15/10/2018 reporterre.net  9 min #147011

Marche pour le climat, en France et en Europe

À Marseille comme dans 80 villes, le succès des marches pour le climat

Samedi 13 octobre, dans des dizaines de milliers de citoyen-nes ont marché pour signifier la nécessité d'agir contre le changement climatique. Un succès inattendu et spontané. Reporterre a suivi la marche à Marseille. Récit en photos.

  • Marseille, reportage

Samedi 13 octobre, il faisait chaud, très chaud sur toute la France. C'était une journée historique pour la météo avec un record de 9 à 10 degrés au dessus des normales saisonnières selon Météo-France. Et c'était une mobilisation climatique de grande ampleur avec des milliers de citoyens qui sont à nouveau descendus marcher pour le climat dans les rues de 80 villes : Paris, Lille, Bordeaux, Strasbourg, Caen, Limoges, Dijon, Besançon ou encore Genève, Montréal ou Montevideo. Quelques jours après la parution du  nouveau rapport du Giec, la question climatique reste au devant de la scène.

Après les  marches du 8 septembre qui avaient rassemblées plus de 130 000 personnes en France, la mobilisation citoyenne pour le climat ne faiblit pas. Ce samedi ci, le mot d'ordre était : « Plus qu'une marche pour le Climat », lancé dans l'appel publié le 21 septembre par les citoyens organisateurs de la Marche de Paris : « Ces dernières années, le slogan « Un autre monde est possible » a souvent été entendu. Nous sommes aujourd'hui au stade où un autre monde est nécessaire [...] Nous appelons ces bâtisseur.ses à venir présenter leurs solutions pour enfin impulser le changement nécessaire dans nos sociétés, pour garder notre planète habitable, préserver notre environnement et sa biodiversité et répondre immédiatement et sans faux-semblants à l'urgence qui s'avance [...] le changement climatique nécessite un changement politique. C'est pourquoi nous souhaitons que cet événement animé par un mouvement citoyen interpelle directement le gouvernement, mais aussi acteurs privés et multinationales, et formule des demandes explicites d'action immédiate. »

Alors qu'à Paris, 14.500 personnes se sont réunies samedi 13 octobre, Reporterre était à Marseille où la marche qui est allée du Vieux Port jusqu'à la Préfecture a rassemblé plus de mille personnes.

11h, sur le Vieux Port, c'est presque un samedi matin comme les autres. Les pêcheurs vendent les bonites, daurades et autres produits de la mer fraîchement pêchés et les marseillais profitent d'une matinée d'octobre très ensoleillée.

11h30, sous l'ombrière, des pancartes sont posées sur des barrières et un rassemblement commence à se dessiner autour. On peut y lire : « La planète avant le profit », « Ici, les vivants qui veulent le rester » ou encore « T'es bonne sans carbone ». La Marche pour le Climat de Marseille se prépare.

Parmi les premiers présents, Adeline (à gauche) et ses collègues du Zoo de la Barben, venus en co-voiturage de Salon-de-Provence et coiffés d'une partie de leur déguisement d'ours blanc : « Il fait bien trop chaud pour mettre tout le costume ! » s'exclame Adeline pour ensuite ajouter : « L'ours blanc n'est qu'un symbole. Tout est lié, le changement climatique, c'est plus global et nous, on est venu apporter notre pierre à l'édifice. »

Devant la foule qui s'attroupe sous l'ombrière, une banderole se déploie. C'est le groupe local de Greenpeace Marseille qui veut faire une piqûre de rappel aux habitants de la région sur le danger que représentent les rejets toxiques déversés dans le massif national des calanques par l'usine Alteo de Gardanne : « En 2020, c'est la moitié de la quantité actuelle déversée qui sera autorisée. Mais ils iront ensuite rejeter ces liquides toxiques dans les collines. Alors, on a la même banderole sauf qu'on remplace nos calanques par nos collines ! Le changement climatique est une lutte globale mais c'est au niveau local qu'on peut agir concrètement. Et c'est ce qu'on est venu dire aux Marseillais » explique David, chargé de communication de Greenpeace Marseille.

12h, la marche s'ébranle. Au mégaphone, Boris, un des citoyens organisateurs, rappelle que la Marche est zéro déchet et qu'après son passage, la rue doit être plus propre qu'avant !

