Depuis que j'ai mis mon gilet jaune de la sécurité routière sur la plage avant de mon véhicule, je croise en Seine-et-Marne un nombre incroyable d'automobilistes qui ont fait comme moi. Combien ? Une voiture sur 30, sur 20, sur 10 ? Le phénomène est massif et se renforce jour après jour, il n'y a qu'à compter les voitures avec gilets jaunes dans les parkings des grandes surfaces. Les appels de phares ou coups de klaxon lorsqu'on croise un autre gilet jaune deviennent un signe de reconnaissance et de complicité.
Bien sûr, le Parti de la démondialisation (le Pardem) appelle à participer aux initiatives du 17 novembre. Ce phénomène est inédit. Son développement reste totalement imprévisible. En fait, cette traînée de poudre populaire semble être à la fois une protestation radicale contre le macronisme, pas simplement focalisée sur la hausse des prix des carburants, et contre l'impuissance générale apparente, politique et syndicale. Pour autant, jusqu'à présent, les gilets jaunes ne sont pas prêts à se faire récupérer et à se donner aux extrêmes ou réputés tels, quels qu'ils soient, contrairement à la lancinante campagne des grands médias pour tenter de les discréditer.
M. Macron a été élu sur la base du rejet de « l'ancien monde» incarné par les partis politiques traditionnels de gauche et de droite. Ces partis ont gouverné en alternance pendant des décennies pour mener finalement des politiques quasi identiques, toutes inspirées de la « théorie» économique standard (néolibérale). Logiquement, les résultats ont été identiques et prévisibles : renforcement du pouvoir et de la richesse pour ceux qui étaient déjà les plus puissants ; appauvrissement plus ou moins prononcé pour tous les autres. Afin d'échapper à ce clivage gauche-droite toujours présent à l'état de mythe, mais vide aujourd'hui de tout contenu, M. Macron s'est présenté comme étant à la fois « et de droite, et de gauche ». C'est parfaitement exact puisqu'il est, tout comme les principaux partis de gauche et de droite, en faveur du libre-échange (tout en le condamnant), pour la globalisation financière (tout en dénonçant ses excès), enthousiasmé par le système de l'Union européenne (tout en regrettant ses insuffisances), contre l'Etat et la nation aux motifs qu'une politique indépendante de la France ne pourrait qu'aboutir à l'étatisme et au nationalisme. Au second tour de l'élection présidentielle, tous les partis de gauche et de droite ont appelé à voter pour lui.
La dynamique des gilets jaunes est la conséquence de l'élection de M. Macron dans le sens où cette mobilisation populaire n'est pas organisée et encadrée, comme c'est habituellement le cas, par la gauche associative, syndicale ou politique. Elle déborde de ce cadre traditionnel, à sa façon, en constatant les échecs répétés des luttes syndicales et le délabrement de la gauche politique. Telle semble être l'ancien monde pour les gilets jaunes.
L'échec de M. Macron, inéluctable, puisqu'il est à la fois « et de gauche, et de droite » (et donc porteur de la même politique néolibérale commune à ces deux familles politiques), a peut-être involontairement débloqué la situation. Les gilets jaunes vont-ils dépasser les clivages sociaux, idéologiques, électoraux, dans une sorte de nouveau compromis historique, ouvrant ainsi un nouveau cycle politique et démocratique ? La réponse pourrait bien être positive, et c'est ce que l'on peut espérer et encourager. Car le sentiment d'une impasse politique ne fait que gagner du terrain dans notre pays depuis des années. Les Français, en effet, ont presque tout essayé : la droite puis la gauche, et encore la droite puis la gauche, avec à chaque fois l'échec (pour les classes populaires, pas pour les classes dominantes), accentué lors des deux derniers quinquennats, sans compter celui en cours qui promet de battre des records. Monsieur Macron a été élu par défaut (il croit l'avoir été pour ses beaux yeux), parce que les Français ne veulent pas l'accession des extrêmes aux responsabilités, parce qu'ils se sont adonnés au dégagisme, et parce que tous les partis visibles, de gauche et de droite confondues, ont appelé à voter pour lui. Aujourd'hui, fort logiquement, le président est impopulaire, mais aucun transfert de confiance ne s'opère vers les oppositions.
