07/10/2019 wsws.org  9 min #162640

Les travailleurs de l'automobile américains paralysent General Motors

Les travailleurs de l'éducation de l'Ontario s'apprêtent à faire la grève contre les coupes brutales de Ford

Par Penny Smith et Roger Jordan
7 octobre 2019

Moins de trois jours après avoir déclenché une grève du zèle inefficace, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) a été forcé mercredi de fixer une date limite de grève, le lundi 7 octobre, pour 55.000 employés de soutien des écoles publiques de l'Ontario.

De toute évidence, le syndicat subissait de fortes pressions de la part des membres de la base pour qu'il agisse face aux actes provocateurs de nombreux conseils scolaires et à la ligne dure du gouvernement progressiste-conservateur provincial, dirigé par un populiste de droite et émule de Donald Trump, Doug Ford.

Laura Walton, présidente du Conseil des syndicats scolaires de l'Ontario du SCFP, a déclaré lors d'une conférence de presse mercredi que le syndicat espérait éviter de déclencher une grève. Mais «sans aucune justification, certaines commissions scolaires ferment des programmes et renvoient des travailleurs chez eux». «Partout dans la province, poursuit Walton, les conseils scolaires coupent les services et mettent les élèves en danger.»

Le SCFP a jumelé son annonce de l'échéance de la grève à un appel à la reprise des négociations. Vendredi, les pourparlers ont repris avec le syndicat, qui s'est dit prêt à négocier 24 heures sur 24 tout au long de la fin de semaine.

Malgré la colère ressentie envers les coupes brutales du gouvernement en matière d'éducation parmi les employés de soutien - qui comprennent les concierges d'école, les employés de bureau, les aides-enseignants et les éducateurs de la petite enfance - et l'appui du grand public à leur lutte, il est fort possible que le SCFP tente de saborder la grève avant même qu'elle commence.

Le SCFP ne fait rien pour mobiliser l'appui populaire en faveur des travailleurs de l'éducation dans des conditions où plusieurs commissions scolaires de la province, dont les trois plus importantes, ont annoncé qu'elles fermeraient leurs écoles dès que la grève sera déclenchée. Les médias corporatifs profiteront de ces mesures pour faire pression sur le gouvernement afin qu'il intervienne. Le gouvernement Ford, pour sa part, a déjà menacé de criminaliser une grève des enseignants de la province, ou quelconque section importante d'entre eux.

Les travailleurs de l'éducation veulent s'opposer au saccage du système d'éducation publique de Ford, qui a déjà licencié des centaines d'employés de soutien et d'enseignants. Selon un rapport récemment publié par le Bureau du budget du Parlement, l'augmentation de l'effectif des classes que le gouvernement a annoncée entraînera l'élimination de plus de 10.000 postes d'enseignants au cours des cinq prochaines années. En conséquence à ces compressions et d'autres, des programmes d'études entiers, des activités parascolaires, des réparations désespérément nécessaires aux bâtiments scolaires et des services de soutien pour les élèves ayant des besoins d'apprentissage supplémentaires ont été supprimés, ou le seront, partout dans la province.

La lutte contractuelle du personnel de soutien est aussi un précédent pour ce qu'a juré de faire le gouvernement, et qui sera bientôt appuyé par une loi, soit de limiter les augmentations totales des salaires et des avantages sociaux d'un million de travailleurs du secteur public à seulement un pour cent par année au cours des quatre prochaines années. Une autre question importante qui fait l'objet d'un différend est la demande du gouvernement de réduire radicalement les indemnités de maladie.

Près de 250.000 enseignants et travailleurs de l'éducation du système scolaire public de l'Ontario travaillent sans contrat depuis la fin août. Les cinq syndicats qui les représentent font tout ce qui est en leur pouvoir pour saboter la lutte contre Ford, notamment en menant des négociations séparées et en refusant d'organiser une lutte commune contre les coupes dans l'éducation et les coupes réelles des salaires et avantages sociaux imposées par le gouvernement.

À peine le SCFP avait-il annoncé sa date limite de grève du lundi que la Fédération des enseignants des écoles secondaires de l'Ontario (FEESO) a déclaré qu'elle ordonnerait à ses membres de traverser les lignes de piquetage du SCFP. Les autres syndicats d'enseignants ont rapidement emboîté le pas.

Les syndicats sont terrifiés à l'idée qu'une grève puisse entraîner un affrontement direct avec le gouvernement détesté de Ford et déclencher une contestation plus large de la classe ouvrière au programme d'austérité de l'élite au pouvoir qui pourrait rapidement échapper à leur contrôle. Ils cherchent plutôt des moyens de collaborer avec le gouvernement pour faire appliquer ses mesures de réduction des coûts.

La FEESO en a fourni une confirmation éclatante lorsqu'elle a rendu publiques certaines de ses propositions de négociation initiales le mois dernier.

Prétendant qu'il est nécessaire de mettre fin aux «querelles interminables» au sujet de la «rémunération», les négociateurs de la FEESO ont proposé un gel réel des salaires, avec des «augmentations» annuelles limitées au taux d'inflation de 2,2 pour cent. Selon les propres termes de la FEESO, «des ajustements inflationnistes comme celui-ci maintiennent l'augmentation salariale réelle à zéro».

