23/03/2009  28min #26243

Cheval de Troie ou complice : L'OTAN, c'est l'occupation militaire de l'Europe par une puissance étrangère

1 - La France des marmitons
2 - Les gâte-sauce de l'OTAN
3 - L'école de la droiture
4 - Le réveil de la raison
5 - La double accélération de l'Histoire
6 - A quelque chose malheur est bon
7 - Le jésuitisme de la France
8 - La métapsychanalyse de la politique
9 - Une fantasmagorie politique
10 - Le recul de la simianthropologie
11 - La table d'hôte de la raison et la famille recomposée de M. Nicolas Sarkozy
12 - Les autels de la démocratie angélique
13- La rançon du jésuitisme : le tartuffisme
14 - Le drapeau de la France et les quatre cents casernes de l'occupant

Par Manuel De Diéguez

1 - La France des marmitons -

Il arrive que la courte vue et la superficialité d'esprit des marmitons de l'histoire et de la politique se révèle bienvenue en ce qu'elle présente un contraste fructueux avec le monde des réalités, ce qui permet de mettre en pleine lumière les évidences politiques les plus criantes, mais sur lesquelles la myopie prétend jeter le voile de la componction. Qui eût cru que l'erreur la plus aveuglante pût servir de levier à la lucidité quand elle contraint le savoir le plus ordinaire à quitter des yeux son tricot et à s'esbaudir des tours de passe-passe des démagogues de la mémoire des peuples et des nations? Le discours aux yeux crevés du 11 mars 2009 de M. Nicolas Sarkozy à l'Ecole militaire est de cette facture. Ce magicien de l'OTAN feint-il de croire ou croit-il vraiment que la politique serait le fruit d'un affairement de petits chefs cuisiniers. Est-ce dans cet esprit qu'il déplore l'exiguïté de la place accordée à la France ? Demande-t-il des galons au milieu des fourneaux où lève la pâte de la servitude de l'Europe? Se plaint-il du rang mal proportionnée aux talents gastronomiques des Talleyrand et des Fouché et réclame-t-il l'emploi de pédagogue des petits maîtres queux dont toute l'habilité se réduit à trousser les recettes anglo-saxonnes de l'histoire?

M. Obama vient de faire savoir à... M. Jacques Chirac qu'à ses yeux, un vrai chef d'Etat est doté d'une vision du monde à long terme, ce qui signifie, en sous-conversation, que sa propre stature politique lui rendra difficile le dialogue avec les petits maîtres qui se haussent du col. C'est une rude leçon, pour la France de Descartes, de se voir demander si elle connaît le télescope. Le premier devoir du Quai d'Orsay serait-il d'apprendre à regarder un instant la planète avec des yeux de protestant? Ces gens-là n'ont que du mépris pour les élégances semi maffieuses de l'esprit latin. Leur parade est évangélique; ils ne s'entendent pas en douce avec le parrain pour s'agenouiller devant les prie-Dieu en public. Ils cachent tout autrement les ruses de leur piété que l'Europe catholique.

2 - Les gâte-sauce de l'OTAN -

Et voici que les gâte-sauce de l'OTAN s'interrogent sur la trempe, les talents et le rang de nos Vatel : et voici que leurs protestations contre l'intrus français conduisent les Pygmées des marmites à se frotter les yeux de surprise ; et voici que les cancres eux-mêmes se tâtent, se pincent et n'en croient pas leurs oreilles. Car enfin, se disent-ils, l'OTAN, n'est-ce pas l'occupation de l'Europe par de gigantesques bases militaires américaines? Car enfin, se disent-ils, n'est-il pas ridicule de souligner à plaisir que le Général de Gaulle et ses successeurs ont bel et bien collaboré avec les uniformes d'importation des satellites du Nouveau Monde, alors que la France s'est contentée de prêter l'appui des forces françaises à l'OTAN sur tel ou tel point momentanément effervescent de la planète ? Le 16 mars 1959 le Général de Gaulle écrivait au Président des Etats-Unis qu'en cas de conflit en Méditerranée, les forces navales de la France ne seraient pas placées sous le commandement d'un amiral américain. "Etant donné l'importance des responsabilités particulières qui incombent en raison des circonstances à la flotte de la Méditerranée, déclare-t-il il est impossible d'envisager qu'elle puisse passer, en temps de guerre, sous un commandement international."

