20/11/2015 mondialisation.ca  13min #105029

 Des dizaines de morts à Paris, l'état d'urgence décrété...

La politique actuelle de la France n'est pas indépendante de celle des Etats-unis

Par  DR Bachar al-Assad

Le président al-Assad au Magazine français "Valeurs Actuelles"

Damas / Le président Bachar al-Assad a affirmé que la politique actuelle de la France n'est pas indépendante de celle des Etats-Unis.

Dans un entretien qu'il accordé au magazine français "Valeurs Actuelles", le président al-Assad a fait savoir que c'est honteux pour le président François Hollande de tenter d'insulter un peuple civilisé riche d'une histoire de plusieurs milliers d'années comme le peuple syrien.

Voici le texte intégral de l'entretien accordé par le Président AL-ASSAD au magazine français "Valeurs Actuelles" :

- Question 1 :

Que diriez-vous des propos tenus par le Président François Hollande, que le président AL-ASSAD ne saurait être la solution car il fait partie du problème. Considérez-vous qu'il s'agisse d'une opinion générale ? Quelle serait votre réponse ?

- Le Président AL-ASSAD :

Je répondrai tout d'abord par la question suivante : le peuple syrien a-t-il désigné le président Hollande pour être son porte-parole ? Accepteriez-vous en tant que citoyen français qu'une remarque pareille vienne d'un politicien étranger, quel qu'il soit ? N'est-ce pas une offense au peuple français ? Nous voyons les choses de manière identique. N'est-ce pas insulter le peuple syrien que de tenir de tels propos ? Cela ne veut-il pas dire qu'il ne reconnaît pas ce peuple ?
La France a, par ailleurs, toujours était fière du patrimoine et des principes de la révolution française, et peut être aussi de la démocratie et des droits de l'homme. Or, le premier principe de la démocratie étant le droit des peuples à choisir leur président, c'est une honte qu'il dise, lui qui représente le peuple français, une chose qui va à l'encontre des principes de la république française et du peuple français. De même, que c'est honteux pour lui de tenter d'insulter un peuple civilisé riche d'une histoire de plusieurs milliers d'années comme le peuple syrien. Telle est ma réponse, mais je pense que cela ne changera rien à la réalité des choses en Syrie, car les faits ne seront pas altérés par de telles déclarations.

- Question 2 :

Si vous avez à adresser un message à Messieurs Hollande et Fabius, notamment à la suite de l'attentat d'hier à Paris, serait-ce : « coupez immédiatement vos relations avec le Qatar et l'Arabie Saoudite ? ».

- Le Président AL-ASSAD :

Un tel message porte plusieurs facettes : sont-ils indépendants pour que je leur adresse un tel message, et leur appartient-il d'y répondre favorablement ? À vrai dire, la politique actuelle de la France n'est pas indépendante de celle des Etats-Unis. Adresser un tel message ne mènera donc strictement à rien. Néanmoins, s'il m'appartient d'espérer certains changements dans la politique de la France, la première chose qui serait à faire, c'est de restituer la politique réaliste de la France, une politique indépendante et amie du Moyen-Orient et de la Syrie.

La France devrait aussi prendre sa distance vis-à-vis de la politique américaine de deux poids deux mesures. Ainsi, s'ils veulent soutenir le peuple syrien, comme ils le prétendent, notamment en faveur de la démocratie, il ferait mieux de soutenir d'abord le peuple saoudien.

Si vous avez un problème concernant la démocratie avec l'Etat syrien, comment pouvez-vous établir de bonnes relations et des liens d'amitiés avec les pires Etats du monde, et les plus sous-développés, tel l'Arabie Saoudite et le Qatar ?
Une telle contradiction manque de crédibilité

