17/01/2020 reseauinternational.net  5 min #167589

Les puissances européennes se préparent à abandonner l'accord nucléaire avec l'Iran

Le Royaume-Uni doute de la capacité des États-Unis de le défendre

Le secrétaire à la Défense britannique Ben Wallace a déclaré dans une interview au journal The Sunday Times que son pays devait se préparer à mener des guerres sans compter sur le soutien des États-Unis, car ces derniers pourraient cesser d'être le leader mondial. « Je m'inquiète que les États-Unis puissent perdre la position de leader dans le monde. Cela serait mal aussi bien pour le monde que pour nous. Nous nous préparons au pire et espérons pour le mieux », a déclaré Ben Wallace.

Le secrétaire à la Défense a indiqué que le Royaume-Uni dépendait fortement du soutien militaire des États-Unis, notamment de la couverture aérienne américaine, de leurs moyens de renseignement et d'espionnage, et qu'il était temps pour Londres de s'écarter de cette pratique. « Nos forces armées ne doivent plus compter sur les États-Unis, leur couverture aérienne et les avions de reconnaissance dans les futurs conflits », a-t-il résumé.

Ben Wallace a noté également qu'il espérait que le Royaume-Uni, à l'instar de la Russie et de la France, adopterait une position plus active pour promouvoir ses intérêts à terme aussi bien par la diplomatie que par les forces de l'armée.

Ces propos de déception du secrétaire à la Défense britannique ont été prononcés après le retrait l'an dernier par les États-Unis de leurs forces armées de Syrie sans en avertir les alliés de l'Otan, y compris le Royaume-Uni. De plus, récemment le président américain Donald Trump a fait une déclaration résonante concernant l'Irak où il a appelé l'Otan à remplacer les Américains et à assumer un plus grand rôle au Moyen-Orient. « La certitude de 2010 que nous ferons toujours partie de la coalition américaine ne reflète plus la position que nous adopterons », a ajouté Ben Wallace.

À noter qu'actuellement le Royaume-Uni applique la doctrine militaire de 2010, conformément à laquelle les Britanniques « combattront toujours avec les Américains », qui à leur tour les protégeront contre une agression extérieure. De toute évidence, il est temps pour Londres de revoir cette doctrine et de comprendre que les États-Unis n'ont plus l'intention de jouer le rôle de défenseur du Royaume-Uni en vertu de l'article 5 de la Charte de l'Otan. Sous la présidence de Donald Trump, qui dans la pratique applique fermement le slogan « l'Amérique avant tout », les intérêts de son propre pays ont depuis longtemps prévalu sur tous les autres arguments en faveur d'autres pays, même s'il s'agit d'alliés de l'Otan.

D'ailleurs, il convient de rappeler l'interview de l'an dernier de l'ambassadeur de France à Washington Gérard Araud accordée au journal britannique The Guardian à la veille de sa démission. Le diplomate français s'était durement exprimé au sujet de Donald Trump et de son administration. « Quand ils prononcent le slogan « l'Amérique avant tout », cela signifie l'Amérique seule. En fait, ce président et cette administration n'ont pas d'alliés, pas d'amis. En réalité tout se résume aux relations bilatérales sur la base d'un équilibre de force et de protection des intérêts américains étroits », a déclaré M. Araud. L'ambassadeur français a déploré que les autorités américaines actuelles « traitent les Européens de la même manière qu'ils traitent les Chinois ».

Le secrétaire à la Défense britannique Ben Wallace

Malheureusement pour le Royaume-Uni, à en juger par la déclaration du secrétaire à la Défense, Londres vient seulement d'en prendre conscience, trois ans après l'élection de l'actuel locataire de la Maison blanche. Et bien que Washington et Londres continuent d'affirmer que des « relations particulières » demeurent entre les deux pays, en réalité ces liens ont perdu depuis longtemps leur caractère « particulier » et ne se distinguent en rien des relations des États-Unis et du Royaume-Uni avec d'autres pays.

Le quotidien The New York Times a récemment écrit que « sous le camouflage festif les liens entre le Royaume-Uni et les États-Unis s'affaiblissent depuis un certain temps », tout en rappelant les divergences notamment sur l'accord nucléaire iranien, l'accord de Paris sur le climat et les « attaques de Trump contre les alliés de l'Otan ». Le Guardian pointe également le fait que « sur une multitude d'importantes questions de politique étrangère Londres se range du côté des Français, et non de l'oncle Sam ».

Par conséquent, il est peu probable que Washington vienne en aide si quelque chose arrivait au Royaume-Uni. Cela fait longtemps que Londres devrait revoir sa stratégie de défense et compter uniquement sur ses propres moyens, et pas sur les États-Unis. Surtout en sachant que dans peu de temps le Royaume-Uni quittera l'UE et ses liens avec les alliés européens de l'Otan et les partenaires commerciaux du Vieux Continent s'affaibliront significativement. D'autant qu'au sein même de l'Alliance les membres sont fatigués de la pression continuelle de Washington, qui n'a fait que grandir sous la présidence de Donald Trump. Alors qu'en UE on appelle de plus en plus à songer sérieusement à la création de ses propres forces armées pour défendre l'Europe afin de réduire la dépendance des États-Unis en la matière.

Faut-il s'attendre à un plus grand refroidissement dans les relations américano-britanniques ? Difficile d'y répondre avec certitude. Mais tout est possible. Le conservatisme britannique pourrait ne pas supporter l'insolence et le diktat américains, alors que Donald Trump pourrait perdre patience au vu de différentes incartades de Londres. Il pourrait décréter des sanctions contre le Royaume-Uni, comme il le fait vis-à-vis de l'UE, ou engager d'autres démarches imprévoyantes. L'avenir nous le dira.

source :  observateurcontinental.fr

 reseauinternational.net

 Commenter