Le mouvement des gilets jaunes correspond à ce moment particulier, celui où une avant-garde du peuple, exaspérée par l'incurie générale, tente de prendre son destin en mains, en toute autonomie. Nous devons alors nous poser deux questions : comment aider au succès immédiat de cette mobilisation en veillant à lui assurer son caractère d'intérêt général, et comment traduire politiquement ce mouvement sans aucune récupération politicienne ?
Plan de la note :
1.- Certes, les voitures individuelles polluent, mais il n'y a pas qu'elles !
2.- Lutter pour le pouvoir d'achat, plus que jamais, est nécessaire et justifié, les gilets jaunes ne sont pas des « beaufs ».
3.- Arrêtons l'écologie punitive et construisons la transition sociale, écologique et démocratique.
4.- Investir les réseaux sociaux pour en faire l'arme du peuple.
5.- Construire un front du peuple auto-organisé.
6.- Traduire politiquement ce mouvement en commençant par le blocage des élections européennes, en refusant de voter.
1.- Certes, les voitures individuelles polluent, mais il n'y a pas qu'elles !
Il n'est pas toujours facile d'y voir clair - si l'on peut dire - en matière de pollution. Concernant la pollution de l'air, elle serait responsable de 48 000 décès par an dans l'Hexagone, selon une étude de l'organisme Santé publique France. Principaux responsables : les particules fines, très fines et ultrafines (PM10), les oxydes d'azote (NOx) et le dioxyde de carbone (CO²).
D'après les chiffres du Centre interprofessionnel technique des études de la pollution atmosphérique (Citepa), l'activité qui produit le plus de particules fines en France n'est pas le trafic routier mais l'agriculture, suivie par le chauffage résidentiel, l'automobile n'en produisant « que » 15 %. Ces chiffres sont plus élevés dans les agglomérations. En Ile-de-France, l'organisme Airparif fixe à 25 % les particules fines provenant du trafic routier, la proportion pouvant même doubler lors des pics de pollution.
Si on ajoute le dioxyde de carbone et les oxydes d'azote, l'automobile est donc de très loin le mode de transport le plus polluant. C'est une réalité, l'aérien ne représente que 1,3 % des NOx et 1 % du CO² émis en France, toujours selon le Citepa. Le diesel porte une responsabilité particulière. En Ile-de-France par exemple, les voitures, poids-lourds et utilitaires roulant au gazole sont à l'origine de 85 % des NOx. Il faut néanmoins préciser que les pots d'échappement ne sont pas les seuls responsables, car 40 % de ces NOx proviennent de l'abrasion des routes, pneus et freins. Pourtant des solutions techniques existent pour les limiter mais, faute d'investissements publics et privés, ne sont pas développées.
CO² (dioxyde de carbone)
Transport routier (38,6 %) : diesel et essence des voitures, poids lourds, etc.
Industrie (34,5 %) : construction, chimie, etc.
Chauffage résidentiel (23,2 %)
NOx (oxydes d'azote)
Transport routier (63 %)
Industrie (17 %)
Chauffage résidentiel (11 %)
PM10 (particules fines, très fines et ultrafines)
Agriculture (31 %)
Industrie et chauffage résidentiel (27 %)
Automobile (15 %)
Des manifestants dans les rues de Narbonne (Aude), le 9 novembre 2018, protestent contre l'augmentation des prix des carburants. (IDRISS BIGOU-GILLES / HANS LUCAS / AFP)
2.- Lutter pour le pouvoir d'achat, plus que jamais, est nécessaire et justifié, les gilets jaunes ne sont pas des « beaufs » !
Le gouvernement justifie la hausse de la fiscalité des carburants au nom de la santé publique et de la protection de l'environnement. C'est faux ! Il obéit en réalité aux injonctions de Bruxelles dans deux domaines : réduire les budgets publics, et transférer la fiscalité des entreprises vers les ménages (voir plus bas).
Depuis le début de l'année, le pouvoir d'achat des jeunes, retraités, agriculteurs, salariés, ambulanciers, taxis, petits et moyens agriculteurs, artisans, fonctionnaires, chômeurs... a lui aussi été abrasé. On a vu le gel des APL, celui des retraites et des allocations familiales, l'augmentation du prix du tabac et celui des carburants. Selon un récent sondage IFOP, un quart des catégories modestes déclare être en découvert bancaire chaque mois. Beaucoup de personnes sont à 1 euro près.
