03/05/2024 infomigrants.net  5 min #247952

Réforme des frontières Schengen : que prévoit la nouvelle loi européenne ?

Un contrôle effectué par des policiers allemands. Crédit : Picture alliance

Le Parlement européen a approuvé le 24 avril la réforme de la libre circulation dans l'espace Schengen. L'objectif est de clarifier les règles et de réduire le nombre de contrôles frontaliers temporaires dans la zone Schengen, un territoire composé par 27 États au sein duquel, en théorie, chacun peut circuler sans contrôle. Près de 400 millions de personnes vivent dans cet espace.

Pourquoi ces changements ?

La Commission européenne a lancé la révision du code Schengen, estimant que l'Union européenne (UE) pourra ainsi faire face à de nouveaux défis, comme ceux posés par la pandémie de Covid-19, pour laquelle les anciennes règles n'ont pas été conçues.

Un autre défi selon l'UE est celui de  l'"instrumentalisation", lorsque un pays utilise la migration pour faire pression sur l'Union européenne, en facilitant les entrées irrégulières.

C'est ce dont la Biélorussie a été accusée par la Pologne en 2021. La Finlande estime également que la Russie orchestre l'arrivée de migrants à sa frontière. Dans de tels cas, l'UE pourra "fermer temporairement ou limiter les heures d'ouverture de certains points de passage frontaliers".

Les contrôles sont la nouvelle norme

Lors de l'élaboration du code Schengen des frontières en 2006, les pays européens n'avaient pas non plus prévu des contrôles aux frontières intérieures pour lutter contre l'immigration clandestine. Or, depuis quelques années déjà, de nombreux États, dont la France, ont réintroduits des contrôles de papiers d'identité.

"Les contrôles sont la nouvelle norme pour de nombreux États membres", selon le service de presse du Parlement européen contacté par InfoMigrants.

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Ces contrôles aux frontières intérieures étant toutefois largement impopulaires, le nouveau code tente de maintenir la circulation sans restrictions pour une majorité de personnes.

Pour continuer dans le même temps de lutter contre l'immigration irrégulière, le nouveau code prévoit des "accords de réadmission bilatéraux". Un migrant ainsi appréhendé par la police dans une zone frontalière peut être "transféré", donc renvoyé, vers le pays par lequel il est arrivé.

La manière dont cette règle doit être mise en œuvre dans la pratique est largement laissée à l'appréciation des autorités nationales et reste une recommandation. Néanmoins, cette disposition suscite l'inquiétude parmi les groupes de défense des migrants, mais aussi de nombreux membres du Parlement européen, comme l'eurodéputé des Verts/Alliance libre européenne Mounir Satouri, qui s'est fermement opposé à la réforme.

Sur X (ex-Twitter), il estime que "la réforme ultra sécuritaire du Code des frontières Schengen soutient l'UE forteresse".

🚨Après le #Pacteasilemigration de la honte, la réforme ultra-sécuritaire du Code frontières #Schengen entérine l'UE forteresse
Encore plus d'atteintes aux Droits humains des https://t.co/S8pIohecAu: surveillance, contrôle, limitation discriminatoires de passage aux frontières
🚨Le Parlement euro a adopté le #Pacteasilemigration
❌La droite et ses alliés qui ont voté pour ce Pacte honteux consacrent l'Europe forteresse dont rêve l'extrême droite
‼️ Nous écologistes dénonçons avec fermeté ce Pacte qui saborde nos principes d'humanisme et de solidarité

Un vote "honteux"

La Plateforme pour la coopération internationale sur les sans-papiers (Picum), qui réunit plusieurs dizaines d'ONG, a qualifié le vote au Parlement de "honteux", en critiquant des conséquences désastreuses pour les migrants. "Cela transforme les espaces Schengen en un lieu contrôlé par la technologie, où le profilage racial et les refoulements internes sont de fait légitimés", écrit le réseau sur X.

Les ONG affirment que les nouvelles règles donnent un feu vert aux contrôles au faciès, basés sur l'apparence d'une personne.


|Des personnes migrantes attendent à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne, en novembre 2021
Photo : Ramil Nasibulin / picture-alliance

"Le profilage ethnique n'est pas une nouveauté et a été renforcé par la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures", affirme Silva Carta, responsable du Picum, à InfoMigrants. "Ce qui change avec les nouvelles règles de Schengen, c'est qu'il sera possible de généraliser les contrôles de police près des frontières intérieures de l'UE, même en l'absence de contrôles aux frontières intérieures", poursuit-elle.

Selon Silvia Carta, les contrôles de police visent explicitement à réduire la migration irrégulière, en "demandant aux forces de l'ordre d'identifier les personnes qui 'ont l'air' d'être des migrants".

Pas d'exemption pour les enfants

Parmi les personnes qui risquent d'être ciblées par les autorités et de faire l'objet d'un transfert à la frontière en vertu de l'article 23a de la nouvelle loi figurent les familles avec enfants.

La Picum et de nombreux autres groupes, dont le Conseil danois pour les réfugiés, le Conseil grec pour les réfugiés et Oxfam, affirment que cet article permet des refoulements de migrants au sein de l'espace Schengen. Le fait que les enfants ne soient pas exemptés de ces "transferts" inquiète Silvia Carta, malgré une disposition de la version finale de la nouvelle loi invitant les pays à "considérer l'intérêt supérieur de l'enfant" conformément à leurs lois nationales.

"L'intérêt supérieur de l'enfant doit toujours être protégé conformément aux obligations en matière de droits fondamentaux, mais l'expérience montre que les droits des enfants ont été violés à plusieurs reprises dans le cadre des contrôles aux frontières intérieures et des procédures de réadmission", explique-t-elle.

La nouvelle version du code des frontières Schengen devrait être adoptée dans les prochains mois.

 infomigrants.net

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