Le syndicat propose également l'introduction de jours de congé non rémunérés pour les enseignants, les économies ainsi réalisées devant être reversées au budget de l'éducation. Selon la FEESO, les absences procurent «une source de revenus à l'employeur» parce que les enseignants suppléants sont moins bien rémunérés et, dans certains cas, les enseignants absents ne sont pas remplacés du tout.

Le syndicat propose donc de punir les enseignants pour leurs absences, sans se soucier des conditions déplorables comme la pénurie chronique de personnel, les classes qui débordent, la décrépitude des bâtiments scolaires et l'augmentation de la violence qui a contribué à un taux alarmant de 15 à 20 pour cent d'absences, pourcentage que le syndicat décrit comme «raisonnable». La FEESO a également proposé la création d'un comité mixte gouvernement-syndicat pour mettre en œuvre l'apprentissage en ligne pour certains programmes étudiants, une mesure introduite par Ford qui entraînera une baisse considérable de la qualité de l'éducation.

La sanction d'une grève par le SCFP ne fait pas exception aux politiques corporatistes de droite des syndicats. À moins que les travailleurs de l'éducation de la base ne s'emparent de la direction de leur lutte, en les retirant des mains du SCFP, la bureaucratie syndicale fera de toute grève une manoeuvre cynique pour permettre aux travailleurs de se défouler et préparer le terrain pour une sale trahison.

Le SCFP est le plus important syndicat au Canada, représentant quelque 650.000 travailleurs du secteur public partout au pays. Tous ces travailleurs font face aux mêmes attaques que les 55.000 travailleurs de l'éducation de l'Ontario: des compressions budgétaires, le gel des salaires, des mises à pied et une charge de travail accrue. Cependant, le syndicat n'appelle pas à une grève de solidarité de la part de ses membres, et encore moins à une lutte commune de tous les travailleurs du secteur public contre l'austérité capitaliste.

Alors que le SCFP cherche à isoler le personnel de soutien des conseils scolaires et à les forcer à se battre à genoux, l'élite dirigeante poursuit ses attaques sans aucune pitié. Dès que les élections fédérales seront terminées, le gouvernement Ford prévoit rappeler l'assemblée législative provinciale pour mettre en place son plafond d'un pour cent par année dans les augmentations de salaires et avantages sociaux des travailleurs du secteur public ontarien. À lui seul, le SCFP compte des centaines de milliers de membres qui seront touchés par cette attaque, mais il n'a pris aucune mesure pour lancer une lutte commune contre elle. Unifor, la FEESO et la Fédération des travailleurs de l'Ontario n'en sont pas moins complices, n'ayant absolument rien fait pour organiser une seule manifestation importante contre le projet de loi 124 de Ford, et encore moins pour préparer une grève contre celui-ci.

Le refus des syndicats de mobiliser l'opposition de la classe ouvrière à ces attaques brutales est lié à leur subordination politique aux libéraux et aux néo-démocrates, tous pro-guerre et pro-austérité. Les bureaucrates syndicaux bien nantis considèrent une mobilisation de masse de la classe ouvrière contre le gouvernement Ford comme une perturbation de leur campagne pour promouvoir les libéraux et Justin Trudeau comme une alternative «progressiste» aux conservateurs d'Andrew Scheer avant les élections fédérales du 21 octobre.

La voie à suivre pour les enseignants, les étudiants et leurs partisans est une lutte unifiée, menée indépendamment des syndicats procapitalistes.

Que les membres du SCFP débrayent lundi ou que le syndicat annule la grève, les travailleurs en éducation doivent former des comités de grève indépendants dans chaque école, entièrement indépendants des appareils syndicaux. Ils doivent être appuyés par les élèves, les parents et les autres travailleurs par la mise sur pied de comités de grève dans les lieux de travail et les quartiers de la province pour appuyer et élargir la grève. Ces comités devraient exiger un système d'éducation publique bien financé, la réintégration de tout le personnel enseignant déjà mis à pied et une augmentation substantielle des salaires pour compenser le gel des salaires imposé par les gouvernements libéraux et conservateurs précédents.

Mais les membres du SCFP ne peuvent gagner ce combat seuls. La grève doit être immédiatement étendue aux 250.000 enseignants et travailleurs de l'éducation sans contrat. Les grévistes du secteur de l'éducation devraient également faire appel à la solidarité des travailleurs d'autres secteurs du secteur public, des grévistes de General Motors aux États-Unis et des travailleurs de GM et de pièces d'automobile qui risquent de perdre leur emploi à la fermeture de l'usine GM d'Oshawa.

L'erreur la plus fatale que les travailleurs de l'éducation pourraient commettre est d'accepter l'illusion présentée par les syndicats que la lutte actuelle est un simple conflit de négociation collective. Les travailleurs de l'éducation sont engagés dans une lutte politique contre le gouvernement Ford, qui prépare une loi de retour au travail, et contre le programme d'austérité de l'élite capitaliste tout entière.

Le personnel de soutien des commissions scolaires doit se préparer à défier toute tentative de criminalisation de leurs moyens de pression. Cela signifie faire de la lutte contre l'assaut du gouvernement Ford sur l'éducation publique le fer de lance d'une grève politique générale pour faire tomber le gouvernement Ford et le développement d'un mouvement de masse pour un gouvernement ouvrier, qui utiliserait la vaste richesse de la société pour financer les services essentiels pour tous, pas l'enrichissement supplémentaire de l'oligarchie capitaliste au pouvoir.

(Article paru en anglais le 5 octobre 2019)

 wsws.org

 Commenter