22/03/2019 entelekheia.fr  5 min #153744

May, le Brexit et l'art contemporain



Par Simon Rite
Paru sur  RT sous le titre May pitching the people against parliament is a new low in Brexit mess

Juste au moment où vous pensiez que Brexit ne pouvait pas devenir encore plus chaotique ou incompréhensible, le Premier ministre britannique passe à la télévision pour lancer une polémique entre le Parlement et le peuple en blâmant les députés [qui ont rejeté son plan de Brexit négocié avec l'UE, NdT] et en disant aux électeurs « Je suis de votre côté ».

Je pense pas que qui que ce soit niera que les députés sont en partie responsables de ce que nous voyons tous dans la politique actuelle britannique, mais le moment choisi par Theresa May paraît, et je vais choisir un des adjectifs les plus polis qui me viennent à l'esprit, disons, imprudent.

May, dont le mandat de Premier ministre touche à sa fin, a choisi d'essayer de se ranger du côté d'un public dégoûté depuis un bon moment par le Parlement.

D'un côté, il y a les 17 millions de personnes qui ont voté pour quitter l'UE et en colère parce que leur pays en fait toujours partie. De l'autre, il y a les millions de personnes qui sont écœurées parce que les divisions historiques au sein du Parti conservateur, loin d'être réglées par le départ prévu de l'UE, se sont étendues à tout le spectre politique et ont condamné à mort le statut de membre du plus grand bloc commercial du monde.

Le choix de May d'en blâmer les députés élus pourrait, je suppose, avoir l'air courageux si le moment était bien choisi, mais franchement, ce n'est pas le cas. May n'a pas besoin de courtiser les électeurs, qui ont eu leur mot à dire, elle a besoin de gagner la faveur des députés qui continuent de rejeter l'accord qu'elle a conclu avec Bruxelles.

Selon au moins un député, la déclaration nationale de May contre les députés pourrait les mettre en danger physique. Et les personnes en danger ont tendance à manquer de sympathie pour ceux qui les mettent en danger. Les lacunes du Premier ministre en matière de persuasion ont de nouveau été mises en surbrillance.

Au centre de toute cette débâcle se trouve un simple vote binaire tenu en juin 2016, au cours duquel on a demandé au peuple britannique s'il voulait quitter l'UE ou pas. Qu'une question d'une telle complexité puisse être réglée par un simple oui ou non n'est pas le propos. Le fait est qu'une décision démocratique a été prise, et que ceux qui ont été chargés de son application ont échoué à faire leur travail.

A cause de la façon dont le débat grand public est encadré en Grande-Bretagne, les gentils sont censés être ceux qui poussent à un nouveau référendum, ce qu'ils appellent le « vote du peuple », traduisible par « le peuple qui vote dans le sens voulu ». Or, un autre vote signifierait simplement le rejet d'une décision démocratique en raison d'un premier résultat jugé inacceptable.

Les dommages causés à la Grande-Bretagne par l'affaiblissement de sa démocratie seraient bien plus importants que ceux qu'elle subirait si elle quittait l'UE. Les informations selon lesquelles l'UE soutient l'idée d'un nouveau référendum sont un bon indicateur de la raison pour laquelle, précisément, tant de Britanniques ont voulu en partir.

L'inaptitude du Parlement à concrétiser le Brexit a été encore plus honteuse, parce que le monde entier a pu le voir échouer publiquement sur une période de deux ans.

Le temps accordé pour parvenir à une décision, ou au moins à un compromis, a été utilisé par tous les bords pour creuser des tranchées. Les deux principaux partis sont tellement divisés qu'aujourd'hui, ils peuvent se vanter d'avoir divers partis à l'intérieur des deux grands partis, dont les tensions intestines ont paralysé le processus.

L'équilibre du pouvoir repose sur des minorités comme la faction anachronique des Tories, l'European Research Group [un groupe de recherches sur l'UE proche de l'UKIP ouvert à tous les membres pro-Brexit du Parti tory, NdT], ou pire encore... sur l'UE.

Le Premier ministre britannique demande plus de temps à l'UE pour continuer à échouer à prendre une décision, comme elle l'a fait jusqu'à présent, ce qui remet la balle dans le camp de Bruxelles.

Le spectre d'une sortie sans accord dans 8 jours, le « Hard Brexit » (Brexit dur), est vendu comme un scénario apocalyptique.

Pour une grande partie du public britannique cependant, la différence entre un Brexit dur ou mou ressemble à une discussion sur la meilleure façon de retirer un pansement d'un bras poilu. Les deux vont faire mal, mais la douleur durera plus longtemps si vous le retirez lentement. La majorité veut juste en finir une bonne fois pour toutes.

Mes confrères étrangers me demandent des explications sur ce qui se passe parce qu'en tant que Britannique, je dois être au fait, mais la vérité est que je n'en sais rien. Personne n'en sait rien, littéralement personne.

Tous ceux que vous voyez parler avec assurance de ce qui va se passer vous mentent, ils ne font qu'exprimer leur opinion personnelle, qui n'a généralement pas grand-chose à voir avec l'intérêt national. Les seules choses authentiques sont la perplexité et la colère sur les figures des technocrates européens tels que Guy Verhofstadt et Donald Tusk.

Le Brexit est devenu une sorte d'obscure installation d'art contemporain ; elle est entourée de gens qui la fixent du regard en fronçant les sourcils, mais quel que soit l'angle sous lequel vous la regardez, elle ressemble à un épouvantable fatras.

Traduction Entelekheia

Note de la traduction : Et de son côté, l'ex-député frexiteer George Galloway  se livre à de sombres prédictions de guerre civile au Royaume-Uni en cas d'annulation du Brexit.

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