25/01/2020 reseauinternational.net  5min #167994

 Les oligarques se rassemblent à Davos

Billet de fin de semaine : Ukraine, le nouveau Raj atlantiste

Par Karine Bechet-Golovko

L'Ukraine post-Maïdan se dirige lentement, mais sûrement, sur la voie du néocolonialisme. L'on se souvient des intérêts de la famille Biden pour les ressources énergétiques ukrainiennes. Ne s'arrêtant pas en si bonne voie, elle propose à l'Allemagne ses chemins de fer en concession pour 10 ans. Le nouveau Raj atlantiste est prêt, le fantasme démocratique global montre son véritable visage. Mais l'état de délabrement de l'Ukraine est tel, que l'Allemagne reste sur ses gardes.

Comme l'a déclaré à Davos le Premier ministre ukrainien, Alexei  Gontcharuk, l'Ukraine a décidé de donner en concession pour 10 ans ses chemins de fer à l'Allemagne. La décision politique est déjà prise, reste à discuter des détails. Selon lui, de cette manière l'Ukraine attend un développement de ses chemins de fer et démontre la volonté sans précédent du pays d'attirer des investissements étrangers.

Manifestement, cette nouvelle « élite » ukrainienne ne fait pas la différence entre investissement et tutelle.

Comme il est bien connu, les idiots utiles ont le double avantage... d'être idiots... et d'être utiles. Ces qualités sont harmonieusement réunies en la personne de Gontcharuk. Mais rendons à César ce qui est à César, le pouvoir ukrainien, malgré des changements de visage, partage dans l'ensemble lui aussi ces qualités.

 L'Allemagne de son côté, vu l'état de détérioration du système ukrainien, trouve le cadeau légèrement empoisonné et n'a pas l'intention de rénover les chemins de fer ukrainiens à ses frais, la rentabilité étant douteuse. Elle préfère rester sur le plan de la consultation... pour l'instant. C'est terrible pour un pays, l'Ukraine, de se prostituer ainsi, de le faire avec tant de conviction et d'entrain, pour voir finalement son client passer poliment et fermement son chemin. L'Ukraine qui n'a manifestement toujours pas compris pourquoi elle a été prise en main. Personne en Occident ne pense en faire un pays prospère.

L'Ukraine, qui est déjà passée sous gouvernance à distance depuis le Maïdan, continue sur la voie logique qu'elle s'est choisie, celle des pays colonisés. Elle revendique même cette voie. L'Inde a connu le Raj britannique, avec transfert des possession et administration directe du territoire. L'Iran, qui a cumulé dans son histoire les différentes ingérences britannique, soviétique, européenne, tombe après la Seconde Guerre mondiale dans les bras américains et les contrats de concession pétrolière s'enchaînent sur toute la période. Et avec l'instauration du dernier Chah, les Etats-Unis sont également à la source des réformes institutionnelles et économiques du pays. Mais ces pays avaient des ressources à offrir, il ne reste plus grand-chose en Ukraine.

Un néocolonialisme se met en place en Ukraine, sans administration directe du pays (qui coûte trop cher), remplacée par un contrôle politique. Et une présence militaire, sous forme d'assistance, formation, etc., présence légitimée par le conflit dans le Donbass, qui ne peut donc à aucun prix finir aujourd'hui. Les structures internationales prennent le relai en fonction de leur domaine de compétence (finance, école, santé,...), surveillent et téléguident par l'intermédiaire de recommandations in fine obligatoires et d'experts, dont l'avis ne se discute pas. Le pays a ainsi été suffisamment affaibli institutionnellement et vidé politiquement pour ne plus avoir l'énergie de la résistance. Comme dans les exemples donnés, les réformes adoptées en Ukraine sont pour l'essentiel issues de l'extérieur et la dégradation du niveau de vie montre qu'elles ne sont pas adaptées au pays. Au siècle dernier, un certain professionnalisme existait encore, qui est largement absent aujourd'hui en la matière. Nous sommes passés, en quelque sorte, du colonialisme « artisanal » à sa version industrielle, les transformations étatiques qu'il induit ont suivi le même chemin. Et le premier résultat est l'épuisement rapide des ressources économiques du pays ainsi colonisé.

Le combat pour les ressources est éternel. Les révolutions sont faites et financées au nom de la démocratie. Ensuite, la nouvelle élite du pays « démocratisé » n'est plus en mesure de payer ses dettes, donc ses instigateurs se paient en nature (ce qui était le but premier). Ce qui continue à affaiblir le pays et ainsi à garantir l'ingérence. Jusqu'à ce que la population n'ait plus rien à perdre. Des forces nationales alors émergent et une nouvelle révolution entraîne un changement de pouvoir. La boucle est bouclée, mais le pays en sort rarement fortifié, car il passe d'un extrême à l'autre, d'une secousse à l'autre.

L'Ukraine est en train de boucler la boucle, le pouvoir en place n'a plus grand-chose à dépecer, même en parlant d'investissement étranger, pour que les puissances étrangères, qui ont investi, elles, dans la révolution, puissent encore trouver de quoi se mettre sous la dent. Reste le conflit dans le Donbass et son intérêt géopolitique.

Ironie du sort, ce choeur bien-pensant qui, en Occident, soutient à pleins poumons le Maïdan et ses « héros » au nom de la liberté des peuples ne sont finalement que les défenseurs du néocolonialisme atlantiste.

PS : Un monde global peut-il fonctionner autrement que par cercles coloniaux dont l'intensité augmente avec l'éloignement du centre si, par définition, il ne prévoit qu'un centre politique décisionnel possible ?

source: russiepolitics.blogspot.com

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