13/04/2022 mondialisation.ca  6 min #206093

Présidentielle 2022: le choix des Français

Macron et Le Pen sur le terrain à la recherche des voix à gauche

Par  Pierre Duval

Depuis les résultats du premier tour pour la présidentielle 2022, Emmanuel Macron et Marine Le Pen sont sur le terrain à la recherche des voix à gauche. Les deux finalistes du premier tour sont engagés dans une rude bataille pour le scrutin particulièrement indécis du 24 avril prochain.

Ce combat se mène, actuellement, en allant à la rencontre des Français pour les écouter, mais aussi pour se montrer avec le peuple et pour promettre aux électeurs potentiels des ajustements allant dans le sens de leurs demandes. La volonté de l'actuel président-candidat sur l'âge du départ à la retraite à 65 ans a glacé l'électorat sur place. La montée de la pauvreté fait que les deux candidats se trouvent devant un challenge, celui de se montrer au plus près des salariés, des ouvriers, des travailleurs, un exercice certainement plus compliqué pour l'ancien banquier d'affaires de la banque Rothschild.

«Vous n'êtes pas le président du peuple». Le président sortant et candidat centriste, arrivé en tête dimanche avec 27,85% des voix, plus de quatre points devant la candidate du Rassemblement national (23,15%), s'est rendu dans le nord, où sa rivale d'extrême droite a un ancrage fort. Il a, lors d'un bain de foule, été interpellé sur son projet controversé de reporter à 65 ans l'âge de la retraite. «J'ai voté pour vous mais je le regrette, vous n'aimez pas beaucoup les retraités», lui a lancé une femme.

Sur sa visite dans le Nord, Libération  titre: «C'est honteux de débarquer dans une ville aussi pauvre pour faire le show». «Dans la ville populaire de Denain, les habitants, furieux et inquiets, l'ont interpellé sur la réforme des retraites et sur la vie chère», rapporte le quotidien français. Libération relate l'apostrophe d'une jeune femme venue avec sa mère pour causer à Emmanuel Macron: «Vous n'êtes pas le président du peuple, la colère qu'il y a dans la rue depuis trois ans, on n'a jamais vu». Il s'ensuit tout un déballage sur la gestion de la crise sanitaire, les gilets jaunes pas écoutés, «les taxes, les taxes, les taxes» et sur le prix de l'essence à la pompe. «Quand on fait les courses, il ne reste rien!», est envoyé en direction du président-candidat qui se tient bien droit dans son costume en col blanc.

La jeune femme, qui s'exprime, symbolise le petit peuple de France qui ne vit plus depuis des années dans ce pays qui est pourtant riche. Libération indique que «dans quinze jours, elle ne votera pas pour lui». «C'est certain», clame-t-elle, mais rajoute: «Glisser un bulletin Le Pen, c'est compliqué». Cette femme représente la réalité du terrain chez la majorité des Français issus du peuple. Ils n'en peuvent plus, mais l'image de Marine Le Pen en raison de son passé provoque encore un blocage. Les Français de ce groupe social réfléchissent. Ils pèsent leur pour et le contre. Les cinq dernières années d'Emmanuel Macron n'ont pas donné à ces Français la possibilité de s'en sortir. La gestion de la crise sanitaire avec les diverses menaces et certaines insultes envers eux risquent de faire basculer cet électorat encore incertain dans le camp du RN.

Dans un entretien accordé au Parisien en janvier, Emmanuel Macron avait déclaré: «Les non-vaccinés, j'ai très envie de les emmerder». Cette phrase ressort aussi dans les rencontres entre Français ou sur les réseaux sociaux. Emmanuel Macron a beau affirmer qu'il l'avait dit «de manière, entre guillemets, affectueuse», la mayonnaise ne prend pas car ses paroles sont trop acides. Lors de sa première rencontre de terrain dans cette «ville pauvre», une femme lui a l  ancé au visage: «Vous avez dit « emmerder les non-vaccinés », qu'on était des sous-citoyens, on s'en est quand même pris plein la gueule».

Le petit peuple de France ne croit plus aux belles paroles de l'actuel président français. Un ras-le-bol général se fait sentir sur le terrain. Même si, plus tard dans la journée, le président-candidat s'est dit prêt à «ouvrir la porte» à un report de l'âge de départ à 64 ans, plutôt qu'à 65 ans comme cela figure dans son programme, «s'il y a trop de tensions» et que cela peut «bâtir un consensus», le vote populaire ne semble pas lui être acquis. De 65 ans à 64 ans la différence est maigre et ressemble à une moquerie, voire à du mépris de comptable.

Marine Le Pen ne tient pas non plus céder un pouce de terrain. Elle a annoncé un déplacement surpris dans l'Yonne (centre) lundi avec comme thématique le pouvoir d'achat et inflation, et les conséquences sur les agriculteurs. Faisant passer au second plan ses thèmes de prédilection qui sont la lutte contre l'immigration et la priorité nationale, elle axe toute sa campagne sur le pouvoir d'achat. Du temps du FN, les électeurs de ce parti étaient surtout des Français issus du peuple et des travailleurs. L'électorat populaire se retrouve, donc, dans ses arguments politiques et ils sont le terreau qui devraient permettre à Marine Le Pen de gagner des voix sur Emmanuel Macron qui n' a pas réussi à quitter son costume de banquier d'affaires. Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont absolument besoin d'élargir leur base électorale du premier tour, en particulier à gauche. Les deux camps ont utilisé la même formule de «tendre la main», en particulier aux électeurs de Jean-Luc Mélenchon.

France Info a  laissé parler des électeurs de la France insoumise (LFI) ce mardi matin. Stéphane, un jeune électeur de LFI déclare: «Je ne comprends pas comment aujourd'hui les gens ont pu encore voter Macron après cinq ans de bordel? Je n'arrive pas à comprendre». France Info, révèle que «les électeurs LFI sont partagés pour la suite, entre vote blanc, abstention ou Marine le Pen au second tour, le 24 avril». Les électeurs issus du peuple sont, donc, tentés par voter Marine Le Pen. Stéphane affirme au micro de la radio française qu' il votera Rassemblement national «car voter Macron relève de l'impossible» pour ce trentenaire. «Je ne peux pas voter pour un mec qui nous a fait autant de merde pendant cinq ans, je ne peux pas, insiste-t-il. Je me suis battu contre lui pendant cinq piges, je suis allé dans les manifestations, j'allais partout contre lui. Donc, je ne peux pas voter pour lui et je ne veux pas suivre les recommandations de Jean-Luc Mélenchon», a-t-il lancé. Ce Stéphane semble représenter la position de la majorité des électeurs qui sont issus du petit peuple de France.

Marine Le Pen représente plus l'espoir d'un peuple déçu. Ces Français doivent passer la barrière psychologique du vote RN. L'envie de tenter une personnalité politique, jamais vue à la tête de la France tout en ayant été si diabolisée, donne justement envie de passer à l'acte pour, cette fois, voir si cela sera mieux.

«Je préfère essayer quelque chose d'autre, que rester encore cinq ans de plus avec Emmanuel Macron et me dire que j'ai voté pour lui encore une nouvelle fois, je ne pourrais pas», a d'ailleurs déclaré Stéphane au micro de France Info.

Pierre Duval

La source originale de cet article est  Observateur continental

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