25/04/2024 reseauinternational.net  3 min #247424

Couvre-feu et cache-misère

par Rorik Dupuis Valder

Pour endiguer une prétendue recrudescence de la violence chez les jeunes, des élus - qui ne trouvent vraisemblablement rien de mieux à faire que de légiférer autour de la baston de collège et du feu de poubelle - ont osé : ce sera le COUVRE-FEU pour les moins de 13 ans, aber sofort ! Robert Ménard et Christian Estrosi, respectivement maires de Béziers et de Nice, tous deux génies incontestés de la sécurité publique, l'ont décidé : les marmots, à la niche à 23h ! Puisque le politicard ne cesse d'infantiliser l'adulte, avec le succès qu'on connaît, pourquoi se priverait-il d'animaliser l'enfant ?

En plus d'être incroyablement inepte et scandaleusement liberticide, cette mesure n'a aucune espèce de signification politique, sociale ou éducative. Grossière illustration de l'abus de pouvoir post-Covid, qui ne surprend plus personne après le totalitarisme hygiéniste des confinements «sanitaires» et autres «gestes barrières» à la noix (souvenir !), elle témoigne du caractère toujours plus intrusif de l'État dans les foyers, viole l'intimité et insulte l'intelligence des familles en déresponsabilisant misérablement l'individu - l'enfant autant que le parent - par une gestion à la chinoise où l'obéissance est la condition sine qua non de la réussite (ou du moins, de la non-exclusion...).

Voilà encore une mesure digne du petit tyran de bureau, tout à fait contre-productive, à laquelle on pouvait raisonnablement s'attendre de la part d'élus habitués à se soumettre à un électorat de boomers angoissés, pour qui l'autorité se résume à la punition collective, et la tranquillité à l'enfermement des plus remuants. De bien belles perspectives pédagogiques a-t-on là. On fout un pansement sur l'hémorragie, les gravats sous le tapis, et on se barre en se félicitant de son geste salvateur : bravo aux professionnels de la communication qui nous servent d'administrateurs.

Mais qu'apprend-on de l'origine de cette violence, dans un monde où l'on tend précisément à la banaliser ? N'est-elle pas une réponse désespérée au mensonge et à l'abêtissement permanents du média, aux injustices criantes, à la souffrance de peuples qu'on génocide et de travailleurs qu'on méprise, au nom de l'idéologie de minorités agissantes réputées intouchables ?

Qu'apprend-on du besoin de certains jeunes de fuir l'exiguïté des appartements et la toxicité des tensions familiales ? De la démission forcée des parents face à l'emprise des écrans sur leurs gamins ? De la crise du couple et de la communication dans une société virtualisée ? De la frustration des garçons devant le malaise de filles qui se voient toutes en princesses et en starlettes, quand elles n'ont pas opté pour la bigoterie réactionnaire ?

Qu'apprend-on de tout ça, et que fait-on réellement pour y remédier ? Rien. Si, on incarcère les gosses à domicile, en HLM. Mais rassurons-nous, ça n'est que de façon préventive. De 23h à 6h.

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