Par Bill Van Auken
21 mars 2020
Le directeur de l'Organisation mondiale de la santé, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, a prononcé un discours jeudi. Il a annoncé que le nombre d'infections à coronavirus confirmées dans le monde était passé à 200.000. Il a déclaré que «la seule façon de vaincre cette pandémie, comme nous l'avons toujours dit, est la solidarité. La solidarité, la solidarité, la solidarité... Nous sommes une seule race humaine, et cela suffit en fait. C'est un ennemi invisible contre l'humanité.»
La solidarité de l'humanité à travers la planète n'est pas seulement un idéal noble, mais une nécessité de vie et de mort dans la lutte contre un virus mortel. Le virus menace d'infecter des centaines de millions de personnes alors qu'il se propage aux quatre coins du globe. Cet idéal s'oppose toutefois à la réalité d'une société capitaliste mondiale déchirée par des niveaux d'inégalité sociale sans précédent et caractérisée par la poursuite d'intérêts géostratégiques par le biais d'une violence meurtrière.
À côté de «l'ennemi invisible de l'humanité», le coronavirus, se trouve un autre ennemi bien visible, l'impérialisme mondial.
Cela n'est nulle part plus évident que dans les conditions de plus en plus désespérées auxquelles sont confrontés l'Iran et sa population de près de 83 millions d'habitants. Le pays a le troisième nombre de morts après l'Italie et la Chine, et nulle part ailleurs le taux de mortalité n'est aussi élevé, car le nombre d'infections continue d'augmenter fortement chaque jour.
Des médecins traitent un patient infecté par le nouveau coronavirus, dans un hôpital de Téhéran, en Iran. (AP Photo/Mohammad Ghadamali)
Le porte-parole du ministère iranien de la Santé, Kianush Jahanpur, a annoncé jeudi que 149 personnes étaient mortes au cours des 24 heures précédentes, ce qui porte le nombre de décès dus au virus à 1284. Au cours de la même période, on a signalé 1046 autres cas d'infection, portant le nombre total à 18.407. Ces deux chiffres sont considérés comme une grave sous-estimation des ravages de la maladie.
«Selon nos informations, toutes les 10 minutes, une personne meurt du coronavirus et environ 50 personnes se trouvent infectées par le virus toutes les heures en Iran», a déclaré le porte-parole.
Plutôt que la solidarité humaine, la réponse de Washington à cette crise a été une tentative délibérée de l'intensifier au prix d'innombrables vies de travailleurs iraniens. la Maison Blanche, le Pentagone et la CIA ne considèrent pas la pandémie comme un ennemi à éradiquer dans chaque pays. Ils le considèrent plutôt comme une nouvelle arme de guerre qui doit être intégrée dans ses plans impérialistes.
C'est la conclusion inévitable de l'imposition jeudi par le gouvernement Trump d'une nouvelle série de sanctions économiques punitives contre l'Iran. Elles visent les entreprises basées aux Émirats arabes unis qui sont accusées d'acheter du pétrole à la Compagnie nationale iranienne de pétrole (NIOC). Cette décision suit de deux jours seulement une autre série de sanctions annoncées par le secrétaire d'État de Washington, Mike Pompeo, contre neuf entités distinctes en Chine, à Hong Kong et en Afrique du Sud. On accuse les sociétés inscrites sur la liste noire de s'engagent dans des «transactions importantes» qui impliquent des produits pétrochimiques iraniens.
Présentant la pandémie en des termes ouvertement agressifs et xénophobes, Pompeo a déclaré lors d'une conférence de presse au Département d'État: «Le virus de Wuhan est un tueur et le régime iranien en est complice.»
Juste après, il a affirmé que Washington était prêt à mener des «efforts humanitaires» pour «aider le peuple iranien à rester en bonne santé.»
L'étendue de mensonges et d'hypocrisie est époustouflante, même selon les normes de l'Administration Trump. Les sanctions américaines, qui ont mis sur liste noire la banque centrale du pays, rendent impossible pour Téhéran d'acheter des médicaments de base et des fournitures médicales supposées autorisées par le régime de «pression maximale». Cela a condamné des dizaines de milliers de personnes à des décès précoces et évitables bien avant le déclenchement de la pandémie de coronavirus. Aujourd'hui, selon une estimation d'un médecin iranien, le nombre de décès causés par le COVID19 pourrait atteindre 3,5 millions.
