11/04/2021 tlaxcala-int.org  7 min #188126

Novlangue covidienne

 Luis Ernesto Sabini Fernández

Spectaculaire, mais c'était à attendre, l'essor de la novlangue, avec cette offensive pour supprimer les contacts directs interhumains, nous amenant à faire passer toute relation à travers des tamis, des options préétablies, des cribles, contrôles, enregistrements cybernétiques, algorithmes et applications qu'on nous « offre » pour améliorer les contacts, les savoirs, les qualités. C'est-à-dire, pour faire « tout » mieux, et on s'interroge sur ce sage avertissement de Blaise Pascal : l'homme est moitié ange, moitié bête, et chaque fois qu'il prétend se transformer totalement en ange, il se transforme totalement en bête. Son dualisme chrétien lui permettait ce regard.

Mais divers optimismes ont aboli ce regard problématique et dialectique : l'optimisme technologique, incarné dans l'American way of life, qui postule l'accès au paradis sur Terre, dont les réalisations se sont toujours avérées cauchemardesques - pour rester dans le cadre de l'optimisme bourgeois.

Mais sa prétendue contrepartie, si puissante tout au long des XIXe et XXe siècles, le socialisme, qui s'est à son tour incarné dans des expériences comme celle de l'URSS, nous a montré de la même façon les dangers des bonnes intentions excessives, et, surtout, de l'hubris du contrôle absolu. Avec le stalinisme, le fascisme, le nazisme, et des références suprêmes du genre de Hitler, Staline, Mao ou Fidel Castro, des leaders qui ne se trompent jamais, nous avons « concocté » le contraire de ce qu'on prétendait obtenir.

Autre idéologie promettant le bien absolu, qui s'est déployée tout au long du XXe siècle avec un mélange de mysticisme et de socialisme matérialiste - qui, de façon significative, reste beaucoup moins mise en question - : le sionisme, aujourd'hui devenu guide et référence de quelques-uns des principaux centres de pouvoir planétaires, comme le Royaume-Uni et les USA, et Israël, évidemment.

Le sionisme, qui a promis le paradis et la félicité aux juifs, tout en construisant un enfer pour les Palestiniens - accomplissant une fois de plus l'avertissement de Pascal.

Les conséquences de toutes ces idéologies du salut ont été et sont affligeantes. Certaines ont promis la liberté la plus absolue, d'autres l'égalité la plus radicale. Des unes et des autres, George Orwell a tiré sa novlangue, structurant un langage dont il nous a offert des exemples tels que celui-ci : « tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d'autres. »

Ces antécédents de la modernité sont inquiétants.

En sommes-nous sortis, ou, au contraire, resurgissent-ils sous de nouveaux habits ?

Selon la délimitation pertinente d'Aldo Mazucchetti [1], le nouveau siècle, le XXIe, commence en février 2020, avec cette instauration du règne du médiat, avec la suppression du direct, de l'affectif. Et ce qui est médiatisé se présente à travers des artifices électroniques. C'est la suspension, ou plutôt l'éradication du dialogue humain qui a toujours, avec des hauts et des bas, caractérisé l'espèce, l'humanité, comme on dit habituellement.

Depuis février 2020, avec une pandémie décrétée « en haut lieu », et la peur généralisée qui en découle, le dialogue, si décrié et méprisé par les self-made men et par la rigueur « objective » des projets socialistes (qui devaient être réalisés, non discutés), a aujourd'hui bel et bien disparu, en tant que projet explicite, du tissu social, ou a été relégué dans des espaces interstitiels.

On a imposé, on a entrepris d'imposer, avec des réussites diverses, une réalité officielle, en tant que « nouvelle normalité », au service, bien sûr, des meilleures intentions.

Il est difficile, par exemple, de trouver des « textes d'auteur » plus remplis de bonté que ceux de Bill Gates, archétype du philanthrope contemporain, où il s'agit de faire le bien, de façon inconditionnelle, en mettant « toute » sa fortune et son énergie au service des pauvres, des faibles, des marginalisés, cet autre monde... si étranger à celui du philanthrope.

