09/08/2019 wsws.org  9 min #160145

Les travailleurs canadiens de pièces d'automobile organisent une grève sauvage à l'approche de la fermeture de l'usine Gm d'Oshawa

Par Carl Bronski
9 août 2019

Les employés des équipes de jour travaillant dans les usines de distribution de pièces automobiles Syncreon et Ceva Logistics à l'usine de montage General Motors d'Oshawa ont organisé une grève sauvage d'une journée contre les offres de licenciement dérisoires de la direction, jeudi dernier. Les deux installations emploient plus de 550 travailleurs, membres d'Unifor, qui perdront leur emploi lorsque l'usine GM d'Oshawa sera fermée en novembre.

Les deux débrayages ont été initiés par des travailleurs indépendamment du syndicat, après qu'Unifor n'ait pas réussi à négocier des contrats d'indemnisation supérieurs aux minimas gouvernementaux dérisoires.

La travailleuse de Syncreon, Karen Young, a déclaré à Metroland Media: «Nous avons marché pour attirer l'attention sur notre situation difficile... la plupart des gens pensent que nous partons avec plus que ce nous avons réellement et envoyer un message à la société. Nous avons continué à travailler pendant les cinq derniers mois, même s'ils ont continué à ne pas négocier avec nous, nous avons atteint nos chiffres et nous méritons un peu de respect».

Les responsables syndicaux étaient ouvertement hostiles aux actions des travailleurs. Ils se sont rendus sur les lignes de piquetage pour demander aux équipes de l'après-midi de se rendre au travail. Parallèlement, le président de la section locale 222 d'Unifor, Colin James, toujours préoccupé par une brève perturbation des objectifs de production de GM, a rapidement publié une déclaration selon laquelle l'action n'était pas sanctionnée par le syndicat. Unifor a naturellement ignoré les appels des grévistes à organiser des actions de soutien dans l'usine de montage de GM.

La décision d'Unifor de prendre parti pour les patrons contre les travailleurs en grève a provoqué un dégoût généralisé. Un travailleur a écrit sur les médias sociaux: «Les fournisseurs affiliés à Unifor sont laissés pour compte avec presque rien, et ils payent toujours leurs cotisations. Il est temps de commencer à paralyser GM.»

Un autre écrivait: «Comment pouvez-vous dire, monsieur Colin James, que la grève n'a pas été sanctionnée? Il est grand temps que ces personnes reçoivent une indemnisation décente. Il est dommage qu'après tant d'années de travail et de contribution aux cotisations syndicales, vous ne puissiez rien faire pour obtenir cela. C'est honteux». Un autre écrivait sarcastiquement: «Colin James, désolé de l'entendre, vous n'avez plus aucun contrôle sur vos membres?»

Avec la fermeture de l'usine d'assemblage d'Oshawa de General Motors prévue pour la fin novembre, éliminant quelque 2500 emplois de production, au moins 2500 travailleurs syndiqués supplémentaires dans des myriades de fournisseurs de pièces automobiles, d'entrepôts et de dépôts de transport seront également mis à pied de façon permanente. Ils protestent depuis plusieurs mois contre les maigres indemnités de départ offertes par leurs employeurs.

Alors que la colère des employés de la base dirigés contre Unifor continue de s'intensifier, le président d'Unifor, Jerry Dias, a tenté de se soustraire à toute responsabilité pour les misérables indemnités de départ proposées. Le mois dernier, il a déclaré aux journalistes: «Je comprends leur frustration, ils ont le droit d'être frustrés, mais ils doivent diriger leur tir au bon endroit, nous allons faire ce que nous pouvons pour eux».

Un examen de «ce que le syndicat peut faire» n'est en réalité rien pour les travailleurs de Syncreon et de la Ceva. À Syncreon, la direction a offert une semaine de salaire pour chaque année travaillée, soit le strict minimum requis par le gouvernement de la province de l'Ontario. Chez Ceva, qui est réglementée par le gouvernement fédéral, les travailleurs ne recevront que deux jours de salaire pour chaque année d'emploi. Le salaire maximum des travailleurs de plus haut niveau d'ancienneté dans les deux établissements est, en moyenne, de 165 dollars par jour.

Les autres opérations d'approvisionnement n'ont pas mieux. Beaucoup ont reçu des offres similaires conformes aux normes minimales du gouvernement ou à peine supérieures à celles-ci. Environ 300 travailleurs de Lear Whitby ont reçu la plus haute offre, encore maigre, de trois à trois semaines et demie de salaire par année d'emploi. Les travailleurs de Lear ont brièvement fait grève en février dernier pour soutenir les travailleurs de GM d'Oshawa.

À l'usine de montage de GM Oshawa, quelque 1200 seniors ont pris leur retraite, sont en congé jusqu'à la retraite, ou ont bénéficié d'une pension de retraite au prorata, le tout assorti d'incitations financières supplémentaires. Les travailleurs ayant au moins 10 ans d'ancienneté, mais n'ayant pas atteint le seuil de retraite requis, ont obtenu un montant forfaitaire allant jusqu'à 130.000 $. Les travailleurs à plein temps ayant un peu moins d'ancienneté ont reçu des montants allant de 10.000 à 40.000 dollars, selon le nombre d'années de service. Environ 500 travailleurs ont choisi de rester chez GM dans l'espoir d'obtenir l'un des 300 futurs postes d'emboutissage, qui devraient entrer en fonction au début de 2020, ou d'être transférés à l'usine de moteurs GM de St-Catharines ou au petit centre de distribution de pièces de Woodstock, en Ontario.

