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Les prétentions de «gauche» de Corbyn démasquées lors du débat des élections générales au Royaume-Uni

Par Robert Stevens
22 novembre 2019

Le débat télévisé des élections générales entre le chef conservateur Boris Johnson et le chef du Parti travailliste Jeremy Corbyn était une mise à nu dévastatrice des prétentions de Corbyn d'incarner une alternative pour la défense des intérêts de la classe ouvrière.

Ce débat, organisé par ITV, était le premier au Royaume-Uni à se dérouler entre un premier ministre sortant et un seul chef de l'opposition. Selon ITV, 6,7 millions de spectateurs l'ont regardé, dont plus de 350.000 sur la chaîne YouTube d'ITV.

La première partie était axée sur le Brexit, où Johnson a déclaré que les élections ont été convoquées uniquement à cause du refus des députés d'adopter l'accord qu'il avait conclu avec l'Union européenne.

Corbyn a présenté son projet d'un gouvernement travailliste visant à renégocier un accord sur le Brexit, puis à le soumettre à un nouveau référendum dans un délai de six mois, parallèlement à l'option de rester dans l'UE.

Devant les demandes constantes de Johnson pour qu'il clarifie sa propre position, Corbyn a refusé d'indiquer s'il soutiendrait un vote pour rester dans l'UE ou la quitter. C'était une tentative de dissimuler les profondes divisions au sein de son propre parti, qui a vu plus de 100 députés et autres candidats travaillistes déclarer qu'ils soutiendraient le camp Remain (rester) quel que soit l'accord que Corbyn pourrait convenir avec l'UE.

Les partisans de Corbyn insistent sur le fait qu'il soit le leader le plus à gauche que les travaillistes n'aient jamais eu. Ils avaient affirmé que s'il affrontait Johnson dans un débat, qu'il écraserait ce rupin issu de l'école privée d'Eton sur la base de son point fort: celui d'être le seul chef politique qui mettrait fin à 10 ans d'austérité du Parti conservateur.

Le Financial Times, dans un article précédant le débat, a prédit: «Il [Corbyn] devrait adopter une ligne agressive contre M. Johnson au cours du débat, utilisant des méthodes de guerre de classe pour se présenter comme le candidat au poste de premier ministre défendant "la majorité"».

À un moment donné, Johnson a dit, brandissant l'épouvantail qui excite la base de droite des conservateurs selon laquelle Corbyn et son ministre fantôme des finances sont de dangereux «marxistes», que: «Jeremy Corbyn et le Parti travailliste ont en fait déclaré vouloir renverser le capitalisme et détruire la base de la création de richesse dans ce pays. Je dois dire que ce serait désastreux pour ce pays.»

Se voyant offrir cette occasion en or, Corbyn a répondu qu'en tant que premier ministre, il voudrait tout simplement revenir à la situation telle qu'elle était sous les dernières années des gouvernements travaillistes de droite de Blair et Brown! Malgré l'avertissement que: «Nous sommes une société de milliardaires et de très pauvres, dont ni l'un, ni l'autre n'a sa raison d'être», il a souligné que sous le mandat de son gouvernement éventuel, il n'y aurait aucun empiétement sérieux sur la position des mieux nantis.

Au contraire, «nous allons, au cours d'un mandat parlementaire, augmenter l'impôt sur les sociétés à peu près au niveau qu'il était en 2010 afin de réinvestir correctement dans l'éducation. Afin de payer la fin des frais de scolarité des universités... et nous commencerons par nous attaquer aux niveaux grotesques de déséquilibre dans notre société».

Cette promesse délibérément vague est faite dans des conditions où 14 millions de personnes vivent dans la pauvreté, dont beaucoup dépendent des banques alimentaires, et après que plus de 130.000 personnes sont mortes de causes «évitables» au cours de la dernière décennie en raison des coupes sociales d'austérité.

