Le Référendum d'Initiative Citoyenne, enjeu démocratique du XXIe siècle
Nous pouvons être fiers de nos Gilets Jaunes : ils ont redonné un immense bol d'air démocratique à notre pays.
Des années d'analyse de notre système politique sur ce site m'ont depuis longtemps conduit à soutenir le Référendum d'Initiative Citoyenne (RIC). Comme en 2012 dans le livre Les faits sont têtus où j'écrivais : « Nous lançons ainsi dans le débat public quelques propositions [...] : Référendum d'Initiative Citoyenne » ; ou en rédigeant un billet après l'élection Présidentielle de 2017, et en lançant une pétition défendant le RIC, qui a recueilli plus de 50 000 signatures.
J'ai d'ailleurs profité de ce billet rouvrir la pétition, n'hésitez pas à la signer - c'est ici !
J'avance d'ailleurs avançons l'axiome suivant :
« Un régime ne peut être qualifié de Démocratique :
- s'il ne comprend pas de Référendum d'Initiative Citoyenne ;
- s'il ne comprend pas un mode de scrutin parlementaire représentant relativement équitablement le corps électoral. »
On illustre aisément le second point avec le résultat de la Présidentielle et des Législatives 2017 :
Il est clair que donner plus de 60 % des députés à un parti représentant seulement de 17 % à 24 % des Français (et 2 à 5 % à des partis en représentant 20 %) ne peut qu'entrainer le genre de troubles que nous connaissons. Le système uniquement proportionnel présente certaines difficultés, mais il est possible de proposer des modes de scrutin combinant majorité et représentation plus équitable (par exemple, un système proportionnel avec prime majoritaire : après un tour de scrutin, on laisse les partis négocier quelques jours, puis on attribue 52 % des sièges au regroupement de partis combinant le plus de voix ; et on répartit les 48 % restants aux autres partis à la proportionnelle - mais nous y reviendrons).
Bien entendu, les deux conditions évoquées sont nécessaires mais non suffisantes. Si elles font défaut, le système politique n'est pas Démocratique - au sens de « Le gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple » [Abraham Lincoln, 1863], repris dans l'article 2 de notre Constitution. Rappelons d'ailleurs que le contraire de la Démocratie n'est pas la Dictature, mais la « Non-Démocratie », qui peut par exemple être autoritaire (dictature) ou libérale (comme la Ve République).
Ces propos n'ont d'ailleurs rien de bien nouveau. Voici ce que disait l'abbé Sieyès 2 mois après le 14 juillet 1789 (rappelons qu'il a été élu Député pour le tiers état lors des États généraux de 1789, puis Président de la Convention nationale, puis Président du Conseil des Cinq-Cents puis Directeur sous le Directoire...) :
« La France ne doit pas être une démocratie, mais un régime représentatif. Le choix entre ces deux méthodes de faire la Loi, n'est pas douteux parmi nous. D'abord, la très grande pluralité de nos concitoyens n'a ni assez d'instruction, ni assez de loisir, pour vouloir s'occuper directement des lois qui doivent gouverner la France ; ils doivent donc se borner à se nommer des représentants. [...] Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n'ont pas de volonté particulière à imposer. S'ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n'est pas une démocratie (et la France ne saurait l'être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. » [Emmanuel-Joseph Sieyès, Discours du 7 septembre 1789 à l'Assemblée Nationale]
Par la suite, un débat a eu lieu entre défenseurs du suffrage censitaire (qui tenaient ce même genre de propos sur les « concitoyens sans instruction ») et du suffrage universel, puis entre les défenseurs du suffrage universel masculin (qui tenaient ce même genre de propos sur les « femmes sans instruction soumises au curé») et ceux du suffrage universel mixte.
Malheureusement, il apparait que le suffrage universel représentatif a été dévoyé, les élus étant majoritairement des représentants des classes supérieures dont ils défendent les intérêts. Le mépris absolu de la volonté du peuple lors du référendum de 2005 l'a clairement démontré, tout comme la représentation nationale actuelle ( soit 0 % d'ouvriers, 5 % d'employés, 6 % de professions intermédiaires et 76 % de cadres, contre respectivement 21 %, 28 %, 26 % et 18 % dans la population générale selon l'INSEE).
On observe donc que les populations ouvrières et employées se retrouvent à voter - pour différentes raisons - pour des représentants issus de classes supérieures. Ainsi le système électoral uniquement représentatif est devenu une sorte de suffrage censitaire (système où ne peuvent voter que les plus riches). D'ailleurs, si le système était vraiment censitaire, l'Assemblée serait-elle composée si différemment qu'aujourd'hui ?
