10/04/2021 2 articles tlaxcala-int.org  6 min #188074

Le discours honteux de Netanyahu : quand la journée de commémoration de l'Holocauste devient un événement de campagne électorale

 Alon Pinkas אלון פנקס آلون پینکاس

Pour Netanyahou, la journée de commémoration de l'Holocauste n'est qu'une occasion supplémentaire de faire une tirade politique intéressée.

Netanyahpou pendant son discours à Yad Vashem le 7 avril 2021. Photo Olivier Fitoussi/Flash90

Voici le premier ministre de l'État d'Israël, l'État du peuple juif, s'exprimant à Yad Vashem à la veille de la journée nationale de commémoration de l'Holocauste, l'un des jours les plus sacrés du calendrier national israélien.

En une telle occasion, on pourrait s'attendre à un style de discours alliant un ton lugubre, de la solennité, de l'humilité, de la grâce, une perspective historique et un éclairage précieux. Après tout, c'est un jour où le pays tout entier se souvient du génocide et de la tragédie les plus vils de l'histoire de l'humanité. Mais pas lorsqu'il s'agit de M. Netanyahu.

Pour le Premier ministre, il ne s'agit que de lui. Toujours. Pour lui, le jour de commémoration de l'Holocauste n'est qu'une occasion de plus de faire un discours politique, une tirade intéressée. En prime, pour rendre les choses encore plus politisées, le discours de cette année comprenait également un avertissement au président Joe Biden sur l'Iran.

Israël, a déclaré M. Netanyahu, « ne s'engagera pas » dans un nouvel accord avec l'Iran, si un tel accord est conclu à la suite de nouvelles négociations nucléaires. Dans le monde de M. Netanyahu, nous sommes toujours en 1938, l'Iran, c'est l'Allemagne nazie, le monde est intoxiqué par l'apaisement et il est la réincarnation améliorée de Winston Churchill.

Cette vision de la réalité peut également expliquer pourquoi, dans un discours prononcé à l'occasion de la Journée de commémoration de l'Holocauste, Netanyahou a jugé bon de mentionner l'établissement de relations entre Israël et les Émirats arabes unis, ainsi que son amitié supposée avec le PDG de Pfizer, le Dr Albert Bourla. Comment ces deux choses sont-elles liées à la mémoire de l'Holocauste ?

En mentionnant la famille de Bourla, des survivants de l'Holocauste originaires de Thessalonique, en Grèce, Netanyahu ne rendait pas hommage au président prospère de Pfizer, mais plutôt à lui-même. Dans sa version de la réalité, c'est lui qui a rendu les vaccinations possibles, et non Pfizer ou Bourla. C'est le même sous-texte qu'il a essayé d'utiliser lors des récentes élections : si je n'avais pas été là, Israël n'aurait pas reçu les vaccins Pfizer.

La façon la plus commode d'encadrer et d'expliquer ce discours grandiloquent serait la situation politique particulière dans laquelle se trouve Netanyahou : Son procès pour corruption et fraude a débuté lundi, et bien que le président lui ait confié la tâche de tenter de former un gouvernement, ses chances d'y parvenir sont minces.

Lundi, le jour où le premier témoin est venu à la barre dans le procès, Netanyahou a prononcé un autre discours. Il s'en est pris avec véhémence au ministère public, l'a accusé de faire un coup d'État et a répété son affirmation selon laquelle une vaste cabale de l' « État profond » en a après lui. Les deux discours devraient être regroupés. Ils représentent la mainmise de Netanyahou sur Israël et l'empiètement délibéré sur la démocratie dont il est le maître d'œuvre.

Les trois branches du gouvernement sont presque dysfonctionnelles. La Knesset est un parlement faible, soumis aux caprices et au contrôle du gouvernement. Le gouvernement lui-même est également supprimé et dénigré par un premier ministre semi-autoritaire qui le gère selon ses besoins, et non selon les exigences d'un exécutif qui fonctionne. Le système judiciaire, qui fait l'objet d'attaques et d'intimidations constantes de la part de Netanyahou et de ses acolytes, semble loin d'être indépendant.

En outre, Netanyahou émascule constamment et avec succès la presse, harcelant les « gardiens » pour les soumettre, affaiblissant ainsi les fragiles freins et contrepoids du système israélien.

Quelques heures avant la cérémonie de mercredi, l'un de ses partenaires pour toute coalition potentielle, le député Bezalel Smotrich, chef du parti raciste et homophobe Sionisme religieux, a déclaré que si les Arabes israéliens n'acceptent pas la propriété du peuple juif sur la Terre d'Israël, « ils ne resteront pas ici ». Netanyahu appelle ce parti ses « alliés naturels », après les avoir encouragés sans relâche à s'unir avec d'autres forces d'extrême droite et avoir imploré les électeurs de voter pour eux avant les élections, il y a deux semaines.

Il est peut-être vrai que les démocraties meurent dans l'obscurité. Mais au cours des cinq dernières années, et particulièrement au cours des deux dernières, Netanyahou - sous la menace d'une condamnation pénale et après avoir échoué quatre fois à obtenir une majorité - pousse et incite la démocratie israélienne à se suicider de manière spectaculaire en plein jour. Netanyahou, quel que soit le jugement que l'histoire portera sur son bilan, est devenu une affliction pour la démocratie israélienne.

Lorsqu'il sent que la situation politique s'aggrave, Netanyahou évoque invariablement l'Iran.

« Faut pas se leurrer », a proclamé Netanyahou avec confiance le jour où les USA et l'Iran négociaient une reprise de l'accord nucléaire à Vienne, « un accord avec l'Iran facilitant son accès aux armes nucléaires n'impliquera aucune contrainte pour Israël ».

Qu'est-ce que cela signifie ? Israël n'est pas partie aux négociations. Il ne sera pas une partie officielle de l'accord. Israël n'était pas partie à l'accord original de 2015. M. Netanyahu a-t-il vu l'accord, qui n'existe pas encore ? A-t-il présenté un meilleur accord, comme il a promis de le faire depuis 2015 ? A-t-il un impact ou une contribution valable, ou est-il en train d'admettre qu'il n'y a pas vraiment de dialogue efficace entre Israël et son allié majeur le plus proche, les USA ? sur cette question ?

À un moment où la guéguerre maritime entre Israël et l'Iran s'intensifie, où les USA, l'Iran et les autres signataires de l'accord nucléaire de 2015 négocient un rétablissement mutuel, la chose la plus insensible et la plus imprudente à faire est de provoquer publiquement et de confronter l'administration Biden. Mais au lieu d'engager Biden dans un dialogue sérieux et discret, Netanyahou a choisi une autre tactique : il a fait une déclaration le jour de la commémoration de l'Holocauste.

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  haaretz.com
Publication date of original article: 08/04/2021

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