Giorgio Chremaschi
Giorgio Cremaschi explique comment le Parti démocrate, censé être un parti de gauche en Italie, a fait le jeu de la droite pendant trente ans. Ce qui n'empêche pas le PD de tenter encore une opération de séduction auprès des électeurs italiens, en agitant l'épouvantail des nationalistes. Mais les progressistes ne doivent plus tomber dans le panneau et construire une véritable alternative. (IGA)
Le PD, qui est devenu le « Parti Draghi » plutôt que le « Parti Démocrate » a déjà lancé sa campagne électorale. Elle repose sur un seul argument: votez pour nous ou bien vous aurez Meloni. Comme c'est ennuyeux et inutile !
En effet, quand on voit le désastre des alliances que le PD a lui-même conclues dans son propre camp, voter pour ce parti ne s'avère d'aucune utilité technique pour vaincre la droite. Et c'est avec cette approche que le PD a constamment travaillé à renforcer la droite depuis trente ans.
Le Parti démocrate l'a fait de trois manières. La première consistait à s'allier avec le croque-mitaine du passé par peur du croque-mitaine d'après. C'était avec nous ou Berlusconi allait gagner. Puis avec nous et Berlusconi ou bien Salvini allait gagner. Et maintenant, avec nous, Berlusconi et Salvini ou bien Meloni va gagner.
À se demander qui sera le prochain croque-mitaine quand le PD se sera allié à Meloni. Après tout, le PD et le FDI sont déjà objectivement alliés en ce qui concerne les armes, la guerre et l'OTAN. En bref, le PD passe son temps à légitimer la droite au point de gouverner avec elle.
La seconde manière dont le PD fait gagner la droite, c'est d'adopter ses principaux points de vue et son programme: la guerre, la position centrale de la Confindustria et des entreprises, les réductions des dépenses publiques, les privatisations, les retraites, la précarité de l'emploi, les lois liberticides contre les droits sociaux et les migrants, l'autonomie différenciée ou encore les grands chantiers qui détruisent l'environnement. Depuis trente ans, sur toutes les décisions fondamentales du gouvernement, le PD a fait le choix de la droite libérale, à tel point de se faire parfois dépasser sur sa gauche par la droite officielle.
Enfin, la troisième façon qu'a le PD de laisser gagner la droite, c'est de décourager les électeurs. Depuis trente ans, les dirigeants du Parti démocrate font comprendre que voter ne sert à rien. Parce que les choix en matière de politique internationale, économique et sociale seront de toute façon imposés. L'Europe le veut, l'OTAN le veut, les marchés le veulent, la loyauté euro-atlantique le veut.
Ils ont inventé la définition de « souverainisme », donnant à la droite encore plus de légitimité sur une question qui existe en réalité pour toute démocratie, et pour notre Constitution en particulier: la souveraineté appartient au peuple.
Le PD a mis tellement de « mais » et de « si » en travers de ce principe que finalement, plus de la moitié des électeurs ne vont plus voter. Aujourd'hui, le PD prend des accents populistes en faveur de l'élite de Draghi et se plaint que le Parlement ignore un pays amoureux des banques.
Dommage que les 60% des Italiens opposés à la guerre et les 80% opposés à la loi Fornero sur les retraites ont été ignorés et moqués par le PD.
Le Parti démocrate est l'un des principaux responsables du glissement vers la droite de la politique italienne. Il n'a aucune crédibilité réelle pour s'y opposer, en dehors de la propagande que lui servent les médias mainstream.
Le PD n'est pas une alternative à la droite, car il est lui aussi un parti de droite qui occupe le terrain de la gauche depuis trente ans.
La véritable crise démocratique dans ce pays, c'est l'absence d'une véritable alternative à la droite. Celle que nous devons construire, pendant et après les élections.
Source: Contropiano
Traduit de l'italien par GL pour Investig'Action