28/11/2019 wsws.org  7 min #165157

Les Teamsters mettent fin à la grève du Cn et font l'éloge du gouvernement libéral du Canada

Par Keith Jones
28 novembre 2019

Le syndicat des Teamsters a annoncé mardi matin qu'il avait conclu une entente de principe avec les chemins de fer nationaux du Canada et qu'il ordonnait aux 3.200 chefs de train, exploitants et agents de triage en grève du CN de retourner au travail à compter de 6h mercredi.

Ni le syndicat ni le CN n'ont dévoilé les détails de l'entente qui met fin à la grève de sept jours. Selon les représentants des Teamsters, les travailleurs n'apprendront le contenu de l'entente proposée que plusieurs semaines plus tard, lorsque le syndicat tiendra des réunions d'information.

Tout porte à croire que le syndicat a abandonné la plupart, sinon la totalité, des revendications clés des travailleurs du CN dans son empressement à mettre fin à la grève et à éviter une confrontation avec le gouvernement libéral fédéral.

Les grandes entreprises canadiennes, le chef de l'opposition conservatrice Andrew Scheer et les premiers ministres de droite de l'Alberta, du Québec et de la Saskatchewan avaient tous demandé au gouvernement Trudeau de rappeler immédiatement le Parlement et de faire adopter d'urgence une loi de retour au travail.

Ils ont insisté sur le fait qu'une telle mesure était nécessaire pour éviter que la grève, qui a paralysé le transport de céréales, de propane et d'autres produits, ne cause des pertes financières énormes.

Lundi, la ministre de l'Agriculture, Marie-Claude Bibeau, a fait savoir que si la grève n'était pas rapidement terminée, le gouvernement agirait pour la criminaliser, tout comme il l'a fait lors d'une campagne de grèves tournantes de 50.000 travailleurs de Postes Canada en novembre dernier. «Toutes les options sont toujours sur la table», dit Bibeau. «Mais pour l'instant, nous espérons que les deux parties parviendront à un accord.»

La menace voilée de Bibeau est survenue quelques heures seulement après qu'un représentant de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada eut révélé que, jusque-là, il n'y avait eu aucun progrès dans la résolution des revendications clés des travailleurs. Il s'agit notamment de la fin des conditions de travail dangereuses causées par le démantèlement des effectifs, des équipes d'un seul travailleur et des horaires de travail pénibles, ainsi que la demande que la direction abandonne ses demandes de recul, comme le plafonnement de la couverture des médicaments sur ordonnance.

En annonçant la fin de la grève, le président de Teamsters Canada, François Laporte, a fait des pieds et des mains pour féliciter le gouvernement libéral de Justin Trudeau.

«Les gouvernements précédents violaient régulièrement le droit de grève des travailleurs dans l'industrie ferroviaire,» a déclaré Laporte. «Le gouvernement est resté calme et s'est efforcé d'aider les parties à parvenir à un accord, et ça a marché.»

En fait, Trudeau et ses libéraux ont fait un calcul politique selon lequel il serait plus opportun de faire pression sur la bureaucratie des Teamsters pour mettre fin à la grève que de convoquer le Parlement, qui ne s'est pas encore réuni depuis les élections fédérales du 21 octobre, dans le but explicite de criminaliser la grève.

Une loi antigrève aurait montré une fois de plus que le «système de négociation collective» est truqué: chaque fois que les travailleurs sont en position de force, le gouvernement, quel que soit le parti au pouvoir, criminalise les grèves syndicales et fait respecter les diktats des grandes entreprises.

De plus, le recours à une loi de retour au travail aurait été politiquement dommageable pour les libéraux, qui se prétendent «progressistes» et «partenaires» des syndicats procapitalistes pour mieux appliquer le programme des grandes entreprises.

Après avoir été réduits à un gouvernement minoritaire lors des élections du mois dernier, les libéraux sont en train de manœuvrer pour obtenir l'appui parlementaire du NPD social-démocrate.

Le NPD et ses alliés syndicaux sont plus que désireux d'offrir un tel appui. Si le gouvernement libéral avait criminalisé la grève du CN, les députés néo-démocrates, après avoir manifesté leur opposition, auraient sans doute accepté docilement le rôle qui leur avait été attribué comme appuis parlementaires du gouvernement libéral. Cependant, cela aurait compliqué la tentative des libéraux de relancer leur gouvernement, dans des conditions où ils subissent déjà d'intenses pressions de la part de certains secteurs des grandes entreprises canadiennes et de Washington pour aller encore plus à droite.

