01/09/2019 entelekheia.fr  6 min #161072

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Theresa May et l'art de rater ses négociations : comment le Royaume-Uni en est arrivé à la perspective d'un Brexit sans accord

Par Austin Mitchell
Paru sur  Brexit Central sous le titre Theresa May fell into the traps set by the EU and caved into their demands

L'échec (jusqu'à présent) de la mise en œuvre des souhaits du peuple sur le Brexit doit être le plus grand raté de toute l'histoire britannique. Il a créé une pagaille politique dans lequel nous pataugeons pendant que le monde en rit. Il vaut donc la peine de se demander ce qui a mal tourné et d'en tirer les leçons. On n'a pas seulement été cambriolés. Nous avons échoué comme des incompétents.

Les Brexiteers supposaient que ce serait facile. En fait, les obstacles étaient énormes. Nous avons affronté un adversaire intransigeant et inflexible, une UE sournoise et rusée. Une réaction éloquente et déterminée de la classe moyenne britannique s'est alliée à Bruxelles pour saper notre cause. Le Cabinet était divisé, un chancelier bavard déversait des pleins seaux d'eau froide et le Trésor a entrepris d'épouvanter tout le monde. La faiblesse de Theresa May signifiait qu'elle pouvait être promenée de la façon la plus éhontée. Tout cela l'a condamnée.

Au lieu de mettre en œuvre le résultat du référendum comme son gouvernement l'avait promis, Cameron, d'habitude si sûr de lui, s'est défilé. Theresa May est arrivée, trop polie pour se battre, trop inflexible pour être rusée et trop stupide pour comprendre. Elle supposait naïvement que tout ce qu'elle avait à faire était de parler poliment à d'autres chefs d'État, qui comprendraient sa politique. Au lieu de cela, elle a été forcée de ne traiter qu'avec la Commission - qui avait tout à perdre. Son rôle et son argent étaient menacés par le Brexit. Elle a donc pris le contrôle des négociations pour nous punir et se protéger.

La politesse n'était plus de mise. Les Europhiles de la classe moyenne et l'establishment britannique estimaient que leur droit de gouverner était menacé par les aisselles velues de plébéiens peu instruits et mal informés, qui avaient voté comme ils n'auraient jamais dû y être autorisés. Cela a soutenu la détermination de l'UE à punir une nation suffisamment impudente pour remettre en question sa destinée européenne. Alors, pendant que les Brexiteers sabraient le champagne, la Commission complotait et décida immédiatement que les 27 se tiendraient les coudes. Les conditions de départ seraient alors fixées avant toute discussion sur le commerce. Ces dernières ne viendraient qu'après le départ de l'Angleterre. En fait, le « départ sans accord » a démarré en tant que politique de l'UE.

Cela a piégé May. Le traité de Lisbonne stipule qu'une fois la notification donnée, « un accord de retrait est négocié, qui définit les modalités du retrait et les relations futures du pays avec l'Union », deux processus qui doivent se dérouler simultanément. La lettre de notification de May du 29 mars 2017 le demandait :

« Nous pensons qu'il est nécessaire de convenir des termes de notre futur partenariat en même temps que ceux de notre retrait. »

Légalement correct. Mais le droit de l'UE n'est respecté que s'il favorise une union toujours plus étroite. Ce qui n'était pas le cas. Un conglomérat de 27 nations ne peut pas négocier. Les bureaucrates de l'UE ont donc insisté sur le choix d'un négociateur qui ne discuterait pas de coopération future jusqu'à ce que les conditions les plus dures soient adoptées pour le divorce. Le bourreau choisi était Michel Barnier, un homme affligé d'une aversion toute gauloise pour la Grande-Bretagne qui a annoncé :

« Ma mission aura été accomplie quand les conditions seront si brutales pour les Britanniques qu'ils préféreront rester dans l'union. »

Il s'en est assuré en ajoutant un veto sur l'Irlande aux deux demandes initiales concernant l'argent et la protection des citoyens européens. Il n'y aurait pas de frontière douanière, ce qui garantirait soit que l'Irlande du Nord serait traitée séparément, soit que l'ensemble du Royaume-Uni resterait dans le marché unique. C'était le filet de sécurité (backstop). Il menaçait de maintenir le Royaume-Uni dans un état de vassalité, mais était justifié en tant que protection de l'Accord du Vendredi Saint. Les deux n'avaient aucun lien, mais il y avait une menace implicite de déchaînement de l'ancienne violence, à moins que May ne capitule.

Elle l'a fait. David Davis a annoncé que les négociations simultanées seraient « le combat de l'été », mais à l'automne, May avait décidé de ramper, pas de se battre. Elle a abandonné ses lignes rouges, s'est jetée dans le piège et a accepté tout ce que la Commission voulait - pour ensuite subir des humiliations au sommet de l'UE et encore plus au Parlement britannique, qui a refusé de passer son accord bancal.

Son départ laisse une impasse. Un nouveau gouvernement déterminé sur le Brexit affronte une UE qui ne veut pas revenir sur un accord qui ne peut pas passer, alors que des craintes délibérément exagérées sur le « pas d'accord » intimident la nation. Un nouveau gouvernement devrait signifier de nouvelles négociations, mais cela ouvre la boîte de Pandore de la légalité, de l'unité et des pires magouilles. L'UE répugne donc à le faire, ce qui signifie une confrontation qui paralyse tout. Sauf l'hystérie.

Ma conclusion est que quiconque négocie avec l'UE doit se munir d'un gros gourdin. Certains invoquent une analogie avec Dunkerque, où Churchill avait « arraché la victoire des crocs de la défaite ». C'est idiot. Nous étions une nation à l'époque, Churchill avait le soutien d'une énorme majorité, il n'y avait pas de cinquième colonne bourgeoise, ni d'intérêts privés particuliers pour distiller de la peur, et aucun média pour diaboliser Churchill. Il est heureux que les conséquences d'une victoire de l'un ou l'autre camp soient moins importantes qu'en 1940, quel que soit leur impact à long terme sur le type de nation que nous voulons être.

Austin Mitchell a été député du Labour entre 1977 et 2015.

Traduction Entelekheia
Image Maret Hosemann/Pixabay

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