La hausse des prix de l'énergie aggrave les conditions de vie déjà extrêmement difficiles pour des millions de personnes. Pour le chauffage au gaz ou à l'électricité, par exemple, ce sont souvent plus de 250 à 300 euros supplémentaires que chaque famille devra débourser par mois. Il est vrai que la suppression de la fiscalité réduite sur le gasoil non routier ou encore la hausse de 6,5 centimes par litre de diesel et de 2,9 centimes pour l'essence au 1er janvier 2019, ne sont pas de bonnes nouvelles pour les familles. Le poids des dépenses énergétiques représente en effet 14,9 % du revenu des ménages les plus pauvres, et seulement 5,9 % pour les plus riches qui sont pourtant les plus gros pollueurs (ADEME, 2010). Pour les riches, les hausses de prix sont indolores. Du fait de la ségrégation sociale dans les territoires, beaucoup de personnes modestes n'ont pas d'autre alternative qu'utiliser un véhicule et /ou une chaudière au fioul et sont fortement touchées par la hausse des prix des carburants. Car souvent les transports en commun sont inexistants, les services publics et les commerces trop éloignés pour se passer de voiture.
Au total, 85 % des Français ont besoin de leur voiture dans le cadre de déplacements contraints (travail, recherche d'emploi, école...), sans aucune autre alternative de transport. Ajoutons que l'éloignement travail-domicile a été aggravé par la désindustrialisation organisée de notre pays.
Contre la hausse du prix des carburants, la colère est juste. Elle est la goutte de trop. Cette mesure est délibérément destinée à frapper ceux qui sont déjà en survie sociale.
À la fin de l'été 2016, le litre de gasoil à la pompe s'établissait autour de 1 euro alors que 26 mois plus tard, il dépassait 1,50 euro. Cette dernière année, le diesel a bondi d'environ 25 centimes, un plein de 60 litres coûte désormais 100 euros. Quant au super sans plomb 95 (SP 95), il frôle désormais 1,55 euro. N'oublions pas non plus que l'automobiliste française pâtit du renchérissement du dollar par rapport à l'euro, avec désormais 1,13 dollar pour 1 euro, contre 1,3 en 2014. Néanmoins, c'est la hausse des taxes qui est la plus pénalisante. Aujourd'hui, pour 1,50 euro le litre de carburant, le cout de la matière première plus les marges de raffinage et de distribution représentent environ 50 centimes, tandis que les taxes pèsent pour près de 1 euro. Cette fiscalité recouvre la TVA et la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE), qui comprend la taxe carbone. Les 50 milliards de litres de carburant écoulés chaque année en France vont ainsi rapporter 54 milliards d'euros de recettes fiscales sur le quinquennat 2017-2022.
Cette hausse du prix des carburants sert en réalité à aider à financer des mesures qui permettront de multiplier les cadeaux pour les riches et le haut-patronat. Les Français ont le sentiment justifié de se trouver piégés. On leur a dit pendant des années d'acheter des véhicules diesel car le carburant était moins cher et permettait de faire des économies d'énergie. Maintenant on leur dit le contraire et les prix sont équivalents. En plus, les voitures diesel perdent leur valeur à la revente. Et lorsqu'on sait qu'il faut souvent avoir deux, voire trois voitures par foyer (chaque adulte a besoin d'en avoir une dans la France périphérique), qui a les moyens d'en changer ?
Dans le même temps Monsieur Macron a engraissé ses amis les plus riches en supprimant l'impôt de solidarité sur la fortune, en supprimant l'exit tax et en augmentant les cadeaux aux ménages les plus fortunés. Sa politique fiscale a renforcé les inégalités au profit des riches et des grandes entreprises tandis que l'évasion fiscale reste impunie.
On comprend pourquoi la journée du 17 novembre obtient 51 % de soutien et 20 % de sympathie (total 71 %) contre seulement 5 % de gens hostiles. Ceux qui soutiennent sont surtout RN (88 %), LR (77 %), et LFI (76 %). On les trouve dans les communes rurales (76 %), les communes urbaines de province (71 %), et l'agglomération parisienne (66 %). Ils ont majoritairement de 50 à 64 ans (61 %) et sont ouvriers (60 %).
