16/02/2021 tlaxcala-int.org  9 min #185691

Uranium : Orano obtient deux permis d'exploration minière au Groenland

L'exploitation minière croissante est destructrice pour l'environnement du Kalaallit Nunaat (Groenland)

Various Authors - Autores varios - Auteurs divers- AAVV-d.a.

De nouveaux projets miniers massifs sont en cours au Groenland, ce qui entraînera, entre autres, plus de pollution dans les rivières et détruira potentiellement les zones agricoles protégées, écrivent des défenseurs de l'environnement kalaallit (Inuits groenlandais) et danois.

Une tribune de :

• Erik Jensen, président, Urani Naamik (Uranium non merci) à Nuuk et président du Siumut (Parti social-démocrate)
• Palle Bendsen, activiste, Groupe uranium du mouvement écologiste Noah/Amis de la Terre Danemark
• Niels Henrik Hooge, activiste, Groupe uranium du mouvement écologiste Noah/ Amis de la Terre Danemark
• Mariane Paviasen, présidente, Urani Naamik (Uranium non merci) à Narsaq
• Hans Pedersen, rédacteur en chef, VedvarendeEnergi (Énergie durable)
• Piitannguaq Tittussen, fondateur, Nuup Kangerluata Ikinngutai (Amis du Fjord de Nuuk)

À la mi-août, les autorités groenlandaises ont approuvé le grand projet minier de Killavaat Alannguat (en danois: Kringlerne). Avec cette approbation, ce à quoi on peut s'attendre, c'est qu'avec ce premier d'une longue série de grands projets d'exploitation de minerais, un processus a été enclenché qui pourrait détruire de grandes parties de l'environnement groenlandais et qui risque de ne pas pouvoir faire marche arrière. Le fait que certaines parties du Groenland soient en passe de devenir une zone de catastrophe écologique n'est pas surprenant, car tout le pays est ouvert à l'extraction de pétrole et de gaz et à l'exploitation minière à grande échelle. L'ampleur du problème est peut-être mieux illustrée par la comparaison suivante : Donald Trump est généralement perçu comme le président le plus hostile à l'environnement de l'histoire usaméricaine. Au cours de son mandat, la protection contre l'extraction pétrolière, gazière et minière d'environ 140 000 kilomètres carrés de terres publiques, dont les parcs naturels, a été levée. Cela équivaut à une superficie légèrement plus petite que la Floride. Dans le cas du Groenland, une superficie de 2 166 086 kilomètres carrés - plus de quinze fois plus grande - n'est pas protégée, zones maritimes non comprises.

D'énormes réserves groenlandaises

La raison en est que le Groenland possède certaines des plus grandes réserves de pétrole et de gaz non découvertes du monde, ainsi que de grandes quantités de minéraux. Dans la stratégie décennale actuelle de la Communauté du Royaume* pour l'Arctique, qui sera renouvelée au début de 2021, on estime que 31 milliards de barils de pétrole et de gaz se trouvent au nord-est du Groenland et 17 milliards de barils de pétrole et de gaz dans les zones situées entre le Groenland et le Canada. On peut se rendre compte de l'importance du volume de pétrole et de gaz en cause n comparant les ressources du Groenland avec les réserves de pétrole et de gaz danoises restantes en mer du Nord, qui, selon beaucoup, ne devraient pas être utilisées. Cela représente environ 11 millions de barils de pétrole et 3,5 milliards de barils de gaz.

Intérêt accru pour l'exploitation minière

Ces derniers temps, les demandes de licences minières au Groenland ont considérablement augmenté. En 2019, il y avait environ 70 permis d'exploration et d'exploitation majeurs, totalisant plusieurs milliers de kilomètres carrés. La moitié se trouve dans la partie la plus méridionale du Groenland, connue sous le nom de «corbeille à pain du Groenland», car elle comprend la quasi-totalité des terres agricoles du Groenland. Deux grands projets miniers se distinguent ici : le projet minier controversé d'uranium / terres rares à Kuannersuit (Kvanefjeld), qui contient le deuxième plus grand gisement d'uranium au monde et de loin la plus grande quantité de thorium. Ainsi que le projet minier de terres rares à Killavaat Alannguat, dont le propriétaire, la société australienne Tanbreez Mining Greenland A/S, dit qu'il s'agit du plus grand gisement de terres rares au monde. Les autorités groenlandaises ont estimé que Killavaat Alannguat contenait plus de 4,3 milliards de tonnes de minerai. Les deux sont des mines à ciel ouvert de haute altitude.

Projets impopulaires

Les deux projets miniers sont en cours depuis près de dix ans et beaucoup de gens ont estimé qu'ils ne déboucheraient sur rien. Les deux ont des conséquences très négatives pour l'environnement vulnérable de l'Arctique s'ils se réalisent. Bien qu'il n'y ait pas de sondages d'opinion, l'opinion générale est que le projet de la mine Kuannersuit a longtemps rencontre l'opposition de la majorité de la population. Et le projet Killavaat Alannguat est très mal documenté. Le processus de consultation sur la durabilité environnementale et sociale du projet, qui est une condition préalable à son approbation, a été interrompu début 2014, après quoi le projet s'est arrêté.

