S. Jouan
L'usine de dessalement d'eau de mer de Palma de Mallorca
Reina / AFP
Marché qui tend à se développer, les européens entrent dans la course après que l'Arabie Saoudite s'est imposée sur le marché. L'Espagne est aujourd'hui le quatrième pays dessaleur mondial, ainsi que le premier européen. L'âpre concurrence sur ce procédé est cependant aujourd'hui lestée par les arguments écologistes qui lui sont défavorables.
Avec près de 22 000 usines de dessalement d'eau dans le monde, le processus est aujourd'hui loin d'être anecdotique. Le directeur du Centre Energie et Climat de l'Ifri, Marc-Antoine Eyl-Mazzega, estime même que ce chiffre viendrait à doubler d'ici une vingtaine d'années. Les sociétés françaises peinent à s'insérer sur le marché, aujourd'hui dominé par l'israélien IDE Technologies, talonné par le coréen Doosan Heavy, puis le chinois Abengoa et enfin le premier européen, l'espagnol Acciona.
Malgré ses améliorations, le procédé repose sur un usage important en termes énergétiques. L'osmose inverse, qui consiste en l'ultrafiltration sous pression pour permettre la rétention du sel, est en plein essor et a démontré sa fiabilité mais reste cependant énergivore.
« Dans des pays comme l'Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis, ces usines de dessalement vont consommer l'équivalent d'1 à 2 centrales nucléaires tous les jours à l'horizon 2030 » souligne l'expert.
Face à de tels besoins, il ajoute qu'il devient urgent d'approvisionner ces usines avec de l'énergie bas carbone et non des centrales à charbon ou à gaz. Cette énergie pourrait provenir des centrales nucléaires ou encore des énergies renouvelables.
Selon le spécialiste, ayant publié une étude sur la géopolitique du dessalement de l'eau, le dessalement serait responsable de l'émission d'au moins 120 millions de tonnes de dioxyde de carbone tandis que pas même 1% des infrastructures de dessalement ne fonctionneraient à l'énergie renouvelable.
En plus des questions énergétiques, ce sont aussi les contraintes des déchets qui pèsent sur les exploitants d'usines. Le rejet des saumures ainsi que des produits chimiques que réclament ces infrastructures sont tout autant de problématiques à régler. Ce serait chaque jour 150 millions de mètres cubes de saumure qui seraient déversés. Celle-ci représente un concentré d'eau de mer complétée de produits chimiques comme de l'anti-chlore ou de l'anti-mousse. Ce liquide, rejeté dans la mer, serait la raison de la destruction d'écosystèmes marins. Alors, les projets à venir devraient tendre à l'étude de l'impact écologique, notamment sur les questions de lagunage. Cependant, les spécialistes se veulent optimistes : des évolutions sont envisagées quant à la performance des différents procédés, les rendant moins énergivores, et les saumures pourraient représenter un recyclage intéressant. Contenant du magnésium ou encore du lithium, l'ONU estime qu'elles pourraient permettre des pistes de développements économiques qui ne sont pas à négliger.