18/12/2020 reporterre.net  6 min #183095

Face à l'étendue des pollutions, il faut désempoisonner le monde

Le laboratoire d'idées Intérêt général publie ce mois-ci une série de trois notes approfondies sur le thème des pollutions. Ce texte est un résumé de ces trois épisodes disponibles en ligne qui proposent plus de cinquante propositions concrètes pour lutter contre les pollutions.

 Intérêt général est un laboratoire d'idées indépendant, composé de représentants des secteurs public, privé et universitaire, désireux de démontrer qu'une alternative est possible. En réponse à l'imposture libérale et va-t'en-guerre, ils s'engagent en faveur d'une action publique véritablement progressiste et innovante, au seul service de l'intérêt général.


2020 est une année charnière. La masse des objets fabriqués par les humains surpasse désormais celle de  tous les êtres vivants réunis. Si cette tendance se poursuit, la « masse anthropique » pèsera trois fois plus que le poids de tous les êtres vivants en 2040. Le désastre écologique multiforme menace l'avenir du vivant et la survie de l'espèce humaine.

L'empoisonnement du monde est global et systémique. Il est abîmé par les pollutions et les injustices qui y sont associées. L'air, l'eau, les sols sont affectés par des particules fines, pesticides, détergents et autres produits chimiques, plastiques ou encore déchets en tous genres. Ces pollutions n'épargnent personne et leurs conséquences se mesurent aussi très localement. Mais elles ne frappent pas de manière égale.

Les pauvres polluent moins, mais subissent plus

Plastiques, chimie, déchets, etc. la pollution qui résulte des biens et services consommés est fortement corrélée aux revenus et au patrimoine : les plus riches en sont davantage responsables. Et les plus pauvres, qui polluent moins, en  subissent plus les conséquences néfastes. L'injustice se matérialise spatialement et professionnellement comme le montre la première partie de nos travaux :  l'épisode I - Le désastre écologie et sanitaire.. Les plus pauvres subissent davantage la présence d'industries polluantes et d'équipements toxiques à proximité de leurs domiciles, ainsi que les risques associés, notamment pour leur santé. L'injustice est mondiale car les pollutions et les déchets des pays les plus riches sont délocalisés dans les pays pauvres. Certaines régions sont sacrifiées à des pollutions pérennes, les départements d'outre-mer en premier lieu.

Il faut s'intéresser aux racines du désastre et en décrypter les rouages pour l'affronter de manière efficace. Le modèle actuel de production et de consommation en est la cause systémique. Il repose sur la publicité et l'obsolescence programmée des produits. Conséquence directe d'un capitalisme industriel puis financiarisé, il fait primer la liberté d'entreprendre sur la protection de la nature et de notre santé (voir la seconde partie de nos travaux :  l'épisode II - Les rouages d'un système mortifère). Tout est mis en œuvre pour le sanctuariser et protéger les grands pollueurs, à l'échelle nationale comme internationale. Les normes sociales et environnementales sont dérégulées. Les moyens d'action et de contrôle de la puissance publique sont affaiblis au nom d'une "liberté d'entreprendre" dont le périmètre n'est jamais discuté. Un lobbying intense est mené contre les défenseurs de l'environnement, tandis que les secteurs polluants sont perfusés d'aides publiques sans contrepartie exigée en retour. L'approche libérale de l'environnement repose sur deux piliers qui visent à tout changer pour que rien ne change : la croyance dans la régulation par la main invisible du marché et la fable de l'écologie "souriante" des petits gestes.

Désempoisonner nos vies et protéger le vivant

Pour organiser la dépollution, des mesures radicales et urgentes s'imposent. À commencer par la définition d'un principe supérieur : la « règle du vivant ». Cette appellation s'inspire de la « règle verte » issue de l'écosocialisme, qui propose de ne pas prélever sur la nature plus de ressources renouvelables que ce qu'elle peut reconstituer, ni de produire plus que ce qu'elle peut supporter. Dans cette continuité, la règle du vivant affirme que le sort de l'humanité et de sa santé est indissociable de celui de l'ensemble du monde vivant. Penser les pollutions de façon systémique permet ainsi d'envisager des solutions globales. À partir de ces constats, nos travaux au sein d'Intérêt général tracent les contours concrets d'une bifurcation écologique radicale indispensable. Des propositions concrètes rassemblées en dix principes constituent un ensemble articulé et cohérent qui entend organiser la dépollution et protéger le vivant de nouvelles pollutions (voir  l'épisode III - Dix principes pour désempoisonner le monde).

Les niveaux d'actions sont multiples : international, national et local, économique, juridique et constitutionnel, mais aussi fiscal et individuel. Il s'agit d'abord de soumettre certains intérêts privés à l'intérêt général écologique, contre la criminalité environnementale systémique. Pour cela, renforcer le droit en faveur d'une géopolitique dépolluante et d'un protectionnisme écologique est nécessaire. L'établissement d'un  crime d'écocide, proposé par la  Convention citoyenne pour le climat et dévoyé par le gouvernement, en constitue un prérequis. Les moyens de contrôle et de sanctions doivent être démultipliés et rendus effectifs, les victimes et les lanceur·se·s d'alertes secouru·e·s.

Semaine de quatre jours et désintoxication de la consommation

Il est urgent d'en finir avec le tout-jetable, en commençant par interdire immédiatement les plastiques à usage unique. La puissance publique souveraine est la seule à même de planifier l'émergence d'un nouvel âge industriel non-polluant et d'enclencher un « new deal » de la dépollution. Les aides publiques doivent appuyer les secteurs engagés dans la bifurcation écologique, en accompagnant les entreprises polluantes dans leur transformation.

Enfin, si les principaux leviers d'action sont structurels, nous ne pouvons faire l'économie de pratiques plus vertueuses à l'échelle individuelle. Il convient de créer collectivement les conditions d'un cheminement personnel vers la bifurcation écologique, en donnant à chacun·e le temps, les moyens et l'envie d'y parvenir. Pour cela, il est indispensable de se désintoxiquer de la société de consommation en diminuant drastiquement la place de la publicité. Il faut aussi ralentir nos rythmes de vie et de consommation, par la mise en place de la semaine de quatre jours, afin de bâtir la société du temps libéré et des communs. Lutter contre les pollutions, c'est aussi dépolluer les imaginaires et en créer de nouveaux.

Après des décennies d'un système indifférent aux conséquences écologiques et sanitaires qu'il engendre, le temps de la dépollution est venu.


Source : courriel à Reporterre

Photo : Alfred T. Palmer,  Domaine public.

- Dans les tribunes, les auteurs expriment un point de vue propre, qui n'est pas nécessairement celui de la rédaction.
- Titre, chapô et intertitres sont de la rédaction.

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