11/04/2021 7 articles francais.rt.com  9 min #188114

Silence des chancelleries occidentales sur l'affaire Assange, sous écrou depuis deux ans

Ce 11 avril 2021, un ciel gris recouvre la banlieue est de Londres, où se trouve la prison de haute sécurité de Belmarsh, dans laquelle est actuellement incarcéré Julian Assange.

Cela fait deux ans, jour pour jour, que le fondateur de WikiLeaks y a été placé sous écrou, après sa spectaculaire arrestation dans l'ambassade équatorienne de la capitale britannique.

Une interpellation lourde d'enjeux

En fin de matinée de ce 11 avril 2019, deux fourgons de la police britannique sont postés devant le bâtiment diplomatique, où le ressortissant australien vit reclus depuis près de sept années. Affaibli physiquement, Julian Assange franchit malgré lui le pas de la porte, traîné de force par sept hommes. Il peine à prononcer quelques mots devant les rares caméras présentes sur place. Blafard et prolongé d'une longue barbe blanche, son visage est immortalisé à travers les vitres du véhicule qui doit le transporter vers les services pénitentiaires de Sa Majesté. Pour ses dernières secondes dans le quartier de Knightsbridge, le fondateur de WikiLeaks ne peut communiquer sa détermination qu'en levant le pouce.

© Peter Nicholls Source: Reuters
Julian Assange le jour de son arrestation, le 11 avril 2019.

Pour rappel, Julian Assange trouve refuge à l'ambassade de l'Equateur le 19 juin 2012, alors qu'il est poursuivi par la justice britannique dans le cadre d'un mandat d'arrêt suédois pour  une affaire de viol présumé qui sera finalement classée sans suite après des années d'intense médiatisation. A cette époque déjà, le fondateur de WikiLeaks redoute avant tout d'être extradé vers les Etats-Unis, où il est notamment accusé d'avoir conspiré avec l'ancien militaire Bradley Manning (devenu depuis Chelsea Manning) en vue de mettre la main sur des documents confidentiels de l'administration américaine.

Deux éléments majeurs éclairent l'arrestation du 11 avril 2019. Premièrement, celle-ci a eu lieu immédiatement après que Julian Assange s'est vu retirer, sur décision du président équatorien Lenin Moreno, l'asile politique que lui avait délivré en 2012 l'administration de Rafael Correa (le prédécesseur de Moreno) :  l'ancien ministre équatorien de la Défense dénonce alors une décision prise contre Assange sous la pression du Fonds monétaire international (FMI). Deuxièmement, quasi simultanément à l'opération policière britannique, Washington annonce officiellement  l'inculpation de Julian Assange pour «piratage», une charge passible de cinq ans de prison outre-Atlantique, peine encourue qui s'est alourdie avec le temps, puisque le fondateur de WikiLeaks risque désormais 175 ans de détention sur le sol américain, du fait d'une vingtaine de chefs d'inculpation formulés à son encontre.

Peine purgée, Assange est toujours incarcéré

Dans la foulée de son incarcération, Julian Assange est officiellement condamné par la justice britannique à  50 semaines de prison pour «violation des conditions de sa liberté provisoire» - il lui était reproché de s'être réfugié à l'ambassade équatorienne, alors que la Suède demandait au Royaume-Uni son extradition dans l'affaire de viol présumé. Immédiatement, les soutiens du fondateur de WikiLeaks demandent sa libération, à l'instar d'un groupe de  quelque 80 citoyens français qui font le déplacement à Londres pour prôner la cause du ressortissant australien.

En juin de la même année, une vidéo inédite filmée à l'intérieur de la prison de Belmarsh donne un aperçu des conditions de détention d'Assange. Bien que la date précise à laquelle ces images ont été prises ne soit pas claire (le timecode figurant à l'écran est erroné), l'agence Ruptly explique que la vidéo a été filmée par un détenu de la prison. On y voit notamment Julian Assange interagir avec une autre personne dans une cellule, puis dans les parties communes de l'établissement. Aucune autre image de son incarcération ne fuitera après cette vidéo.

Simultanément aux actions citoyennes organisées devant la prison, tour à tour, des médecins, des avocats mais aussi un rapporteur de l'ONU demandent la libération de Julian Assange, pointant notamment  la «torture psychologique» ainsi que la persécution politique auxquelles il est confronté.

La question de son extradition réclamée par les Etats-Unis s'impose rapidement comme le principal enjeu de l'affaire : en juin 2020, l'administration américaine publie  un nouvel acte d'accusation lourd de conséquences à l'endroit du ressortissant australien.

