18/01/2020 reseauinternational.net  4 min #167625

Russie Unie propose de liquider les partis politiques à financement étranger

par Karine Bechet-Golovko.

Un projet de loi vient d'être déposé pour tenter de désarmer à l'intérieur du pays les partis d'opposition radicale, c'est-à-dire non pas ceux qui discutent des différentes manières possibles de relancer l'économie, d'augmenter la qualité de vie des citoyens, etc., mais ceux qui appellent à un renversement des institutions, souvent depuis l'étranger et sur fonds extérieurs. Le projet propose de rendre possible de les liquider sur ce fondement. Si la situation est effectivement plus que tendue et qu'il est urgent d'assainir les institutions, la barrière entre « bonne » et « mauvaise » opposition ne doit pas conduire à la négation de l'opposition en soi. Même s'il est vrai qu'en Russie il manque cruellement d'une opposition constructive, qui ne soit pas soit « révolutionnaire », soit figurative.

Deux députés du Parti présidentiel Russie Unie, en s'appuyant sur l'activité renforcée des structures étrangères dans le pays, viennent de déposer un  projet de loi proposant de modifier la législation concernant le fonctionnement des partis politiques en Russie en ajoutant deux fondements juridiques permettant la liquidation d'un parti politique.

D'une part, comme l'explique la l ettre explicative accompagnant le projet de loi, certains partis politiques appellent ouvertement à un renversement des institutions en Russie, l'exemple de Iabloko est donné, des politiciens qui participent à des élections nationales font ensuite la tournée des plateformes étrangères appelant à la remise en cause de l'intégrité territoriale, dégradent l'image du pays. Il est alors proposé d'ajouter un paragraphe donnant la possibilité de liquider judiciairement un parti politique dont l'activité porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution fédérale, qui remet en cause l'autorité de l'État et des symboles étatiques sur la scène internationale.

D'autre part, certains candidats font campagne sur fonds étrangers. Ce fut le cas de Navalny lors des élections de Moscou en 2013, qui a perçu des fonds provenant d'Espagne et des États-Unis (ce qu'il conteste). En 2014, la législation a interdit le financement étranger des partis politiques, que les fonds proviennent d'un État étranger ou d'un organe étatique étranger, d'une organisation internationale ou d'une personne morale dont le capital est constitué à plus de 30% de fonds étrangers. Il est proposé, en cas de violation de cette norme, si les fonds ne sont pas retournés à leur donateur ou en cas d'impossibilité versés au budget fédéral, de pouvoir liquider le parti politique.

Si la seconde proposition visant à la liquidation d'un parti violant la loi sur le financement, vu la réalité géopolitique et les impllications réelles que cela peut avoir sur la vie politique du pays ne pose pas de problèmes théoriques particuliers, le premier point est plus délicat.

Il est incontestable que les opposants-professionnels russes ne participent pas aux élections pour les remporter, mais pour faire monter leurs enchères personnelles. Ils ne participent pas aux élections dans le but d'améliorer la vie quotidienne des citoyens, de tenter de régler les problèmes économiques et sociaux, mais pour déstabiliser la situation sans proposition concrète. L'exemple de Sobol aux dernières élections, qui a « fêté » odieusement l'organisation « réussie » cet été de manifestations illégales, ayant eu le plus grand soutien de certaines ambassades, qui diffusaient sur leur site le trajet prévu, est un excellent exemple. Idem pour Ksénia Sobchak, candidate aux dernières présidentielles (on monte le niveau, car le papa, alors maire de Saint-Petersbourg était un ami intime de Poutine à l'époque), qui après une campagne bobo, est retournée au showbiz.

Il est indéniable que la Russie a besoin d'une véritable opposition, qui puisse proposer un projet de société alternatif et réaliste. Le plus gros problème de Russie Unie est l'absence de concurrence objective. Et c'est un problème pour tout le pays.

Mais, en dehors des cas absolument évidents, dans lesquels ces opposants-professionnels font leur tournée internationale de dénigrement, il va être juridiquement très difficile de trouver la juste frontière entre la critique (qui en soi dérange toujours, c'est humain) et les « commandes politiques ». La tentation de brouiller les frontières (c'est aussi humain) sera grande. Et dans ce cas, la norme deviendra contreproductive.

En tout cas c'est une initiative intéressante, qui va évidemment encore être travaillée et peaufinée, et qui s'inscrit parfaitement dans ce mouvement d'assainissement du fonctionnement des institutions.

PS : Russie Unie vient de retirer son  projet de loi. Si les députés estiment toujours que le financement étranger des partis politiques est inacceptable, le projet en lui-même nécessite d'être retravaillé plus scrupuleusement.

À suivre...

source :  russiepolitics.blogspot.com

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