Le RIC est un excellent moyen d'apporter un nouveau souffle démocratique à la vie du pays. C'est un moyen de passer du suffrage à finalité censitaire actuel à un véritable suffrage universel.
La violence avec laquelle l'écosystème politique et médiatique a réagi à une proposition aussi simple que le RIC montre bien qu'il a compris que ce référendum est un instrument pouvant mettre fin à leur privilèges actuels. Il est d'ailleurs amusant de constater que beaucoup d'arguments qu'on oppose au RIC peuvent être avancées à l'identique contre le suffrage universel, puisqu'il est évidemment possible de voter pour un candidat à la Présidentielle, dont le programme comporterait les points litigieux (rétablir la peine de mort, suppression du mariage pour tous, diminution drastique des impôts, etc...).
Le RIC devrait ainsi être le combat démocratique de la première moitié du XXIe siècle. Il a de fortes chances d'être remporté car c'est une exigence populaire forte, particulièrement logique avec la forte hausse du niveau éducatif de la population, qui est donc sans conteste à même de se saisir d'enjeux importants pour la société. En d'autres termes, le RIC est une évolution politique logique, qui va de concert avec l'évolution sociale de notre époque. L'Ifop avait publié un sondage montrant que 83 % des Français étaient favorables au RIC, Elabe a montré le mois dernier que le chiffre est toujours de 82 %. Ainsi, on peut supposer que d'ici quelques années, notre système politique aura soit évolué vers plus de Démocratie (avec le RIC), soit, au contraire, qu'il aura régressé vers moins de Démocratie, le Pouvoir devenant alors de plus en plus autoritaire pour se maintenir (c'est d'ailleurs bien la tendance actuelle, des lois de plus en plus liberticides étant votées).
Ainsi, nous pouvons donc être heureux que les Gilets Jaunes se soient emparés de ce sujet majeur. Cependant, au début, certaines formulations étaient maladroites :
« Le référendum populaire doit entrer dans la Constitution. Création d'un site lisible et efficace, encadré par un organisme indépendant de contrôle où les gens pourront faire une proposition de loi. Si cette proposition de loi obtient 700 000 signatures alors cette proposition de loi devra être discutée, complétée, amendée par l'Assemblée nationale qui aura l'obligation, (un an jour pour jour après l'obtention des 700 000 signatures) de la soumettre au vote de l'intégralité des Français. » [ source]
Cette formulation pose soucis, en particulier l'intervention de l'Assemblée Nationale dans la rédaction, ou le seuil indiqué.
C'est pourquoi, afin de participer au débat nous proposons ici un fonctionnement possible d'un RIC, afin d'en discuter ensemble.
Le but est que réagissiez en commentaire - n'hésitez donc pas ! Nous améliorerons la proposition en fonction des retours.
Nous insistons sur 2 points qui nous semblent très importants :
- ne surtout pas imposer un minimum de signatures pour soumettre au vote - ce sera un excellent moyen de saboter le RIC, par manque ou excès de propositions. Imposer simplement un nombre de RIC par an - ceux ayant le plus de signatures seront soumis au vote ;
- passer par des associations dédiées, afin de canaliser le flux.
Proposition de Fonctionnement d'un RIC (version 1.02)
Déjà une deuxième version - merci de vos premiers retours !
Principe
Il est créé un Référendum d'Initiative Citoyenne (RIC), remplaçant la procédure de Référendum d'Initiative Partagée prévu à l'Article 11 de la Constitution.
Le Référendum d'Initiative Partagée est un leurre, qui n'a d'ailleurs jamais utilisé, vu que l'initiative n'est en rien partagée, mais uniquement parlementaire. Il faut le remplacer par un RIC.Le Référendum d'initiative Gouvernementale reste inchangé.
Les modalités pratiques du référendum seront expérimentées pour une première période de 5 ans, avant de les adapter éventuellement suite au retour d'expérience. Ces adaptations seront validées par référendum ; à défaut, les dispositions prévues ici seront reconduites.
Une phase d'expérimentation est indispensable pour bien agencer le dispositif.
Le RIC est géré via un Site Internet Gouvernemental Dédié (SIGD, par exemple www.ric.gouv.fr).
Internet offre une opportunité d'un système populaire, pratique et souple.
Soumettre une proposition de référendum
Seule une association loi 1901 créée à ce seul effet, et comprenant plus de 500 membres, peut soumettre une Proposition de Référendum (PdR) sur le SIGD.
Cette disposition nous a semblé très importante, pour plusieurs raisons.La première est qu'on ne peut prétendre saisir le corps électoral d'une question sans un minimum de sérieux et de préparation. Ceci n'a rien d'insurmontable : il est très simple de créer une association et, si quelqu'un a une bonne idée de PdR, il ne sera pas bien compliqué de convaincre 500 personnes d'y adhérer, surtout à l'heure des réseaux sociaux.