Enfin, il est normal qu'un responsable œuvre dans l'intérêt de son peuple. La question que je pose dans ce message est la suivante. La politique adoptée par la France durant les cinq dernières années a-t-elle était bénéfique au peuple français ? Qu'a-t-il gagné le peuple français d'une telle politique ? Je suis certain que la réponse serait : Rien. La preuve en est ce que j'ai dit il y a plusieurs années, à savoir : que jouer avec la ligne de faille en Syrie c'est jouer avec le séisme qui aura des répercussions sur le monde entier, notamment en Europe parce que nous en sommes la cour de derrière géographiquement et géopolitiquement parlant. A l'époque, on avait dit : « Est-ce une menace ? ». Je ne menaçais personne. L'attentat de Charlie Hebdo a eu lieu en début d'année, j'ai dit à l'époque que ce n'est que le sommet de l'Iceberg. Ce qui s'est produit hier en est une preuve supplémentaire. Ils devraient par conséquent changer de politique dans l'intérêt de leur peuple, c'est alors, que nos intérêts communs avec le peuple français convergeront notamment dans la lutte contre le terrorisme. Le message final consisterait donc à les appeler à être sérieux lorsqu'ils parlent de lutte contre le terrorisme. Tel est mon message.

- Question 3 :

Nos experts français disent que les terroristes ont certainement étaient entraînés au Moyen-Orient. Nous ne disposons pas d'informations à ce sujet.
Qu'est-ce qui serait nécessaire pour obtenir ce genre de collaboration entre Paris et Damas ?

- Le Président AL-ASSAD :

Ce dont vous avez besoin c'est d'abord du sérieux. Si le gouvernement français n'est pas sérieux dans son combat contre le terrorisme, on ne perdra pas notre temps à collaborer avec un pays, un gouvernement, ou une institution qui soutient le terrorisme. Il faut d'abord que vous changiez de politique, et que celle-ci soit fondée sur un seul critère et non plusieurs, de faire partie d'une alliance joignant des pays qui luttent uniquement contre le terrorisme et non des pays qui soutiennent le terrorisme et le combattent en même temps. Nous aimerions établir une telle collaboration, non seulement ave la France, mais avec n'importe quel Etat, mais une telle coopération doit se faire dans un environnement adéquat, s'appuyer sur certains critères, et se faire dans des conditions précises.

- Question 4 :

Dans l'avenir, si le gouvernement change, serait-ce possible ?

- Le Président AL-ASSAD :

En politique, il n'y a de place ni pour l'amitié ni pour les émotions. Il n'y a que les intérêts. C'est bien mon rôle en tant que politicien. C'est aussi le leur en tant que politiciens dans leur pays. Il ne s'agit pas pour moi d'aimer ou de ne pas aimer Hollande. Ça n'a rien à voir. Mon devoir c'est de savoir ce qui est le mieux pour les Syriens. Il leur incombe d'œuvrer dans l'intérêt de leurs compatriotes français. Dans l'avenir, nous n'avons aucun problème. Le problème est dans les politiques et non dans les émotions.

- Question 5 :

Vous avez rencontrez le président Poutine. Je ne vous demanderai pas ce qu'il vous a dit. Mais j'aimerais vous poser la question suivante : Lorsque quelqu'un dit que Poutine est la dernière personne à défendre l'Occident, seriez-vous d'accord ? Serait-il vraiment le dernier chef d'Etat à défendre la civilisation occidentale chrétienne ?
- Le Président AL-ASSAD :

Vous voulez savoir si je pense qu'il défend ou non l'Europe occidentale.

- Question 6 :

Exactement

- Le Président AL-ASSAD :

C'est exact sur le plan réaliste. Lorsque vous parlez de terrorisme, il n'y a qu'une seule arène, c'est à la fois la Syrie, la Libye, le Yémen, mais aussi la France. Le tout constitue une seule arène. Donc, ce qui a incité à la coalition russe qu'ils avaient annoncé quelques mois avant d'envoyer leurs forces en Syrie, est le fait que si nous ne combattons pas le terrorisme en Syrie, ou peut-être dans d'autres endroits du monde, il frappera partout y compris en Russie. C'est donc exact. Quand vous combattez le terrorisme en Syrie, vous défendez la Russie, l'Europe et autres continents. C'est tout à fait exact. Ce fut notre opinion pour des décennies, depuis que nous combattions les terroristes Frères musulmans dans les années 70 et 90. Nous avons eu cette impression, et nous avons toujours réclamé une coalition internationale de lutte contre le terrorisme, car le terrorisme ne reconnaît pas de frontières politiques et ne s'intéresse pas aux procédures. Quelles que soient les mesures que vous avez prises en France après Charlie Hebdo, ce qui s'est passé aujourd'hui corrobore cette théorie. C'est donc tout à fait exact. Quiconque combat le terrorisme quelque part, et non Poutine seulement, protège le reste du monde.

