Lauriane Bernard, France-Soir
Des caméras de sécurité utilisant la reconnaissance faciale exposées à Pékin
© NICOLAS ASFOURI / AFP/Archives
Le 31 mai, parallèlement au débat sur la réforme des retraites, la proposition de loi autorisant »la reconnaissance biométrique dans l'espace public « a été examinée en Commission des lois. Alors que la reconnaissance faciale avait été écartée du débat parlementaire à l'occasion du vote de » la loi sur les JO « , les Sénateurs viennent d'autoriser une expérimentation du dispositif pour une durée de 3 ans. Le secrétaire général de la CNIL a pourtant mis en garde : »choisir d'expérimenter, c'est choisir de créer « .
Les Sénateurs Marc-Philippe Daubresse (LR) et Arnaud de Belenet (Union Centriste) ont déposé le texte au Sénat le 5 avril dernier. Il a été amendé par la Commission des lois le 31 mai et sera débattu à l'Assemblée nationale le 12 juin prochain.
Un dispositif de reconnaissance faciale hors cadre des Jeux olympiques
Cette proposition de loi porte sur un dispositif de reconnaissance faciale généralisé à l'espace public. Elle n'est pas à confondre avec les dispositions prévues par la loi relative aux Jeux olympiques de 2024. Adoptée définitivement par le Parlement le 19 mai dernier, »la loi sur les JO« permet la vidéosurveillance dite »intelligente « pour couvrir l'évènement sportif, mais exclut le traitement de données biométriques.
Quand on parle de dispositif de reconnaissance faciale à l'aide de vidéosurveillance, il s'agit en réalité de faire appel à un logiciel qui compare des images à une base de données. L'utilisation de la reconnaissance biométrique permet d'identifier une personne à l'aide de l'intelligence artificielle, pas seulement de la filmer.
Lors de la session de Commission des lois du 31 mai, Philippe Bas (LR), le rapporteur désigné sur le texte, a précisé qu'« à l'époque » des débats entourant la loi sur les Jeux olympiques »nous n'avons pas souhaité instaurer un dispositif de reconnaissance faciale« . Mais quelques semaines plus tard, voilà que cette proposition de loi atterrit en toute discrétion sur le bureau de la Commission.
Une expérimentation de 3 ans, attention à l'effet cliquet
Malgré les risques qu'elle peut emporter, Philippe Bas salue les bienfaits que présente la reconnaissance faciale. »Elle permet notamment de prévenir des attentats ou encore de retrouver des criminels« . Le rapporteur du texte promet de mettre en place un cadre législatif strict pour empêcher »le développement d'une société de surveillance à la chinoise « . Il souhaite interdire l'identification à distance sans consentement et assure qu'une intervention humaine sera toujours à l'origine du traitement des données.
Le Sénateur Jérôme Durain (PS) lui rappelle toutefois que très récemment, de telles justifications ont permis certaines dérives : »À Dijon, un système de vidéosurveillance a permis d'envoyer au domicile de chaque « délinquant » une amende pour avoir osé taper sur une casserole« . Son groupe ne soutiendra pas la proposition de loi et met en garde contre »l'effet cliquet« , en évoquant les mots prononcés par le secrétaire général de la CNIL lors de son audition devant la Commission : »choisir d'expérimenter, c'est choisir de créer« .
Sauf intervention du législateur, l'expérimentation de la reconnaissance biométrique ne durerait que 3 ans. Ce qui serait pour le moins étonnant, puisqu'un règlement sur l'intelligence artificielle est dans les cartons de la Commission européenne.
C'est la faute à Bruxelles
»Nous risquions d'être soumis, à l'insu de notre plein gré et sans avoir notre mot à dire, à des législations supranationales« , s'est justifié Marc-Philippe Daubresse (LR), un des auteurs de la proposition de loi. Effectivement, Bruxelles prépare l'adoption d'un règlement à horizon 2023-2024 qui viendrait régir le recours à la reconnaissance faciale sur l'ensemble du territoire européen.
Le règlement européen prévoira-t-il une »clause d'autodestruction« lorsque l'expérimentation française sera arrivée à son terme ? Permettez-nous d'en douter.