Pour les travailleurs ne disposant pas des diverses options de retraite, les montants forfaitaires pour certains (au mieux) couvriront leur revenu pendant deux ans dans une région qui devrait rapidement se transformer en une zone de chômage élevé. Pour la plupart, ces montants ne couvriront guère leur revenu pendant six mois ou moins. Telle est la réalité de la promesse de Jerry Dias de maintenir l'usine d'Oshawa ouverte.

L'assurance de Dias selon laquelle «l'empreinte» de l'assemblage GM serait maintenue à Oshawa a été utilisée avec cynisme par Unifor pour inciter les membres réticents à accepter de justesse un autre contrat chargé de concessions en 2016. Puis, au courant de l'hiver dernier, les travailleurs de l'automobile ont été témoins de l'approche théâtrale de Dias. Unifor, criait-il, n'accepterait pas la fermeture de l'usine d'Oshawa. Le syndicat mènerait «un rude combat» qui obligerait GM à renoncer à son plan. Mais en quoi consistait ce «combat»?

Alors que General Motors mettait en œuvre un plan mondial visant à accroître la valeur des portefeuilles d'actions de ses actionnaires, fermant cinq usines en Amérique du Nord et licenciant quelque 15.000 travailleurs, Unifor a concentré ses efforts sur la promotion du poison du nationalisme canadien. L'objectif du syndicat était de garder les travailleurs de l'usine d'Oshawa et de ses usines d'approvisionnement affiliées à l'écart de toute action de solidarité avec leurs collègues des États-Unis, du Mexique et du monde entier, même s'ils faisaient tous face à des menaces contre leurs emplois et leur niveau de vie. À l'instar de leurs homologues du syndicat américain de l'United Auto Workers (Travailleurs unis de l'automobile, UAW), le nationalisme d'Unifor a facilité l'application d'une série de concessions l'une après l'autre au cours des trois dernières décennies, en se basant sur l'affirmation mensongère selon laquelle elles sauveraient des emplois.

Le nationalisme canadien réactionnaire d'Unifor va de pair avec son ferme soutien au gouvernement libéral Trudeau proguerre et pro-entreprises, auquel il donnera son appui actif pour qu'il soit réélu lors de la prochaine campagne électorale fédérale.

Malgré les grandes paroles de Dias, en réalité, Unifor s'oppose fermement à toute lutte de la base pour tenter de faire grève ou occuper l'usine et se battre pour multiplier les actions dans l'industrie automobile canadienne et au-delà, dans des conditions où les travailleurs américains faisaient face à quatre fermetures d'usine simultanées.

Lorsque les travailleurs ont spontanément occupé l'usine d'Oshawa après l'annonce initiale de la fermeture en novembre, puis se sont réunis dans la salle syndicale, Dias et le président d'unité de la section locale 222, Greg Moffat, ont ordonné aux travailleurs de se présenter pour leur prochain quart de travail et de poursuivre la production. De même, lorsque les travailleurs  ont arrêté spontanément la production le 8 janvier après que GM ait confirmé qu'elle ne modifierait pas sa décision de fermeture, Moffat est rentré de Detroit pour s'assurer que l'action ne deviendrait pas une occupation et a conduit les travailleurs à la sortie de l'usine après que la direction de GM, craignant également la possibilité d'une occupation, ordonne la fin anticipée du quart de travail.

Un peu plus tard en janvier, Unifor a organisé une manifestation inoffensive devant les bureaux de GM, qui a été rapidement dispersée. Deux arrêts de production de quelques heures à proximité des fournisseurs de pièces détachées ne devaient pas durer plus d'un quart de travail.

Pendant ce temps, Unifor a lancé une campagne dans les médias, remplie de poison nationaliste anti-mexicain, appelant à un boycottage par les consommateurs de tous les véhicules GM vendus au Canada et assemblés au Mexique. La campagne brutale visant à prendre pour cible les travailleurs mexicains s'inscrivait dans la lignée des tactiques du syndicat préconisées depuis des décennies qui opposent les travailleurs d'un pays à ceux d'un autre pays et ont préparé le terrain pour une course sans fin vers le bas pour des emplois et des salaires en diminution constante.

La campagne anti-mexicaine a été lancée alors que plus de 70.000 travailleurs des  maquiladoras à Matamoros, au Mexique, menaient une grève courageuse contre les entreprises de pièces d'auto appartenant à des étrangers et les syndicats corrompus. La grève a entraîné une pénurie de volants et d'autres pièces, un ralentissement de la production en Amérique du Nord et des messages de solidarité des travailleurs canadiens et américains de GM, de Ford et de Fiat Chrysler.

La grève sauvage des travailleurs chez Syncreon et Ceva montre que les travailleurs de l'auto sont plus que prêts à se battre. La tâche cruciale est de mobiliser la colère et l'opposition profondes dans une lutte consciente contre les chefs d'entreprise et leurs larbins syndicaux, et de fournir une perspective politique claire.

Une véritable lutte pour mettre fin aux fermetures d'usines, aux licenciements et aux concessions ne sera organisée que si les travailleurs de la base en Amérique du Nord rompent de manière décisive avec les syndicats propatronaux pour organiser leurs propres comités d'action. Ces comités doivent coordonner les grèves, les occupations d'usines et d'autres manifestations afin de fermer l'ensemble du secteur de l'automobile afin de répondre aux demandes des travailleurs en faveur d'emplois sûrs et bien rémunérés. Une telle lutte, à laquelle Unifor et ses alliés capitalistes s'opposeront avec acharnement dans les salles de conseil des entreprises et les bureaux du gouvernement, oblige les travailleurs à se tourner vers un programme socialiste et internationaliste. C'est uniquement sur cette base qu'ils pourront mobiliser tout le pouvoir social de la classe ouvrière internationale contre les concessions, les fermetures d'usines et les suppressions d'emplois.

(Article paru en anglais le 7 août 2019)

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