- Question 7 :

Voici une question un peu difficile. Il y a une conférence à Vienne sur la Syrie, mais aussi demain à Ankara avec le G20. Divers présidents ont dit à plusieurs reprises : « La solution réside dans le départ de Bachar AL ASSAD ». Etes-vous prêt, personnellement, de renoncer au pouvoir au cas où ce serait la meilleure solution pour protéger la Syrie ?
- Le Président AL-ASSAD :

C'est une question à double volet. Concernant le premier, à savoir si je ferai tout pour satisfaire une demande étrangère ? Ma réponse est non. Je ne le ferai pas quelle que soit cette demande, peu importe qu'elle soit petite ou grande, importante ou non. Ils n'ont rien à voir avec la décision syrienne. La seule chose qu'ils ont faite jusqu'à présent, c'est de fournir le soutien aux terroristes par divers moyens, et en leur procurant un soutien direct. Ils sont en train de créer des problèmes et ne font nullement partie de la solution. Cependant, ces pays qui soutiennent les terroristes, ne font pas partie de la solution en Syrie. Quoiqu'ils disent, nous ne répondons pas, parce qu'ils ne nous intéressent pas, pour être franc.

Quant au second volet de votre question, en ce qui me concerne, en tant que Syrien, je réponds seulement à la volonté de la Syrie. Ceci dit, une telle volonté doit bien entendu émaner d'un consensus de la majorité des Syriens. Le seul moyen de savoir ce que les Syriens veulent c'est à travers les urnes.
Troisièmement, pour qu'un président vienne au pouvoir ou le quitte, dans tout Etat qui se respecte, respecte sa civilisation et son peuple, cela doit se faire à travers un processus qui reflète la constitution. C'est la constitution qui emmène un président au pouvoir, et c'est la constitution qui le fait quitter le pouvoir à travers le parlement, les élections, le référendum et ainsi de suite. C'est le seul moyen pour un président de venir au pouvoir ou de le quitter.
- Question 8 :

Tous ces entretiens montrent que la seule solution pour la Syrie, mais aussi pour l'Irak et le Liban, c'est la partition. Nous en entendons beaucoup parler, comme vous le savez. De même, qu'on parle de sécularité et de sectarisme. On dit beaucoup de choses un peu partout, et vous le savez mieux que nous, en ce qui concerne la Syrie, la région littorale, mais aussi l'Irak et le Liban, qu'en pensez-vous ?

- Le Président AL-ASSAD :

Ils veulent donner l'impression dans les médias occidentaux que le problème dans la région est une guerre civile entre les diverses composantes, religions, ethnies, qui ne veulent pas cohabiter. Alors, pourquoi ne divisent-elles pas leur patrie ?
Elles pourront alors rester chacune dans sa région. En fait, le problème est tout autre, car vous pouvez voir maintenant toutes ces composantes mener ensemble une vie normale, dans les régions qui se trouvent sous contrôle du gouvernement.
Par conséquent, s'ils veulent diviser, il faut tracer des lignes très claires entre ces composantes qu'elles soient ethniques, confessionnelles, ou sectaires. Le cas échéant, si la région en arrive jusque-là, je vous dis qu'il y aura des mini-Etats qui s'engagent les uns contre les autres dans des guerres qui dureront des siècles. Toute situation de ce genre signifie des guerres permanentes. Pour ce qui est du reste du monde, cela signifie davantage d'instabilité et de terrorisme qui pourraient être exportés au monde entier. Telle est la situation et c'est bien entendu très dangereux de réfléchir de la sorte. Nous ne voulons pas qu'il y ait un environnement social favorable à cette division. Si vous interrogez maintenant n'importe quel syrien, qu'il soit pour ou contre le gouvernement, tout le monde vous dira qu'il soutient l'unité de la Syrie.