En tête de cortège, Garance, 17 ans (à gauche) qui vient de Gap dans les Hautes-Alpes et Sofia, 18 ans (à droite) qui vient d'Agadir au Maroc. Elles se sont toutes deux motivées à venir marcher après avoir vu la vidéo #Ilestencoretemps des  19 créateurs de vidéos (ou youtubeurs). Toutes deux sont très positives sur l'avenir : « Il y a de plus en plus d'initiatives citoyennes qui prouvent que ça change. Par exemple, cette semaine, le capitaine d'un bateau de croisière a été condamné pour ne pas avoir respecté les normes de  pollution dans le port de Marseille » explique Sofia. « On va y arriver si on se rassemble, ça va changer ! » poursuit Garance.

Un peu plus loin, Claude, porte fièrement une pancarte « Moins de degré, sauf pour la bière » : « Je suis tombé dessus. Elle était posée avec les autres sous l'ombrière du port. C'est très second degré - c'est le cas de le dire ! - mais ça ne peut pas faire de mal vu la situation [...] Je suis plutôt individualiste » avoue-t-il, « mais je ne veux pas que mes petits-enfants crament ».

Pendant 45 minutes, la marche se poursuit dans la joie et la bonne humeur. Quelques slogans et chants émergent de la foule et notamment une réinterprétation du chant des supporters de l'équipe de football de l'Olympique de Marseille : « Aux armes ! Aux armes ! Nous sommes les Marseillais ! Et nous avons marché ! »

Une fois arrivé sur la place de la Prefécture, un clapping géant est lancé et surprend les badauds assis aux terrasses de café. S'en suivent plusieurs prises de parole.

Boris (à droite) et Fred (à gauche) entament le bal des interventions. Ce sont les deux organisateurs citoyens de la Marche de Marseille : « Quand on a vu qu'il n'y avait rien de prévu à Marseille pour le 13 octobre, on s'est dit qu'il fallait le faire. On n'est pas des militants mais tous les jours, on agit à notre manière en faisant attention à notre consommation, par exemple. J'en avais un peu marre de râler dans mon coin et je voulais agir à une échelle collective, comme beaucoup » explique Fred.

C'est ensuite Jef qui prend la parole. Il représente le Collectif de la Plaine. Ces derniers jours, ce lieu est le point chaud de la ville autour des enjeux sociaux et écologiques. La Plaine est une place du centre-ville qui accueille depuis des dizaines d'années un marché populaire. Jeudi 11 octobre était le jour du dernier marché : à sa fermeture, la police est intervenue pour que des camions de chantier puissent installer d'énormes plots en béton. Depuis trois ans, des habitants, des forains et des commerçants de proximité contestent sur le fond le projet de rénovation prévu par la mairie. Ils demandent une rénovation respectueuse de l'existant et sont opposés à l'abattage d'environ 100 arbres sains qui depuis plus de 20 ans ornent la Place : « L'écologie ne peut être que sociale. La politique anti-écologique et anti-social de Gaudin est un scandale. La mairie détruit tous les espaces verts de la ville pour bétonner et maintenant, elle veut couper 115 arbres. Nous, nous disons, stop ! » s'exclame Jef en invitant les manifestants à rejoindre à 14h une Assemblée citoyenne près de la Place. Dans l'après-midi, des gaz lacrymogènes auront raison des opposants non-violents. Mais ils ont bien l'intention de continuer à résister.

Sur la Place de la Préfecture, on retrouve Alternatiba et Action-Non-Violente COP21 Marseille qui sont allés juste avant la marche mener une action de désobéissance civile devant la banque Société Générale, près de Noailles : « En écho au rapport du GIEC et dans le cadre de la campagne nationale portée par les Amis de la Terre France qui demande à la Société Générale de désinvestir des énergies sales comme les gaz de schiste, nous sommes allés poser nos mains rouges sur un des bâtiments de cette banque, coupable de crime climatique » explique Marie, porte-parole du groupe marseillais.

Beaucoup de familles se sont jointes à la marche. Mia, 3 ans, Victor, 8 ans et Juliette, 5 ans (de gauche à droite) ont fait la veille au soir, avec l'aide des parents, un atelier pancarte. Juliette a choisi les déchets parce qu'elle veut « qu'ils arrêtent de jeter les déchets partout. Ça pollue la planète ». Victor, lui, a choisi le plastique : « Dans la rue, il y en a partout et ça pollue. Parfois, je les ramasse et on va les trier ». Quant à Mia et sa pancarte « Laisse-moi mon avenir, j'ai des rêves à réaliser », elle dit, « c'est maman qui a aidé à choisir ! »

La dite maman est catégorique : « C'est désormais aux citoyens d'agir. Au niveau politique, il n'y a pas de répondant et il faut vite changer de cap. Beaucoup d'initiatives existent et nous le permettent, donc il faut s'y mettre, maintenant. »

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