'annulation de la dette par les Etats.

L'essentiel de la dette est détenu par le privé, par la Chine qui n'est pas membre du club de Paris...

Pour lui, «toute la coordination internationale pour aider l'Afrique à faire face à la pandémie est la bienvenue, car il est important de prendre des mesures d'urgence face à une urgence comme la pandémie de Covid-19. Cependant, ce qui paraît compliqué par rapport à il y a 20 ans, c'est que l'essentiel de la dette est détenu par le privé, par la Chine qui n'est pas membre du club de Paris...».

Situant l'appel à la levée de la dette des Etats africains dans le contexte économique des deux dernières décennies, l'ancien ministre togolais pense que cela envoie un mauvais signal pour les mauvais élèves. «Malgré tout ce qui est dit depuis 20 ans pour la promotion de la bonne gouvernance en Afrique, on voit des pays pétroliers, qui ont plus de ressources que les autres, mais qui sont très endettés. Dire que l'on va effacer leurs dettes, c'est un peu comme si on donnait une prime à la mauvaise gouvernance», souligne Kako Nubukpo.

L'économiste et professeur à l'université américaine de Princeton, le béninois Leonard Wantchékon, salue pour sa part l'opportunité de ce moratoire et souhaite qu'il soit assorti de conditions. «A l'heure où les pays développés ont des préoccupations liée à la pandémie, les créances recouvrées auraient pu servir localement. Cette marque de solidarité devrait être conditionnée à l'augmentation du budget que les Etats bénéficiaires allouent au secteur de la santé pour servir essentiellement à l'achat d'équipements sanitaires», analyse-t-il pour RT France.

La dette africaine, un puits sans fond ?

Au début des années 2000, plusieurs pays africains en difficulté économique ont bénéficié d'un allègement de leur dette dans le cadre d'une initiative portée par la banque mondiale et le FMI, le PPTE (L'initiative pays pauvres très endettés). Mais les résultats n'ont pas été au rendez-vous pour certains pays bénéficiaires. Pis, au Congo-Brazzaville, la dette divisée par trois en 2005 à l'issue de cette initiative d'après l'AFP, s'élève aujourd'hui à plus de 100% de son PIB. Situation similaire pour le  Mozambique dont la dette s'élève à présent à 113% du PIB contre 54% en 2013. Une situation aggravée notamment par une mauvaise gouvernance. Dans ce pays, les autorités avaient reconnu en 2016, lors d'une opération de restructuration de la dette, l'existence de dettes cachées contractées par des entreprises à capitaux publics, d'un montant de 1,4 milliard de dollars.

Aux côtés des institutions internationales, des pays ont décidé d'annuler massivement la dette d'Etats africains en les convertissant en investissement. Ainsi, en septembre 2017, le président russe Vladimir Poutine a annoncé après une rencontre avec son homologue guinéen et président alors de l'Union africaine, Alpha Condé, que son pays avait annulé plus de 20 milliards de dollars de dettes de différents pays africains.

L'Afrique face au risque de «dévastation économique et sociale»

Un temps épargné, l'Afrique a enregistré son premier cas confirmé le 14 février. Bien que les pays du continent touchés par la pandémie ont adopté une série de mesures pour y faire face, la plupart d'entre eux demeurent très exposés à une aggravation de la situation en raison du caractère obsolète de leur système de santé.

Alors que les pays industrialisés essuient déjà de lourdes pertes au niveau humain et économique, les pays africains dont les économies ont déjà été éprouvés pour nombre d'entre eux par les réajustements structurels des années 1980-1990, arriveront-ils à éviter le délitement social qui les menace ? Pour le chef de l'OMS en Afrique, Matshidiso Moeti, il y a urgence : «Le Covid-19 peut non seulement causer des milliers de morts, mais aussi semer la dévastation économique et sociale», a-t-elle alerté.

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