26/07/2024 reseauinternational.net  6min #253469

«Union européenne de la défense», une ambition stérile ?

par Philippe Rosenthal

Réélue pour un second mandat, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a préconisé de transformer l'Union européenne en une Union «véritablement orientée vers la défense». La responsable européenne a présenté cet objectif comme la priorité la plus importante pour les cinq prochaines années.

Observateur Continental  a rapporté la réélection de Ursula von der Leyen au poste de présidente de la Commission EU le 18 juillet dernier. Dans son discours de déclaration lors de la plénière du Parlement européen avant le vote et sa réélection, l'ex-ministre allemande de la Défense  a exprimé son intention de créer un Fonds européen de défense qui devrait attirer des ressources financières importantes pour développer les capacités dans les domaines naval, aérien, terrestre, spatial militaire et de cybersécurité. Elle a, aussi, évoqué l'exemple d'un «investissement significatif dans la sécurité européenne» et le soutien de «l'Europe qui restera aux côtés de l'Ukraine aussi longtemps qu'il le faudra». «Nous devons donner à l'Ukraine tout ce dont elle a besoin pour résister et vaincre», a-t-elle avancé.

«Je suis convaincu que l'Europe - une Europe forte - peut relever le défi», a-t-elle débuté. Elle aime faire la promotion d'«une vision d'une Europe plus forte qui apporte la prospérité, qui protège les citoyens et qui défend la démocratie». Enfin, l'ex-ministre allemande de la famille martèle : «Nous devons également investir davantage dans notre sécurité et notre défense» ; «il est temps de construire une véritable Union européenne de la défense». Même si elle affirme que «les États membres restent responsables pour leur sécurité nationale et pour leurs armées», elle stipule : «L'OTAN reste le pilier de notre défense collective» ; «Nous devons donc créer un marché unique de la défense». Celle qui  est montrée du doigt dans la gestion des contrats aux vaccins Covid-19 dont Pfizer, exige «un système complet de défense aérienne» - a «European Air Shield».

Plusieurs raisons expliquent cette rhétorique belliqueuse au sein de l'UE. Le principal problème a été identifié par Josep Borrell, le chef sortant de la diplomatie UE. Début février, alors qu'il résumait sur son blog les résultats d'une réunion des ministres de la Défense de l'UE, Borrell  a utilisé une vieille expression latine «Si vis pacem, para bellum» : «Si vous voulez la paix, préparez-vous à la guerre». Pour Josep Borrell, le «parapluie américain» qui protège l'Europe depuis la Guerre Froide ne sera pas ouvert indéfiniment.

«Nous devons construire notre propre capacité à agir et à nous défendre»,  a-t-il souligné devant un public de diplomates et d'industriels à l'initiative du New Economy Forum (NEF) à Bruxelles. Comme pour Ursula von der Leyen, «l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) sera toujours absolument irremplaçable», mais un «pilier européen doit voir le jour au sein de cette alliance». Les patrons de l'UE veulent créer un mécanisme européen de défense qui reste sous les ordres de l'OTAN : la création d'une Europe de la défense.

Les responsables européens ont sans aucun doute été poussés à de telles conclusions par les résultats contradictoires du sommet de l'OTAN marquant  l'anniversaire de la création de cette organisation politique et militaire des pays occidentaux. Malgré la clarté et la longueur des documents finaux, le forum a révélé de profondes divisions et de sérieux doutes quant à son avenir. La position particulière de la Hongrie, la position «indépendante» d'un autre membre important de l'alliance, la Turquie, n'ont clairement pas ajouté de poids aux mantras formellement répétés sur «l'unité transatlantique».

Des doutes quant à la volonté de l'OTAN de défendre ses propres membres si cela «n'intéresse pas» Washington se font également de plus en plus entendre. De plus, aujourd'hui, les plus grandes chances de remporter l'élection présidentielle américaine reviennent toujours à Donald Trump. Ses détracteurs, surtout après que le sénateur extrêmement conservateur J.D. Vance soit devenu candidat à la vice-présidence, sont convaincus que le retour de Trump au pouvoir remettra en question l'existence même du bloc, du moins dans sa forme actuelle. Au minimum, «la détermination de l'OTAN à appliquer l'article 5 de la Charte» sur la défense collective sera «certainement» mise en doute.

La thèse selon laquelle l'Europe devrait supporter une plus grande part du fardeau de la défense alors que l'Amérique souhaite «se déplacer» vers d'autres priorités  a été avancée pour la première fois par Barack Obama. Cependant, c'est la première législature de Trump qui a amené les Européens à réfléchir à la mise en œuvre pratique de l'idée de renforcer leur «indépendance militaire». Après le sommet de l'OTAN auquel participait le président homme d'affaires américain en juillet 2018, il n'a fallu que quelques mois à Paris et Berlin pour proposer  une initiative visant à créer une «armée européenne».

La question reste ouverte de savoir si les successeurs potentiels de Biden, qui s'est retiré de la course à la présidentielle, dans le camp démocrate renforceront les relations transatlantiques.

C'est dans ces circonstances très controversées que Ursula von der Leyen promet désormais de créer une véritable «Union européenne de la défense», comprenant un système de défense aérienne paneuropéen et un système de cybersécurité.

Quelles sont les perspectives ? Les intentions de l'Europe de «se défendre de manière indépendante» ne semblent jusqu'à présent convaincantes que sur le papier. Le budget militaire de l'OTAN dépend, donc, aux deux tiers des contributions américaines. Les capacités des Européens dans le domaine de l'aviation de transport militaire, de la reconnaissance spatiale et de la désignation d'objectifs, des drones ainsi que dans les équipements auxiliaires sont minimes, voire inexistantes.

Ursula von der Leyen a, en outre, toujours dans ses différentes fonctions laissé le chaos et la destruction des missions au lieu de les consolider. Il semble logique de voir aussi le plan de défense européenne se limiter à des incantations orales et de ne rien donner dans les faits.

source :  Observateur Continental

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