Le deuxième est que, avec un RIC en place, il y a déjà de nombreuses structures qui proposeront des PdR : partis politiques, associations, groupements, etc. Il faut donc canaliser le nombre de PdR.
En effet, des opposants à une PdR pourraient tenter de la « saboter » en multipliant le dépôt de PdR quasi-identiques, afin de diluer les signatures, pour que la PdR n'ait pas le nombre requis ; c'est bien plus compliqué à faire avec le système des associations. Et plus généralement, si tout individu pouvait déposer une PdR, on aurait alors un risque d'avoir des dizaines de milliers de PdR en signature, ce qui rendrait la gestion des RIC bien trop complexes (c'est comme si on avait des dizaines de milliers de candidats à une élection législative).
Le budget des associations et campagnes référendaire est plafonné, comme pour les campagnes classiques.
Ceci permettra d'éviter des dérives oligarchiques.
Devenir des propositions
Une fois déposée, la PdR est soumise à débat sur le SIGD durant 6 mois. Tout citoyen peut poser des questions et proposer une amélioration de la rédaction. Le Conseil d'État donne alors un premier avis consultatif.
À l'issue de cette période de débats, l'association ayant déposée la PdR reformule éventuellement et valide la version définitive de sa PdR.
Dans les 3 mois, le Conseil d'État donne alors un autre avis consultatif sur la version finale, et le Conseil Constitutionnel et la Cour des Comptes doivent obligatoirement valider la PdR, selon les règles présentées ci-après. En cas de refus, il est procédé à un nouveau débat durant 3 mois sur le SIGD, et la procédure recommence avec une nouvelle formulation.
Sujets possibles dans une PdR
Un RIC peut porter sur toute question pouvant habituellement être votée par le Parlement. Il peut donc avoir pour objet de proposer une nouvelle loi, de modifier ou supprimer une loi existante, ou de modifier la Constitution.
Il n'est pas possible de révoquer un ou plusieurs élus par ce biais.
On parle beaucoup de « référendums révocatoires ». Nous sommes très perplexes face à cette idée. Non pas en raison du principe (il est logique de vouloir révoquer un mandataire défaillant) mais en raison de l'aspect pratique de la chose.En effet, une telle procédure induirait que tout élu verrait probablement son opposition tenter logiquement de le faire révoquer dès que possible ; il y aurait donc une sorte de course perpétuelle à la révocation voire d'élections.
Il serait en fait bien plus simple de réduire la durée des mandats. Finalement, le modèle américain est intéressant : 4 ans pour le Président, 2 ans pour l'Assemblée. Cela permet un contrôle étroit des élus, et de s'assurer qu'ils tiennent leurs promesses. Ce n'est pas vraiment problématique pour mener des politiques à long terme, comme on le voit aux États-Unis.
Les citoyens ont tendance à imaginer qu'en raccourcissant le mandat, on diminuerait la qualité des politiques, qui ne pourrait soit disant plus être de long-terme. C'est pour nous une vision erronée, probablement par méconnaissance du fonctionnement des élus.
Premièrement dans le système actuel, tout élu pense de toute façon à sa réélection dès son premier jour de mandat, quel qu'en soit la durée.
Et deuxièmement il y a déjà des élections intermédiaires quasiment tous les ans : européennes, municipales, régionales ; le système actuel est bien un système d'élections permanentes.
Par ailleurs, l'argument se renverse aisément : si un candidat est élu sur un programme (par hypothèse, de long terme), et qu'il l'applique, il n'y a aucune raison de principe à ce que le candidat ne soit pas réélu 2 ou 4 ans plus tard.
Nos soucis actuels viennent souvent du fait que les élus n'appliquent pas leur programme (ou qu'ils disposent d'une base électorale bien trop étroite) - les exemples passés abondent dans le système actuel. Des votes plus rapprochés les inciteraient à modifier leurs pratiques.
Seul un référendum peut désormais modifier ou valider une modification de la Constitution (et donc supprimer éventuellement le RIC).
Cette faculté est donc retirée au Parlement.La Constitution visant à organiser les pouvoirs publics, il est étrange de leur laisser la possibilité de la modifier sans l'accord du peuple. Ceci est en application par exemple en Irlande.
Contrôle
Une PdR ne peut entrer en contradiction avec la Constitution ; si cela arrive, elle doit également proposer une modification constitutionnelle simultanée. Une PdR ne peut cependant violer un des articles de la Convention européenne des Droits de l'Homme. Le Conseil Constitutionnel valide ces points.
