Les médias ont beaucoup parlé des régimes de retraites dits «spéciaux» des employés de la RATP, de la SNCF et de la fonction publique... mais moins de ceux du personnel politique. Or les Sénateurs continuent de bénéficier d'importants privilèges.
Lors de sa présentation du projet de réformes des retraites devant le Conseil économique social et environnemental (CESE), le 11 décembre, le Premier ministre Edouard Philippe a abordé la question des régimes spéciaux de retraites du personnel politique. Il a notamment affirmé que «le système sera[it] le même pour tous les Français, sans exception» et a précisé : «La vérité, c'est que les règles ont déjà beaucoup convergé. Les ministres sont traités comme des salariés et les députés comme des fonctionnaires [depuis le 1er janvier 2018].»
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La convergence évoquée par le premier ministre est une référence à la réforme de 2010 qui a supprimé la possibilité de choisir de cotiser plus pour obtenir une meilleure retraite ou une «carrière complète » plus rapidement. Ainsi, avant 2010, les parlementaires pouvaient verser une double cotisation, qui augmentait à la fois le montant de leur pension et le nombre de leurs annuités.
La double cotisation était possible pendant 15 ans, ils pouvaient ensuite cotiser 50% de plus que la normale pendant cinq autres années. Ce système permettait alors d'atteindre une carrière complète en 23 ans (au lieu de 40,5 ans). Mais certains parlementaires en fonction des générations bénéficient encore de ce système.
Les députés ne peuvent plus verser la double cotisation depuis le 1er janvier 2018. Mais, pour le moment, cela a peu d'influence sur leur retraite, car jusqu'au 31 décembre 2017, ils pouvaient encore surcotiser : 50% de plus pendant les 10 premières années (les 2 premiers mandats), 33% les cinq années suivantes, et 25% pendant le reste de la carrière. Ce système permettait d'atteindre une carrière complète en 31 ans environ. Une possibilité qui n'est pas offerte à tous et qui continuera encore pendant de nombreuses années à porter ses effets et permettre des conditions de retraites nettement plus avantageuses que pour la majorité des citoyens français.
Le régime spécial des sénateurs dans le collimateur
Quant au régime spécial des sénateurs, largement préservé, il devrait logiquement être remis en cause. La question doit être abordée lors du bureau du Sénat qui se réunit ce 12 décembre, selon «l'entourage de son président Gérard Larcher (LR)» cité par l'AFP. L'avant-dernier point de l'ordre du jour de ce bureau - l'équivalent de son conseil d'administration - prévoit une «communication» du président «sur les réformes réalisées depuis 2008» incluant «un passage» sur les retraites.
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Selon le site du Sénat Gérard Larcher «s'est engagé à saisir le Bureau du Sénat pour que soit prise en compte la future réforme des retraites, une fois celle-ci adoptée, de manière à ce que le régime de retraite des sénateurs y soit adapté ».
Selon lui, «il faut arrêter de raconter n'importe quoi» et à l'appui de cette déclaration, le président du Sénat a comparé la moyenne de la pension d'un sénateur, soit 3 856 euros nets, hors majoration par enfant, à celle d'un ingénieur en chef de la RATP, selon lui de 6 000 euros. Mais ce poste est bien sûr loin de représenter la moyenne des pensions perçues par les agents de la RATP qui s'établissait fin 2017 (toutes durées de carrières confondues à 2 850 euros bruts.
En outre, contrairement aux députés, les sénateurs ont conservé la possibilité, après le 1er janvier 2018, de cotiser d'avantage (15,50% contre 6,90% pour le régime général). Cette question de la «sur cotisation» par rapport au système général est d'ailleurs un élément central de la question de l'équité du régime futur. En effet, si un euro cotisé vaut la même retraite pour chacun, le projet de loi devra sans doute envisager - pour respecter les promesses faites aux militaires, enseignants et policiers - la possibilité de cotiser d'avantage selon les catégories socio-professionnelles ce qui relativiserait beaucoup l'idée du «même système pour tous». Mais en ce qui concerne les salariés du privé, la question semble déjà tranchée, le MEDEF ayant déjà fait savoir qu'il excluait une hausse des cotisations.
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