Auteur(s): Xavier Azalbert, directeur de la publication de FranceSoir
EDITO - « Élire Marine, n'est-ce pas détruire le Pen ? Ne serait-ce donc pas se débarrasser à la fois et de Marine le Pen et d'Emmanuel Macron en mettant inéluctablement un terme, à courte ou moyenne échéance, au système actuel des partis politiques ? »
Ce commentaire est la conclusion du message que m'a adressé un internaute qui appelle à voter Marine le Pen « pour faire barrage à l'extrême droite » ! Ayant échangé avec lui, je me permets de développer son propos.
Comme « les promesses politiques n'engagent que ceux qui y croient » (Jacques Chirac), il est difficile d'avoir plus confiance en Marine le Pen, restée « au stade des promesses », qu'en Emmanuel Macron, qui a uniquement respecté celle de baisser les impôts... de ceux qui ont financé sa campagne de 2017.
Non pas par truchement d'un positionnement partisan mais au regard du pragmatisme journalistique, j'arrive, néanmoins, aux mêmes conclusions que cet internaute : 1) élire Marine, c'est détruire Le Pen 2) il s'agit effectivement du meilleur sinon de l'unique moyen de mettre un terme au système actuel des partis politiques.
Je m'explique.
Si elle est élue présidente, Marine le Pen ne pourra pas gouverner (voir à ce sujet « Troisième tour »). Quel que soit le mode de scrutin pour les législatives qui suivront la présidentielle (scrutin uninominal à deux tours ou scrutin à la proportionnelle), il est difficilement envisageable que son parti et ses alliés idéologiques obtiennent la majorité absolue à l'Assemblée nationale, requise pour imposer ses idées.
Les macronistes, le centre, la gauche, la droite dite « républicaine », et l'extrême gauche feront blocage.
Et surtout, sur le modèle de Jacques Chirac et de Lionel Jospin de 1998 à 2002, Marine Le Pen devra elle aussi composer avec un Premier ministre d'opposition à son pouvoir présidentiel.
Par ailleurs, aucune des formations politiques sur l'échiquier du moment ne pourra non plus obtenir la majorité absolue à l'Assemblée nationale, que ce soit par elle-même ou par une association autorisée selon les règles du politiquement correct en vigueur.
En outre, il est probable que LREM n'existera plus si Emmanuel Macron est battu. Idem pour le PS et LR, auxquels Anne Hidalgo et Valérie Pécresse ont respectivement asséné le coup de grâce.
L'extrême gauche, elle, a une nouvelle fois confirmé son absence chronique de poids politique tandis que le centre est réduit à un Jean Lassalle qui n'a obtenu que 3,2% des suffrages. Quant à la France insoumise, elle compte au moins autant d'ennemis à gauche, qu'au centre et au sein de la droite dite « républicaine ».
En conséquence, le Premier ministre que Marine Le Pen sera contrainte de nommer si elle est élue Présidente, devra proposer un gouvernement d'une ouverture extrêmement large, peut-être même ouvert à des députés dits « citoyens », j'entends par là non liés aux formations politiques actuelles.
C'est à ces candidats issus de ce qu'il y aurait lieu d'appeler « le peuple souverain » de profiter de cette opportunité unique de passer outre l'obstacle des partis. Si ces derniers souhaitent que le peuple redevienne véritablement souverain, alors ces candidats doivent œuvrer autant que possible à la victoire de Marine Le Pen.
Car à l'inverse, si Emmanuel Macron est réélu, nous aurons durant le quinquennat à venir exactement ce que nous avons eu lors du précédent :
1) LREM aura la majorité absolue à l'Assemblée nationale. Emmanuel Macron pourra DONC poursuivre une action rejetée par 71,5% des Français lors du premier tour;
2) Marine le Pen, Jean-Luc Mélenchon et compagnie continueront leur opposition de façade ;
3) et le système des partis politique sur le mode actuel perdura.
Hélas, Henri Verneuil l'a fait dire à Jean Gabin, alias « Émile Beaufort », dans « Le Président », sous la forme d'une tirade qui, force est de le constater, s'est révélée prémonitoire.
Le système des partis consiste aujourd'hui plus que jamais à servir en priorité, non pas l'intérêt public, mais les intérêts privés de quelques privilégiés : les grandes fortunes. Le petit 1% seulement des Français qui, par cette entremise, accaparent 100% des pouvoirs, au détriment des 99% qui triment, les intérêts de ces 1% étant fondamentalement contraires aux besoins pourtant 100% légitimes de ces 99%.
Donc, oui, je l'affirme : reconduire Emmanuel Macron, c'est bel et bien œuvrer pour que perdure cette situation qui est totalement antinomique à la devise de la République : « Gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. »
Et par conséquent, moi qui n'ai eu de cesse de fustiger cette absence de démocratie, il me faut faire mon mea culpa. Pourquoi ? Parce que, de fait, ne pas appeler à voter Marine le Pen, ne revient-il pas à approuver cette situation ?