17/12/2021 investigaction.net  6 min #199370

Joe Biden veut réunir un « sommet virtuel des démocraties ».

Joe Biden et le viol de la démocratie

La guerre froide a été le théâtre de la plus grande opération de propagande idéologique de l'histoire du monde moderne. Dans cette bataille de propagande qui a duré plus de 40 ans, les droits de l'homme et la démocratie étaient les deux principaux sujets de campagne. Avec le Sommet pour la démocratie, le président Biden revient à la rhétorique de la guerre froide. Ceux qui pensaient que la paix mondiale serait mieux servie avec Biden qu'avec Trump risquent d'être déçus.

Les 9 et 10 décembre, Joe Biden a organisé un sommet virtuel pour la démocratie. Des représentants de 110 pays y ont été invités. Parmi eux, de nombreux chefs de gouvernements occidentaux.

L'objectif, pour ainsi dire, était de promouvoir  la « démocratie » et les « droits de l'homme universels » dans le monde. Mais si vous faites un zoom sur certains des pays invités, vous verrez rapidement qu'un tout autre agenda est en jeu ici. Quelques exemples.

D'étranges démocraties

La Colombie est  le deuxième pays le plus dangereux au monde pour les défenseurs des droits de l'homme ou de l'environnement. En 2020,  plus de 250 dirigeants indigènes, militants des droits, écologistes ou anciens combattants des Farc ont été assassinés (1). Au cours du premier semestre de cette année, ce nombre  a déjà dépassé 350. Lors des manifestations populaires qui ont débuté en avril 2021, au moins  44 personnes ont été tuées et 500 autres ont « disparu ».

Un autre pays invité est l'Inde, la soi-disant « plus grande démocratie » du monde. Quelque  29 % des parlementaires font l'objet d'affaires pénales suffisamment graves pour mériter cinq ans de prison. Des  camps ont été construits dans le nord du pays pour interner deux millions d'immigrants illégaux. Au fait, vous devez vous demander pourquoi vous n'avez pas encore entendu parler de cela. Le contraste avec la couverture des Ouïghours en Chine est assez frappant.

Les organisations de défense des droits de l'homme sont de plus en plus prises à partie en Inde. C'est pourquoi  Amnesty International a quitté le pays l'année dernière.

Et qu'en est-il du Brésil ? Le président Jair Bolsonaro est un fan  du dictateur chilien Pinochet, qui « faisait ce qui devait être fait ». Le fait que quelque 3 000 opposants politiques aient été tués et des dizaines de milliers torturés ne le dérange pas. Son gouvernement comprend plus de 100  militaires actifs ou retraités, dont plusieurs ministres et un vice-président. Lorsque son poste a été menacé en 2020, Bolsonaro a évoqué la perspective d'une intervention militaire.

Son ministre de la Culture a dû démissionner parce qu'il avait cité  Goebbels (2). Plus de  60 000 Brésiliens sont tués par des armes à feu chaque année. « Un flic qui ne tue pas n'est pas un flic »,  a déclaré le président.

Aucune légitimité

Nous pourrions également avoir une discussion sur les Philippines, Israël, la Pologne, la Géorgie, etc. Ou sur les États-Unis eux-mêmes. Il y a presque un an, une foule y a pris d'assaut le parlement. Il y a de fortes chances que l'instigateur de ce raid raté soit à nouveau président dans les trois ans.

Les États-Unis sont le plus grand fournisseur d'armes à toute une série de dictatures brutales. À  Guantánamo, ils maintiennent ouvert un camp de concentration depuis près de vingt ans, où 780 personnes ont été détenues et torturées sans procès jusqu'à présent.

Les tentatives US d'instaurer la démocratie en Afghanistan, en Irak, en Syrie ou en Libye ont tourné à la catastrophe humanitaire. En tout état de cause, Washington n'a aucune légitimité pour donner des leçons de démocratie ou de droits de l'homme.

Une nouvelle guerre froide ?

Il est clair que ce sommet ne porte pas sur la démocratie. Il s'agit de questions de pouvoir et de formation de blocs. Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont recherché la domination absolue.  « La puissance dominante doit être l'objectif de la politique américaine », ont-ils déclaré en 1952. C'est la doctrine officielle depuis lors.

Pour les États-Unis, il ne s'agit pas de savoir si le pays ou la paix mondiale sont menacés, mais de pouvoir imposer leur volonté aux autres. En raison du développement économique et technologique rapide de la Chine, les États-Unis risquent aujourd'hui de perdre leur suprématie. Biden veut éviter cela à tout prix.

Pour continuer à imposer ce monde unipolaire dirigé par les États-Unis, la Maison-Blanche a besoin de plus en plus de soutien de la part des autres pays. C'est pourquoi elle tente de former un bloc. Les pays invités au sommet ne sont pas choisis pour leur caractère démocratique, mais pour leur obéissance aux États-Unis.

La formation de blocs était caractéristique de la guerre froide, tout comme la rhétorique des « droits de l'homme » et de la « démocratie ». C'est précisément au moment où le monde a besoin d'unité et d'une approche commune du climat ou de la lutte contre une pandémie que Biden pousse à la formation de blocs.

Au lieu d'unir le monde, il pousse à la division, à une nouvelle guerre froide. C'est à nous de démasquer cela et de ne pas nous laisser entraîner, nous et nos pays, là-dedans.

Source originale:  De Wereld Morgen

Traduit de l'anglais par  Investig'Action

Photo: Prensa Latina

Notes:

  1. Farc signifie Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia-Ejército del Pueblo, les forces armées révolutionnaires de Colombie. Ce mouvement de guérilla a été actif à partir des années 1960. En 2016, elle a conclu un accord de paix avec le gouvernement. Les rebelles ont rendu leurs armes et se sont transformés en un parti politique.
  2. Joseph Goebels était le ministre de la Propagande d'Adolphe Hitler.

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