3.- Arrêtons l'écologie punitive et construisons la transition sociale, écologique et démocratique
Nul ne peut aujourd'hui ignorer l'urgence absolue de « décarboner » les énergies. L'urgence climatique implique une politique radicale pour assurer la transition écologique et réduire les émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les objectifs de l'accord de Paris sur le climat.
La taxe sur les carburants est alors présentée par le gouvernement comme une réponse à ces enjeux. C'est faux ! En 2019, sur les 37 milliards prévus de taxes sur les produits énergétiques, seuls 7,2 milliards seront affectés à la transition écologique. En vérité, le gouvernement veut améliorer la « compétitivité » en transférant la fiscalité des entreprises vers la consommation.
La fiscalité, dans son principe, n'est pas à condamner car elle peut être un outil efficace pour financer la transition écologique. Elle peut inciter la société à réduire sa consommation d'énergies fossiles. Mais tout ceci n'a de sens que si, dans le même mouvement, des compensations sociales redistributrices le permettent.
Il faut parallèlement investir massivement dans les énergies alternatives, les transports en commun partout en France, pas seulement dans les métropoles, le développement des pistes cyclables. Il faut arrêter l'étalement urbain qui aggrave les problèmes de transport et l'artificialisation des terres. Nous devons aussi relocaliser les activités industrielles, développer les services publics et les commerces de proximité, construire des logements accessibles et bien isolés, réorienter l'appareil productif pour répondre aux besoins sociaux utiles et durables pour la majorité de la population. Ajoutons la nécessité de l'arrêt de la fermeture des lignes de desserte locale de la SNCF et du déclin du fret ferroviaire.
Une politique efficace de lutte contre le réchauffement climatique ne peut se faire en aggravant les inégalités sociales. La transition énergétique ne peut être punitive à l'égard des classes populaires.
Une fiscalité écologique est nécessaire pour transformer le modèle de transport actuel. Mais elle ne doit pas pénaliser ceux qui ne peuvent faire autrement que d'utiliser leur voiture. Car ce sont aujourd'hui les Français qui ont le moins qui contribuent le plus au financement de la transition énergétique, ce qui est totalement inacceptable. Nous ne pouvons pas accepter que l'argument écologique soit instrumentalisé pour justifier une ponction supplémentaire sur le pouvoir d'achat des ménages. Cette utilisation cynique de l'argument climatique affaiblit l'adhésion populaire indispensable à une fiscalité écologique. Il faut au contraire favoriser l'impôt proportionnel et progressif - comme l'impôt sur le revenu - qui est par nature plus juste puisqu'il permet que tous les citoyens contribuent en raison de leurs facultés.
Jusqu'à présent, la fiscalité « verte » n'a pas favorisé la transition énergétique. La hausse de la taxe sur les carburants a été décidée pour encourager la transition énergétique. En 2014, la taxe carbone, défendue dans le cadre du Grenelle de l'environnement, était rebaptisé « contribution climat-énergie (CCE) », l'objectif étant d'inciter les consommateurs à recourir à des énergies moins émettrices de particules ou de CO2 que le diesel ou l'essence. Depuis, la tonne de carbone est passée de 7 € à près de 45 €. Entre 2016 et 2017, la CCE a ainsi déjà contribué à une hausse de 6,5 % de la taxe de consommation intérieure sur le diesel, et de 1,5 % de celle sur l'essence E5.
Si le gouvernement veut réellement ouvrir la voie de la transition, il doit investir. Or c'est l'inverse qui se passe puisque 9 000 kilomètres de petites lignes ferroviaires sont menacés de fermeture faute d'argent mis dans la régénération du réseau. En réalité, la hausse de la CCE n'a eu pour l'instant aucun impact, ni sur l'usage de la voiture particulière, ni sur l'achat de véhicules électriques, ni sur la courbe des émissions de CO2. En zone rurale, les politiques de mobilité restent centrées sur la voiture et n'offrent pas d'alternative aux ménages. En zone urbaine, alors que plus de la moitié des déplacements concernent des trajets de moins de trois kilomètres, la CCE s'avère paradoxalement insuffisamment incitative pour provoquer l'électrochoc attendu.