Permission surprenante

À la mi-août, cependant, le ministre du Commerce et des Ressources minérales a annoncé que Tanbreez avait obtenu l'autorisation d'extraire des minéraux à Killavaat Alannguat. La nouvelle a fait sensation, notamment lorsqu'il est apparu que le calendrier du projet avait été convenu lors d'une conférence d'investisseurs à Toronto, au Canada, début mars. Étaient présents des représentants de Tanbreez, d'un investisseur usaméricain, du Département des Minéraux, le Ministre des Minéraux en personne et de la Municipalité de Kujalleq, qui abrite le projet minier. D'après les notes du chef du département, auxquelles nous avons eu accès, il semble que les représentants de Tanbreez ont indiqué que, pour des raisons financières, ils avaient besoin d'un permis d'exploitation pour poursuivre le projet.

Par la suite, des questions cruciales ont été posées dans le Landsting (parlement) groenlandais, à Inatsisartut, et les pêcheurs de la région ont protesté. À ce moment-là, Tanbreez avait reçu au moins un rejet de sa demande d'extraction. Par conséquent, il est d'autant plus surprenant que le permis d'exploitation repose sur un matériel de consultation vieux de sept ans, qui dans presque toutes les réponses à la consultation est décrit comme très déficient. Le point de vue est partagé, par exemple, par Kanukoka - l'Association groenlandaise des autorités locales, Kommuneqarfik Sermersooq - la municipalité voisine de la municipalité de Kujalleq - et DTU Wind Energy (Institut public danois de recherche sur l'énergie éolienne, le plus grand du monde). L

Les lignes directrices ont été ignorées

Étant donné que Killavaat Alannguat est le premier grand projet minier au Groenland à être approuvé par les autorités, il peut être pertinent d'examiner comment la procédure d'approbation a eu lieu et quelles en seront les conséquences pour la pratique administrative qui s'appliquera au large éventail de demandes d'autorisations à venir. Sans entrer dans les détails, il semble évident que les lignes directrices de l'Autorité des ressources minérales pour la préparation des rapports de VVM (Évaluation des effets sur l'environnement) n'ont pas été respectées. Et surtout, il est à noter qu'une fois le processus de consultation terminé, un rapport VVM mis à jour a été rédigé, qui n'a pas été publié. Selon les réponses à la consultation, il existe également une incertitude quant à la taille de la production minérale annuelle et à la durée de vie réelle de la mine. Le rapport VVM de 2013 décrit un cycle d'exploitation de seulement dix ans - cinq ans pour chacune des deux mines à ciel ouvert - alors que le permis d'exploitation dure 30 ans.

Autorisation accordée sans plan

La description des gisements minéraux n'est pas non plus exhaustive. Par exemple, de l'uranium se trouve dans la zone d'autorisation, mais il n'est pas mentionné dans les documents de consultation. En outre, le permis d'exploitation a été accordé sans un plan d'exploitation et de démantèlement approuvé, ce qui est autrement exigé par la loi sur les ressources minérales. Tanbreez a reçu une date limite pour fin 2022 pour l'approbation des plans.

Selon toute vraisemblance, la raison en est que les autorités veulent faire pression sur la société minière pour qu'elle construise une usine de séparation chimique afin d'augmenter les recettes fiscales du projet, quel que soit le coût pour l'environnement. Dans ce cas, l'usine de séparation aura une consommation de jusqu'à 2 000 tonnes d'acide sulfurique par jour.

Une pollution massive en vue

Même sans usine chimique, cependant, les conséquences environnementales du projet minier seront graves : selon presque toutes les réponses à la consultation, l'eau contaminée par le plomb et d'autres métaux lourds se répandra dans les rivières et les fjords à partir du lieu de stockage prévu pour les résidus et le gravier.

La dispersion des poussières et des particules provenant des activités minières est largement sous-estimée dans le matériel de consultation, et les villes voisines de Narsaq et Qaqortoq seront polluées par des poussières qui, en plus du plomb, contiendront de l'uranium, du thorium, du zinc, de l'arsenic et d'autres substances toxiques.

Selon la municipalité de Sermersooq, l'exploitation minière endommagera également l'agriculture dans la région. Ceci est d'une importance particulière car Killavaat Alannguat est proche de la Kujataa, un site du patrimoine mondial de l'UNESCO, qui est un paysage agricole historique.

Toutefois, aucune étude d'impact n'a été réalisée sur l'impact du projet minier sur le site du patrimoine mondial, ni soumise à l'Unesco pour évaluation conformément aux lignes directrices pour la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial.

Un précédent malheureux

Au vu de ce qui précède, il faut se demander si la décision d'octroyer un permis d'exploitation sur une base aussi inadéquate pour le premier des grands projets d'exploitation minière abaisse les normes environnementales au point qu'il devient difficile d'imaginer que des projets dans le futur seront rejetés en raison de conséquences négatives pour l'environnement. Cela pourrait être important, même à court terme : le grand projet minier de Kuannersuit devrait être soumis à consultation à l'automne, puis un grand nombre de projets miniers pourraient suivre. Certains d'entre eux sont déjà connus : l'un d'entre eux peut être le projet Thunderstone de l'entreprise britannique Bluejay Mining, l'autre est celui de la société minière publique française ORANO (ex-Areva). Ce dernier, cependant, n'a pas été formellement confirmé**. Les deux zones de permis contiennent de grands gisements d'uranium.

NdT

*La Communauté du Royaume ou Unité du Royaume, en danois Rigsfællesskabet, en féroïen Ríkisfelagsskapurin, en groenlandais Naalagaaffeqatigiit, est le nom de l'entité politique rassemblant les trois pays constitutifs du Royaume du Danemark : le Danemark proprement dit, les Îles Féroé et le Groenland.

**Entretemps ORANO a  reçu à la mi-janvier deux permis d'exploration minière

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  altinget.dk
Publication date of original article: 07/09/2020

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