- Question 9 :

Vous avez évoqué la constitution. Dans quelques mois, il y aura des élections en Syrie. Etes-vous prêt à avoir des observateurs internationaux dans ces élections ?
- Le Président AL-ASSAD :

Oui. Mais nous avons bien précisé qu'une observation internationale ne signifie pas les organisations des Nations Unis qui n'ont franchement aucune crédibilité, car elles sont sous le contrôle des Américains et de l'Occident en général. Donc, lorsque nous parlons d'observation internationale, de participation ou de coopération, cela veut dire certains Etats qui ont étaient impartiaux durant la crise, n'ont pas soutenu le terrorisme, et n'ont pas essayé de politiser leurs positions vis-à-vis des événements en Syrie. Tels sont les Etats qui peuvent participer à une telle coordination ou observation. Mais nous n'avons pas d'objection de principe.
- Question 10 :

Nous avons parlé du Qatar et de l'Arabie Saoudite, mais nous n'avons pas évoqué la Turquie qui permet à des centaines de milliers de réfugiés de franchir ses frontières. Il semble même qu'elle permet le passage des djihadistes vers la Syrie. Comment voyez-vous donc le rôle de la Turquie ?

- Le Président AL-ASSAD :

C'est le rôle le plus dangereux dans la situation, car la Turquie a offert toutes sortes de soutien à ces terroristes et à toutes leurs variantes. Certains pays soutiennent le front Nosra lié à Al Qaeda. D'autres soutiennent Daech. La Turquie elle soutient les deux organisations, ainsi que d'autres en même temps. Elle leur fournit des sources humaines en recrutant des combattants, un soutien logistique, financier, des armements et une surveillance. Même les manœuvres menées par l'armée turque sur les frontières durant les combats en Syrie étaient dans cet objectif. Ils leur fournissent même l'argent collecté de partout dans le monde, à travers la Turquie. Daech vend également le pétrole en Turquie. Il est donc clair que la Turquie joue le pire des rôles dans notre crise.
Cela est directement lié à Erdogan en personne, de même qu'à Davutoglu, les deux étant le reflet de leur véritable idéologie, celle des Frères musulmans.
- Question 11 :

Vous pensez qu'il est membre de la confrérie des Frères musulmans ?

- Le Président AL-ASSAD :

Il n'appartient pas nécessairement à l'organisation, mais son épouse l'est à 100%. Il s'intéresse beaucoup à l'Islam politique, un Islam opportuniste qui n'a rien du vrai Islam. C'est comme ça que nous voyons les choses, car il ne faut pas politiser la religion. C'est donc directement lié à lui et à son désir de voir les Frères musulmans gouverner le monde arabe tout entier, et de manière à ce qu'il puisse les contrôler comme étant leur grand Sultan, ou plutôt leur Imam. Tel est le rôle que joue la Turquie.

- Question 12 :

Vous connaissez la situation dans laquelle nous nous retrouvons après les attentats d'hier à Paris, et même déjà lors de l'attentat de Charlie Hebdo, et même avant... vous en avez parlé, mais je voudrais insister davantage là-dessus. Pensez-vous que la France ne pourra combattre le terrorisme tant qu'elle poursuit ses relations avec le Qatar et l'Arabie Saoudite ?

- Le Président AL-ASSAD :

Oui. J'ajouterai même : vous ne pouvez pas combattre le terrorisme si vous n'entretenez pas des relations avec la force qui lutte contre Daech et le terrorisme sur le terrain. Vous ne pouvez pas combattre le terrorisme en adoptant de mauvaises politiques qui soutiennent finalement directement ou indirectement le terrorisme. Si vous ne disposez pas de tous ces facteurs, vous ne pourrez pas le faire. Et nous ne pensons pas qu'ils le peuvent jusqu'à présent.
- Merci Monsieur le Président

- Le Président AL-ASSAD :

Merci pour votre visite

La source originale de cet article est  Valeurs Actuelles

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