Les gros pollueurs restent épargnés. Les voitures particulières, on l'a vu, ne sont pas seules à polluer, il y a l'ensemble des transports routiers. Or, la CCE ne s'applique qu'aux voitures. Les transporteurs routiers sont exonérés à hauteur de 1,2 milliard d'euros. Ces derniers, s'ils subissent comme tout le monde la hausse du prix du baril de pétrole, ne sont, de fait, pas concernés par celle de la CCE. L'aviation civile (et militaire) s'en sort, elle aussi, à bon compte, quand le kérosène qu'elle utilise n'est pas non plus taxé. Le trafic aérien intérieur (1,4 % des émissions de la France), continue de se développer sans contrainte.
Le résultat est un rejet croissant de l'écologie. La transition écologique, pour des millions de personnes, n'est pas vécue comme un facteur de mieux être. Si la transition énergétique, bien sûr nécessaire, doit être principalement payée par les plus modestes, elle devient une double peine. L'injustice fiscale, si elle perdure, interdira toute transition énergétique car elle sera rejetée par le peuple.
Il est vital d'engager un processus de sortie des énergies carbonées. Mais faire croire que seule l'augmentation continue des trois taxes sur les carburants le permettra relève moins de la transition écologique que de la poursuite des transferts des richesses des plus modestes vers le secteur privé, en application parfaite des recommandations du Conseil européen qui, à chacune de ses réunions ou presque, appelle à améliorer la « compétitivité » en transférant la fiscalité des entreprises vers la consommation. Nous devrons admettre, indépendamment de nos croyances sur le sujet, que l'énergie nucléaire devra accompagner la transition énergétique. En attendant que les énergies alternatives montent en puissance et prennent le relai des énergies carbones, le nucléaire reste indispensable.
C'est pourquoi il ne faut plus parler de transition écologique, mais de transition sociale, écologique et démocratique pour bien faire le lien entre ces trois composantes.
4.- Investir les réseaux sociaux pour en faire l'arme du peuple
Comme c'est souvent le cas, la méconnaissance d'un sujet suscite incompréhensions, quiproquos, inquiétudes, sans compter parfois les rumeurs sans aucun fondement. Ainsi, sur Facebook, un militant aguerri de l'extrême gauche s'exclame : « je suis plus que réticent quant aux actions spontanées, sans raisonnement de fond, via les réseaux sociaux. » Rappelons simplement que les actions spontanées, c'est-à-dire en dehors des mots d'ordre syndicaux, sont une constante dans l'histoire du mouvement social. Avec les réseaux sociaux, les gens utilisent ce qu'ils ont sous la main pour organiser leur lutte. Reconnaissons que c'est particulièrement efficace car une pétition a recueilli des dizaines de milliers de signatures en quelques heures alors qu'une vidéo a fait un buzz inimaginable.
On l'avait déjà constaté à plusieurs reprises ces derniers temps, des mouvements puissants de protestation peuvent naître et grandir en dehors de toute structure politique au syndicale et jaillir de la France profonde via les réseaux sociaux. Il faut en faire une force et non s'en inquiéter.
5.- Construire un front du peuple auto-organisé
On entend dire que se sont les patrons routiers qui sont à la manœuvre ou encore la droite, voire l'extrême-droite, que certains allaient profiter de ces manifestations pour s'en prendre aux plus pauvres et aux immigrés. On entend dire aussi que combattre la hausse du coût du gasoil était mesquin, égoïste, qu'il y avait bien d'autres combats plus importants à mener et que pour ces combats-là, on ne voyait personne. Il faut comprendre que la hausse du prix de l'essence n'est que la goutte d'eau qui fait déborder le vase, le détonateur, l'élément déclencheur.
LFI, DLF, le Pardem, le RN appellent à manifester. Les socialistes aussi qui réclament un moratoire d'un an. Les républicains n'appellent pas au blocage des routes le 17 novembre mais apportent leur soutien au mouvement. Ils se prononcent pour l'annulation de la hausse des taxes sur le carburant.
Attac, devenue hélas une secte de bobos, n'a pas dit un mot sur la mobilisation du 17 novembre. La direction de la CGT, dans un communiqué du 30 octobre, écrit que « de nombreux militants font savoir que c'est une manifestation d'extrême droite. » Comment ? Pourquoi ? On ne le saura jamais car ce n'est pas expliqué. La CFDT est dans le même registre, elle « ne soutient pas ces blocages dont tout le monde a compris qu'ils sont récupérés politiquement par l'extrême droite. » Idem pour la direction du PCF et Génération.s qui ne veulent pas se trouver aux côtés de Madame Le Pen.