Prenant la parole lors d'une conférence à Halifax dimanche, Robert O'Brien, conseiller de Trump pour la sécurité nationale, a demandé au gouvernement libéral d'accroître considérablement la présence militaire du Canada dans l'Arctique et d'augmenter les dépenses militaires de dizaines de milliards de dollars par année, en plus de l'augmentation de 70 % d'ici 2026 que le gouvernement Trudeau met actuellement en œuvre.

Le tant vanté «partenariat» des libéraux avec les syndicats est une fraude. Il vise à utiliser l'appareil bureaucratique des syndicats pour réprimer la lutte des classes et accroître la compétitivité et la rentabilité des entreprises canadiennes aux dépens des travailleurs.

Lundi, alors que les Teamsters intensifiaient leurs efforts pour conclure une entente avec la direction du CN, le président de Teamsters Canada s'engageait publiquement à offrir le soutien du syndicat pour assurer la rentabilité du CN, la troisième plus grande compagnie ferroviaire en Amérique du Nord. François Laporte a déclaré: «Je comprends que nous (le syndicat) devons atteindre les résultats financiers de l'entreprise, mais de notre côté, nous devons protéger notre personnel.»

Loin de protéger les travailleurs du CN, les Teamsters ont accepté à maintes reprises des concessions et des suppressions d'emplois et se sont inclinés devant les lois gouvernementales de retour au travail. En 2014, les travailleurs du CN ont rejeté à deux reprises les conventions approuvées par les syndicats, et le syndicat a mis fin à une grève avant même qu'elle ne commence après que le gouvernement conservateur Harper eut brandi la menace d'une loi antigrève et d'un contrat de travail dicté par un arbitre choisi par les conservateurs.

Au cours de la grève actuelle, les grandes entreprises, l'establishment politique et les médias corporatifs ont organisé une campagne de propagande de masse contre les travailleurs du CN. Toute la discussion sur la position de négociation provocatrice de l'entreprise et la menace que représente le régime de travail brutal du CN pour la santé des travailleurs et la sécurité publique a été enfouie sous les dénonciations viscérales des grévistes pour avoir semé le «chaos économique».

Une partie de tout cela était éhontément exagérée. La pénurie de propane au Québec ne menaçait pas de priver les hôpitaux de la province de leur approvisionnement en électricité, comme le prétendaient certains médias. En fait, la pénurie de propane a été créée artificiellement par le CN, qui a continué d'expédier environ 10% de ses marchandises pendant la grève en utilisant du personnel de supervision et 1.600 ingénieurs non grévistes qui sont membres d'un autre syndicat. Après que la tactique du CN eut été dévoilée, une importante cargaison de propane a été expédiée d'Edmonton et est arrivée à Montréal lundi.

Mais la grève a enragé et perturbé les grandes entreprises, parce qu'elle a donné une idée de l'immense puissance sociale de la classe ouvrière.

L'attaque de la classe dirigeante contre les grévistes du CN aurait pu être contrée par une campagne visant à rallier l'appui de la classe ouvrière partout au Canada et parmi les travailleurs des chemins de fer en Amérique du Nord et dans le monde. La grève a eu lieu alors que les travailleurs ferroviaires au Royaume-Uni, en France, en Corée et dans d'autres pays sont engagés dans des luttes acharnées contre la privatisation et le démantèlement des effectifs.

Les problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs du CN - reculs exigés par les employeurs, détérioration constante des conditions de travail, criminalisation de la résistance des travailleurs et utilisation du changement technologique pour accroître la surveillance et l'exploitation des travailleurs - sont les mêmes pour tous les travailleurs, tant dans le secteur privé que public.

Mais les Teamsters procapitalistes ne voulaient pas et ne pouvaient pas faire de la grève du CN le fer de lance d'une contre-offensive plus large de la classe ouvrière contre les grandes entreprises et leurs larbins au gouvernement. Pour cela, les travailleurs doivent construire leurs propres organisations de lutte industrielle et politique opposées aux appareils syndicaux: des comités de grève de la base, ainsi qu'un mouvement politique de masse engagé dans la réorganisation socialiste de la vie économique pour mettre fin à la subordination de la santé et des moyens de subsistance des travailleurs au profit capitaliste.

(Article paru en anglais le 27 novembre 2019)

 wsws.org

 Commenter