Convaincus que le référendum d'initiative citoyenne ne serait pas «instauré par en haut», des Gilets jaunes aveyronnais ont décidé de le faire partir «par en bas» et en ont organisé un dans leur commune. Ils espèrent faire des émules.
C'est LA revendication phare des Gilets jaunes, qui est devenue réalité ce 23 novembre dans l'Aveyron : dans la commune de Saint-Affrique, les habitants ont en effet pu s'essayer à la démocratie directe en prenant part à un référendum d'initiative citoyenne (RIC) - non contraignant légalement.
Ils étaient appelés à se prononcer sur trois propositions, qu'ils avaient eux-mêmes définies en amont : l'utilisation de produits bio locaux dans les cuisines collectives, l'interdiction du glyphosate dans la commune et l'intégration du RIC dans les prises de décisions de la commune. «C'est une première nationale !» : dans la salle mise à disposition par la mairie - avec isoloirs et urne - les Gilets jaunes à l'origine de ce projet «expérimental» n'ont pas boudé leur plaisir face au succès rencontré par leur initiative.
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Les Saint-Affricains s'adonnant au RIC.
Si l'idée a germé dans leur esprit en début d'année, après avoir assisté à une conférence sur le sujet, l'organisation du vote à proprement parler n'a commencé qu'en juin. C'est un vrai parcours du combattant auquel les Gilets jaunes ont alors été confrontés pour mener à bien le projet ; du travail pédagogique à faire auprès de la population pour expliquer en quoi consiste un RIC, aux tractations avec le mairie pour obtenir les listes électorales ainsi que du matériel, en passant par la distribution de 3 500 bulletins, et surtout l'élaboration des propositions par les habitants.
Alors, quand vers midi une habitante a glissé le 100e bulletin de vote de la journée, les applaudissements étaient de rigueur. «Plus de 90% des gens qui sont venus voter, on ne les connaît pas», se félicite ainsi un Gilet jaune. Parmi eux, une jeune mère de famille trentenaire, qui vient voter pour la première fois de sa vie. Ou encore une adolescente pas encore majeure (le vote était ouvert aux personnes de 16 ans et plus), bien décidée à donner son avis sur l'utilisation de produits bio locaux dans les cuisines collectives : «C'est important qu'à la cantine ils nous donnent des produits locaux», explique-t-elle.
Puisque le RIC ne sera pas instauré d'en haut, il faudra qu'il parte d'en bas
Si les résultats du vote ne seront pas contraignants, le RIC ne disposant pas à l'heure actuelle de cadre légal, ils seront malgré tout étudiés par le Conseil municipal le 27 novembre. A quelques mois des élections municipales, le maire PS de la ville Alain Fauconnier a d'ailleurs fait le déplacement pour glisser un bulletin dans l'urne. «Leur démarche citoyenne []... mérite qu'on s'y intéresse []... J'envoie un signe républicain», a fait savoir l'édile.
287 personnes ont finalement pris part au vote sur les 5 541 votants potentiels que compte Saint-Affrique et les 10 000 des communes alentours. La proposition qui a recueilli le plus de suffrages concerne l'utilisation de produits bio et locaux dans les cuisines collectives, à laquelle 98% des votants ont adhéré. Les deux autres propositions ont également été adoptées à une majorité de plus de 90% des votants.
Très satisfaits de la participation et du déroulé de la journée, les organisateurs, au-delà des chiffres, espèrent surtout faire des émules. Que l'idée se répande et que les citoyens des quatre coins du pays s'en saisissent pour que le RIC finisse par devenir incontournable dans le paysage politique : «Puisque le RIC ne sera pas instauré d'en haut, il faudra qu'il parte d'en bas. Si des personnes sont au courant de ce qu'on a fait sur Saint-Affrique et trouvent ça intéressant []... petit à petit, ça peut rentrer dans des habitudes. Et à partir de là, on aura peut-être un jour ou l'autre un candidat crédible à une élection qui portera le RIC.»
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