On ne peut se permettre de faire du mal que si on le fait au service des meilleures intentions. Il faut être pourvu de la plus grande excellence imaginable pour exterminer les indigènes d'un pays et torturer des éléments considérés comme subversifs ; seul l'« envoyé » d'un dieu, totalement convaincu de sa bonté et de la bonté de son créateur présumé, pouvait se permettre de verser du plomb fondu dans les orbites des yeux d'un négationniste, un incrédule, un hérétique, qui ne « voyait » pas la vérité. Cela, en des temps d'Inquisition.

Aujourd'hui, on n'utilise pas de plomb : de braves soldats nord-américains, qui apportaient au Vietnam, dans leur sac à dos, du Coca-Cola - comme si c'était le must - avec la démocratie, se permettaient d'incendier toutes les forêts locales pour brûler vifs les guérilleros qui s'y cachaient.

Seul un Père très aimant pouvait faire avouer à presque toute la vieille garde bolchevique qu'ils devaient accepter la responsabilité de délits divers - la plupart inexistants - parce qu'on préservait ainsi la pureté, la solidité, la vérité du parti qu'ils avaient construit ensemble. Ad majorem PC gloriam.

C'est ainsi que nos journalistes et communicants les plus neutres nous présentent leurs meilleures perspectives, nous offrant une novlangue florissante, en accord avec laquelle ils postulent, espèrent, appellent de leurs vœux un « passeport sanitaire », pour restaurer, disent-ils, « la liberté ». Certificat obligatoire de vaccins (traditionnels ou géniques, peu importe) contre ou sur le Covid 19 pour pouvoir travailler, aller au théâtre, voyager, étudier... bref, pourquoi pas pour aller au marché ou à l'épicerie ?

Nos journalistes stipendiés - parfois des privilégiés économiques des moyens d'incommunication de masse - nous expliquent que nous éviterons ainsi toute limitation de nos libertés et parviendrons à la normalité perdue, objet de nos désirs.

Bien sûr, ces journalistes, souvent progressistes, ne nous disent pas que cette prétendue liberté doit se payer de l'injection d'un vaccin dont le moins qu'on puisse dire est ce qu'on lit dans le dialogue de deux souris : « Tu vas te faire vacciner ? - Tu es folle ? Tu ne vois pas que, chez les hommes, on en est encore au stade de l'expérimentation ? » [2]. Cette nouvelle normalité veut s'imposer au moyen d'un passeport sanitaire. Avec un vaccin qui a été fait à la hâte et représente, objectivement, la plus grosse affaire de Big Pharma des dernières décennies. Comment éviter le soupçon que cette problématique pandémie, dont on ne connaît même pas l'importance des morts réelles, n'a été rien d'autre que le prétexte d'une bonne affaire, ou, encore plus probablement, le levier d'un immense pouvoir dont la portée n'a pas de précédents ?

Pour mettre le comble à cette novlangue, on persiste à dire que le vaccin n'est pas obligatoire. On ressent sourdement l'impression qu'il se heurte à une véritable résistance, mais, officiellement, il en est peu ou pas du tout question dans les coteries médiatiques du journalisme télévisé.

Bien sûr qu'il est volontaire, il ne manquerait plus que ça ; mais, si on ne se fait pas vacciner, nos journalistes aux ordres ne nous offrent que la paralysie et l'isolement.

Notes

[1] «   El año que quisieron editar lo real desde arriba » [« L'année où on voulut éditer le réel d'en haut »], eXtramuros, Montevideo, mars 2021.

[2] Heureusement, il y a de plus en plus de médecins et professionnels de la santé qui concluent qu'il est plus nocif, et de ce fait moins hippocratique, de se faire vacciner que de soigner directement la maladie par des moyens médicaux : traitement contre la thrombose, par exemple. Voir les contributions et approches deThomas Dalton, Marcelo Sandín, Luc Montaigner, A. Martínez Belchi, Christian Carrera, Nick Kollerstrom, Yanny Gu, Pablo Goldschmidt, Reiner Fuellmich, Joseph Mercola et tant d'autres, sans parler de penseurs et analystes sociaux comme notre Hoenir Sarthou, Jeremy Hammond, Michel Chossudovsky, Mike Whitney, Vandana Shiva et un nombre immense de têtes pensantes et de voix littéralement réduites au silence dans les médias de masse, les enceintes institutionnelles et même certains lieux de combat culturel, naguère critiques et rebelles, apparemment totalement cooptés par nos « bienfaiteurs » pandémiques.

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  tlaxcala-int.org
Publication date of original article: 11/04/2021

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