Afin d'évaluer la demande américaine, un procès historique se déroule du 7 septembre au 1er octobre 2020, durant lequel  Julian Assange est littéralement réduit au silence par la juge britannique en charge de l'affaire, Vanessa Baraitser, qui fait valoir que seuls ses avocats peuvent le représenter.  Le 4 janvier 2021, celle-ci exprime son refus d'extrader le fondateur de WikiLeaks vers les Etats-Unis, compte tenu des risques de suicide du ressortissant australien dans une prison outre-Atlantique : la partie américaine fait rapidement savoir son intention de formuler  un recours en appel. Annoncée sous Donald Trump, la démarche n'est nullement freinée par l'administration Biden qui confirme  en février à la presse : «Nous avons fait appel et nous continuons à demander l'extradition.»

A ce sujet, Stella Moris - avocate et  compagne de Julian Assange, dont elle est la mère de deux enfants - écrit au mois de mars sur le site  crowdjustice : «C'est très provisoire, mais il est possible que l'appel de la Haute Cour contre la décision d'extradition de janvier ait lieu en mai, si les tribunaux autorisent un appel.»

A l'heure où nous écrivons ces lignes, aucune date officielle liée à la procédure d'appel n'a été communiquée et Julian Assange est toujours incarcéré, bien qu'il ait officiellement accompli les 50 semaines de détention auxquelles il avait initialement été condamné par la justice britannique. Vanessa Baraitser s'est pour l'heure  fermement opposée à toutes ses demandes de remise en liberté. Elle a en effet affirmé à plusieurs reprises qu'il existait des motifs sérieux de croire que si Julian Assange était libéré aujourd'hui, il ne se rendrait pas au tribunal pour faire face à la procédure de recours.

Le silence des chancelleries occidentales

Riche en rebondissements, le calvaire que traverse Julian Assange a été dénoncé par de nombreuses personnalités politiques, culturelles et médiatiques. Les travaux effectués par le ressortissant australien, qui ont rendu possibles les fuites d'informations d'intérêt général les plus massives du XXIe siècle, lui ont d'ailleurs valu  de nombreux prix de journalisme à travers le monde.

Contrastant avec les communiqués, tribunes, pétitions et autres actions coup de poing organisées en soutien au fondateur de WikiLeaks, le cas Assange s'est en revanche heurté au silence assourdissant de chancelleries occidentales pourtant peu timorées en la matière sur d'autres dossiers.

En effet, si certaines personnalités et institutions, comme l'actuel  président du Mexique ou encore  le parlement genevois, ont déjà exprimé leur volonté d'offrir l'asile politique au ressortissant australien, de telles initiatives n'ont pas généré une indignation générale au sein de la communauté internationale.

Preuve que cette affaire dérange les hautes sphères du pouvoir politique ? En tout état de cause,  l'enthousiasme d'un Donald Trump,  qui avait jadis encensé Julian Assange, s'est évaporé dès lors qu'il a été en mesure de porter sa cause sur la scène internationale. En France, l'actuel garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, en poste depuis juillet 2020, n'a pas satisfait aux attentes des partisans d'un asile politique pour Julian Assange, qui  rappellent au ministre son ancien engagement sur ce dossier. Au mois de février de la même année, celui qui n'était alors qu'une star du barreau français avait en effet annoncé son intention de demander audience à Emmanuel Macron afin d'étudier les possibilités d'accorder l'asile politique à Julian Assange. En août 2020, le ministère de l'Intérieur a fait valoir que «le garde des Sceaux ne [pouvait] pas interférer dans des procédures de demande d'asile qui relèvent de la responsabilité d'un organisme indépendant, l'Ofpra», l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

De façon générale, au-delà d'initiatives spontanées à l'appel de certaines personnalités, les institutions politiques occidentales se sont pour l'heure montrées discrètes sur l'incarcération du fondateur de WikiLeaks en Grande-Bretagne. Fin 2020, une eurodéputée irlandaise adressait ainsi un cri de colère à ses pairs, après que  l'écrasante majorité du Parlement européen a rejeté un amendement faisant référence à l'affaire Assange, qu'elle avait proposé d'incorporer à un rapport dédié à la situation des droits fondamentaux au sein de l'UE sur la période 2018-2019.

Fabien Rives

 Lire aussi Navalny et Assange : une eurodéputée irlandaise dénonce le double standard de l'UE

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Le monde occidental a une très haute opinion de lui-même et de ses prétendues valeurs, mais la manière dont il traite le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, révèle qu'il ne s'agit que de mensonges.

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La joie, l'enthousiasme furent très partagés lorsque le 4 janvier dernier, la juge britannique Vanessa Baraitser communiquait la décision du tribunal londonien de ne pas extrader Julian Assange aux Etats-Unis. La magistrate se payait une touche compassionnelle ; elle disait craindre pour la santé physique et mentale de l'inculpé en cas d'extradition, évoquant même des risques suicidaires.