Mais si la gauche associative, syndicale et politique s'inquiète de cette situation, elle n'a qu'à participer au 17 novembre pour tenter de « récupérer politiquement » le mouvement des gilets jaunes et l'arracher ainsi à l'extrême droite !
La totalité des grands médias ainsi qu'une grande partie de la gauche et de l'extrême gauche affirment que ces manifestations sont de droite ou d'extrême droite. Toutefois, jamais les critères permettant de comprendre la manière dont on peut distinguer une manifestation de droite ou d'extrême droite n'est évoquée. Il n'y a aucun argument. On croit comprendre, dans cette bouillie, que le soutien public de DLF et du RN à ces manifestations en serait la cause. C'est absurde ! Si ce raisonnement était valable, il aurait fallu que la gauche qui a appelé à voter NON au référendum du 29 mai 2005 sur le traité constitutionnel européen appelle à voter OUI puisque Madame Le Pen et Monsieur Dupont-Aignan avaient appeler à voter NON ! De la même manière, il faudrait que les syndicats disent oui à la fermeture d'une entreprise dès lors que le RN aura dit non. Si le RN dit qu'il fait jour, la gauche va-t-elle dire qu'il fait nuit ?
Au total, par ce comportement déliquescent, la gauche empêche l'unité du peuple et contribue à sa division. Finalement, elle le jette dans les bras de ceux qu'elle prétend combattre. Ce qui compte, c'est d'abord l'intérêt du peuple. Celui-ci a-t-il raison, oui ou non, de s'insurger contre la hausse des prix des produits pétroliers (entre autres) ? Telle elle est la boussole qui permet de ne pas perdre le nord.
Le gouvernement doit annuler les hausses et apporter de manière urgente un soutien financier aux automobilistes qui sont obligés de prendre leur voiture pour leur permettre de faire face à la hausse du prix des carburants.
Face à la colère qui gagne le pays contre le renchérissement de l'énergie, Emmanuel Macron annonce des mesurettes qui ne changeront rien au problème posé par une politique fiscale injuste et qui n'a d'écologique que le nom.
6.- Traduire politiquement ce mouvement en commençant par le blocage des élections européennes, en refusant de voter
Quel pourrait-être le débouché politique de cette colère ?
Le gouvernement français, avec la hausse du prix des produits pétroliers, ne fait que mettre en application les recommandations du Conseil européen. En effet, depuis 2011, chaque année, il est demandé à la France de réduire la charge fiscale qui « pèse » sur les entreprises en la compensant par une augmentation des impôts indirects (TVA, taxes sur le carburant...). Par exemple, dans les recommandations définitives du Conseil européen du 13 juillet 2018 on peut lire : « réduire les impôts sur la production prélevés sur les entreprises ».
Dans celles du 12 juillet 2016 : « Élargir la base d'imposition sur la consommation, notamment en ce qui concerne la TVA ». Et dans les recommandations définitives du Conseil européen du 9 juillet 2013 : « rapprocher les taux réduit du taux normal de TVA et supprimer les taux réduit inefficaces ; prendre des mesures supplémentaires déplaçant la charge fiscale sur le travail vers les taxes environnementales ou la consommation. »
Quant aux recommandations définitives du Conseil européen du 6 juillet 2012 : « déplacer la charge fiscale liée au travail vers d'autres formes de fiscalité qui pèsent moins sur la croissance et la compétitivité externe, notamment les taxes sur l'environnement et la consommation. » Même chose pour les recommandations définitives du Conseil européen du 12 juillet 2011 : « la part des recettes des taxes environnementales dans le PIB est elle aussi inférieure à la moyenne de l'Union. Un équilibrage du système fiscal, par exemple par le déplacement de la charge fiscale du travail vers la consommation et l'environnement, aurait probablement des effets bénéfiques sur l'emploi et sur la réalisation des objectifs environnementaux. »
Les choses sont donc claires. L'Union européenne est au cœur de l'augmentation de la fiscalité sur les produits pétroliers, entre autres. Donc, le 26 mai 2019, on bloque les élections européennes en refusant de voter ! Je signe l'appel :
Pour savoir où vous rendre le samedi 17 novembre afin de participer au mouvement, cliquez ci-dessous :
Courtesy of Pardem
Source: pardem.org
Publication date of original article: 15/11/2018