Cette souffrance humaine n'est pas un dommage collatéral du régime de sanctions «à pression maximale» de Washington, mais son objectif même. Par le biais de punitions collectives brutales, de la faim et de la propagation de maladies, l'impérialisme américain cherche à fomenter un changement de régime à Téhéran. Cela dans le but d'éliminer un obstacle régional à son hégémonie sur le Golfe persique, riche en pétrole, tout en préparant à son tour une guerre avec la Chine. La pandémie de coronavirus est considérée comme une arme de plus dans l'arsenal américain.
L'assassinat du général Qassem Suleimani par un drone à l'aéroport international de Bagdad, le 3 janvier dernier, l'a montré clairement. L'impérialisme américain est prêt à mener une guerre d'agression directe pour atteindre ses objectifs. L'ordre qui autorisait l'assassinat illégal de Suleimani n'était pas seul. En même temps, Trump a autorisé le Pentagone à effectuer des raids de bombardement contre des navires, des systèmes de défense aérienne et d'autres cibles iraniennes, ouvrant la voie à un affrontement militaire catastrophique.
Le niveau de désespoir du gouvernement bourgeois-clergie iranien face à la propagation du coronavirus est exprimé dans son appel au Fonds monétaire international (FMI) pour un prêt d'urgence de 5 milliards de dollars. Téhéran n'a pas eu de relations avec le FMI depuis plus de quatre décennies, mais il doit payer les fournitures médicales dont il a urgemment besoin.
Washington détenant le vote décisif au sein du FMI, la demande de prêt sera probablement rejetée. Le FMI a déjà refusé une demande similaire du Venezuela, un autre pays riche en pétrole. Lui aussi faisait face à un resserrement des sanctions de «pression maximale» des État-Unis. Lui aussi avait besoin de fonds parce qu'il faisait face à la propagation du coronavirus. Le conseil d'administration du FMI a cyniquement affirmé qu'il ne pouvait pas débloquer l'argent parce qu'il n'était pas «certain de la reconnaissance» du gouvernement du président Nicolas Maduro. Comme si la marionnette américaine Juan Guaidó, soutenue par sa petite bande de conspirateurs de droite, pouvait organiser des efforts pour contenir et atténuer la maladie, même épaulait par la CIA! Pendant ce temps, les alliés de droite de Washington en Amérique latine ont rejeté toute collaboration avec le Venezuela dans la lutte contre la propagation du coronavirus. Ils avaient toujours l'espoir d'utiliser les innombrables milliers de morts pour renverser le gouvernement en place et imposer un régime fantoche américain.
Les effets de ces politiques criminelles ne se limiteront pas aux pays visés. Le coronavirus s'est déjà propagé depuis l'Iran vers une grande partie du Moyen-Orient et de l'Asie du Sud. Le Pentagone s'est vu contraindre à bloquer les troupes d'occupation en Afghanistan par crainte que leur retour au pays ne propage le virus.
Dans sa déclaration du 17 mars 2020 « Comment lutter contre la pandémie de COVID-19: un programme d'action pour la classe ouvrière», le Comité national du Parti de l'égalité socialiste (États-Unis) a demandé de «mettre fin à toutes les sanctions et aux mesures de guerre commerciale». Il a déclaré: «La réponse de l'Iran, du Venezuela et d'autres pays se trouve paralysée par des sanctions économiques. Ces dernières les empêchent d'acquérir des équipements médicaux de base. On doit stopper les mesures de guerre commerciale mises en œuvre par les États-Unis et les pays européens. Le coronavirus est une maladie mondiale qui nécessite une réponse coordonnée au niveau mondial.»
La pandémie mondiale de coronavirus a montré une fois de plus de la manière la plus claire que les intérêts les plus fondamentaux de la classe ouvrière et la survie même de l'humanité sont incompatibles avec l'impérialisme. La solidarité nécessaire pour vaincre cette maladie et sauver la vie de millions de personnes sur la planète ne peut se forger que par l'unification de la classe ouvrière au-delà des frontières nationales dans une lutte commune pour l'internationalisme socialiste.
(Article paru d'abord en anglais 20 mars 2020)