Le contrôle par le Conseil Constitutionnel (dont la composition devra être revue pour ne comporter que de réels praticiens professionnels du droit constitutionnel, et plus de dirigeants politiques) doit être en lien clair avec les articles de la Constitution, sans interprétations excessives.Le point sur la Convention européenne des Droits de l'Homme permet de s'assurer que ne seront pas soumis à discussion des points attentatoires aux Droits de l'Homme (dont la peine de mort). Cela évacuera ce sujet du débat sur le RIC, puisqu'il est majoritairement mis en avant par les opposants au RIC.
Enfin une PdR pouvant modifier la Constitution, il ne peut y avoir de blocage « politique » par le Conseil constitutionnel, pour limiter la souveraineté populaire.
En fait, ce contrôle a priori vise simplement 1/ au respect des principes du RIC 2/ à disposer d'une bonne qualité rédactionnelle de la PdR.
Une PdR ne peut proposer une mesure privant le budget général de ressources sans proposer en même temps une mesure compensant cette perte budgétaire, soit par de nouvelles recettes, soit en identifiant précisément les dépenses à diminuer. La Cour des Comptes valide ce point.
Ceci vise évidemment à éviter des propositions démagogiques, du genre "moins d'impôts et en même temps plus de services publics".
Signatures électroniques de soutien à une PdR
Chaque citoyen inscrit sur les listes électorales peut soutenir autant de PdR qu'il le souhaite.
Il peut apporter sa signature électronique au moyen d'un vote sécurisé et confidentiel sur le SIGD (d'une manière proche de celle de la déclaration de revenus pour les impôts).
Le fait d'attenter à la sincérité, à la sécurité ou à la confidentialité du SIGD est punie d'une peine de prison de 5 à 30 ans de prison, 5 ans fermes étant une peine plancher minimale en cas de culpabilité reconnue.
Choix des RIC
Les questions soumises à RIC sont celles ayant obtenu, au 31 décembre de l'année précédente, le plus grand nombre de soutiens depuis leur dépôt, dans l'ordre décroissant.
C'est le second point qui nous parait très important. Beaucoup de propositions de RIC tentent de fixer un nombre de signatures. Or c'est arbitraire, et très difficile à fixer, alors que c'est un point central. Trop élevé, et il sera très difficile de faire voter des PdR. Trop bas, et ce seront des centaines de PdR à proposer, qui vont lasser le public.Il vaut donc mieux procéder à l'inverse, et fixer le nombre de RIC par an ; seront alors présentées les PdR ayant obtenu le plus de signatures, que ce soit 3 millions ou 100 000...
Vote
Il est procédé une fois par an à un vote portant sur plusieurs PdR. Au démarrage, le nombre de PdR examinées le jour du vote est fixé à 5.
Le vote a lieu le premier dimanche de juin (mais est couplé avec la présidentielle cette année là).
On parle bien ici d'un vote classique, non électronique.
Après le vote
Une PdR soumise à RIC est retirée du SIGD après le vote. L'historique de tous les votes de soutien est alors totalement effacé.
En cas de refus de la PdR, une question portant sur le même sujet ne peut être redéposée avant 5 ans.
Le Parlement ne peut voter une loi renversant directement ou indirectement le résultant d'un RIC ; seul un RIC peut renverser un autre RIC.
#2005
Tous les 3 ans, les associations ayant déposé une PdR doivent confirmer qu'elles la maintiennent.
Ceci permet de s'assurer au bout de 5 ou 10 ans que la PdR est toujours d'actualité.
Commentaires / Questions-Réponses
À venir en fonction de vos réactions...
Mais je souhaite à ce stade faire une remarque importante : la plupart des arguments avancés contre le RIC sont en fait des arguments contre le vote, en général, et donc contre la Démocratie.
Car en effet, un candidat à la Présidentielle pourrait très bien, en théorie, être élu sur un programme prévoyant la fin du Mariage du Tous ou la limitation de l'IVG par exemple - le RIC ne change rien à ça.
Mais en fait, ces arguments de mauvaise foi partent simplement du postulat d'une"élite" éclairée confrontée à une populace stupide et cruelle - postulat démenti chaque jour par les faits...
« L'ordre social n'aura vraiment atteint le degré de perfection auquel on doit tendre sans cesse, qu'à l'époque où aucun article des lois ne sera obligatoire qu'après avoir été soumis immédiatement à l'examen de tout individu [...]. Je propose pour cette fois, de borner ce droit individuel aux seuls articles relatifs à la constitution ; mais c'est dans l'espérance que les progrès de la raison et l'effet que des institutions plus légales et plus justes produiront nécessairement dans les esprits, permettront à une autre époque d'étendre ce même droit à d'autres classes de lois, et successivement de l'étendre à toutes » [Nicolas de Condorcet, Œuvres, t. 9, p.429-430, 1789]