À une occasion seulement, Corbyn est passé à l'offensive en présentant un document entièrement censuré - obtenu en vertu de la loi sur la liberté de l'information - et en déclarant: «Ce que nous savons de ce que M. Johnson a fait est une série de réunions secrètes avec les États-Unis dans laquelle ils proposent d'ouvrir nos "marchés de soins médicaux publics", comme ils les appellent, à des sociétés américaines.»

Même après que Johnson l'ait critiqué pour avoir proposé une semaine de travail possible de quatre jours pour les travailleurs surmenés des hôpitaux publics (NHS), Corbyn a répondu qu'il s'agirait d'une semaine de travail de quatre jours grâce à l'économie «financée par des gains de productivité dans toute la Grande-Bretagne».

Corbyn a veillé à ce qu'aucun de ses énoncés ne vienne aliéner le public de droite hargneux, dont certains ont indiqué leur présence dans l'audience en se moquant de lui. Le quotidienproconservateur Telegraph anoté que «le dirigeant travailliste a cherché à se présenter comme une figure avunculaire et unificatrice...»

Corbyn était à ce point si terne qu'un sondage instantané YouGov a révélé que 51 pour cent pensaient que Johnson avait gagné le débat, contre 49 pour cent pour Corbyn.

Le débat était la preuve que Corbyn n'est qu'un social-démocrate banal. Ses «réformes» et son  programme procapitaliste sont tellement banals que, dans une période antérieure au gouvernement de Tony Blair, il serait difficilement considéré comme un réformiste «de gauche».

Il est terrifié par la bourgeoisie et tremble chaque fois qu'elle fait sentir sa présence. Corbyn ne combattra rien ni personne. Sa lâcheté politique s'est manifestée dans son refus de s'opposer à la fausse campagne organisée par les agences de renseignement américaines, israéliennes et britanniques, et dirigée par les conservateurs et les blairistes de son propre parti, affirmant que Corbyn dirigeait un parti antisémite.

La modératrice Julie Etchingham a demandé à Corbyn de répondre aux commentaires du Conseil des représentants juifs sionistes britanniques selon lesquels «vous et vos alliés êtes responsables d'avoir transformé un grand parti autrefois en une pépinière d'antisémitisme».

Au lieu de dénoncer cette calomnie, Corbyn a souligné: «J'ai pris des mesures au sein de mon parti contre quiconque a commis des actes antisémites ou fait des déclarations antisémites. Ils ont été soit suspendus, soit expulsés du parti et nous avons enquêté sur chaque cas.»

Corbyn a même refusé d'indiquer que Johnson avait fait une série de déclarations véritablement racistes et péjoratives à propos des musulmans et des Noirs.

Interrogé sur la crise dans laquelle se  trouvait la famille royale et sur son aptitude à remplir ses fonctions monarchiques, Corbyn a déclaré qu'elle «avait besoin d'un peu d'amélioration».

Même la chroniqueuse du Guardian, Aditya Chakrabortty, une voix généralement sympathique à l'égard de Corbyn dans un journal qui fait office de vitrine de la droite blairiste, a écrit: «Je me souviens vaguement de quelques histoires sur une politique plus douce et plus sympathique [déclaration de Corbyn lorsqu'il est devenu dirigeant du Labour], mais une élection est une guerre. À l'heure actuelle, Corbyn est à trois semaines de ce qui pourrait être soit sa dernière chance, soit celle qui lui permettra de vaincre Johnson, de bloquer le Brexit dur de ce dernier et d'inverser certaines des politiques destructrices imposées par les conservateurs. Lui et son équipe ont une chance raisonnable de l'emporter. Mais pour l'emporter, ils doivent réellement se battre.»

Les meneuses de claque de Corbyn dans la pseudo-gauche, membres du Socialist Workers Party (Parti des travailleurs socialistes), ont également exprimé leur inquiétude devant le refus de leur chef choisi de proposer une alternative viable, affirmant que le débat a montré que, «Au sein du Parti travailliste, une décision a été prise qui stipulait: "Ne prenez pas Johnson à partie".»

(Article paru en anglais le 21 novembre 2019)

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