Car enfin, se disent même les esprits les plus simples, l'essentiel, aux yeux d'un vrai chef d'Etat n'est-il pas d'avoir délivré le territoire national de la présence en chair et en os de l'étranger qui y campait armé de pied en cap ? Qu'y a-t-il de commun entre une Allemagne dont deux cents places fortes de l'envahisseur quadrillent les arpents soixante cinq ans après la signature de la paix entre les combattants fin et une France qui, depuis plus de quatre décennies, monte la garde à ses propres frais et ne tombe plus, du moins dans son propre potager, sur des bouches à feu de lointaine provenance? Le paysan gaulois est de sens rassis : s'il appelle une armée de chats à chasser les lapins de son jardin, ce n'est pas pour les installer à demeure au milieu de ses légumes, mais, sitôt leur tâche accomplie, de leur faire quitter les lieux avec les remerciements du propriétaire. M. Obama dira-t-il à M. Sarkozy de l'aider à ouvrir les yeux de l'Europe ou ceux de l'Amérique sur la volonté d'Israël de diaboliser l'Iran?

3 - L'école de la droiture -

Puisse le discours de M. Nicolas Sarkozy du 11 mars 2009 nous renvoyer à Corneille : "Rodrigue, as-tu du cœur"? La France du Cid lui répondait : "Tout autre que mon père l'apprendrait sur l'heure". Mais, face aux nouveaux magiciens de la politique, qui vous tirent force lapins de garenne du chapeau de leur dialectique, l'honneur a changé de ton, de voix et de registre. Le langage des vrais gentilshommes de la République ne sera jamais celui des matamores de la démocratie. Leur vocation les appelle à déclarer que la droiture politique n'est autre que la capacité de penser juste. Dès le 12 mars, le lieutenant Bernard Guetta montait en première ligne pour rappeler que penser juste, c'est commencer par se demander ce qu'il va advenir des galons de l'OTAN vingt ans après la chute du mur de Berlin. Pourquoi y précipiter des képis, alors qu'il s'agit d'ores et déjà d'un édifice tellement lézardé que ses murailles aux fondations gangrenées depuis l'écroulement de l'Union soviétique sont sur le point de se dissoudre et qu'il suffirait d'un coup de vent de l'Histoire pour faire tomber la forteresse en poussière?

Voyez comme les yeux fermés de la facilité ouvrent tout grands les yeux de la Pythie: en deux jours seulement et sans le vouloir, M. Nicolas Sarkozy aura, rendu irréversible sa réputation d'adorateur du Nouveau Monde et clarifié les enjeux d'une manière profitable sur le long terme à la France de la raison, puisqu'il a fait glisser toutes les pièces de la politique européenne vers le centre de l'échiquier, ce qui mettra en évidence les difficultés de la partie aux yeux des connaisseurs des soixante quatre cases. Jamais une presbytie aussi soudaine n'aurait pu se faire jour après coup sans l'étalage préalable d'une vue basse.

Certes, M. Guetta a encore un bœuf sur la langue ; il ne va pas jusqu'à rappeler que l'OTAN repose sur l'implantation de quatre cents forteresses américaines sur le sol d'une Europe placée sous protectorat militaire à perpétuité; certes, il se garde bien de murmurer à l'oreille de ses auditeurs sur France Inter qu'un Etat satellisé ne jouit pas du statut de la souveraineté au sens que le droit international accorde à ce terme et que la nature même de l'OTAN impose cette titanesque et cruelle évidence aux juristes chevronnés. Mais que la sottise politique, même évoquée à mots couverts, se métamorphose en un gigantesque accélérateur des particules élémentaires de l'Histoire, voilà un théorème qui se trouve à nouveau démontré par la vitesse avec laquelle la lumière a bondi sur une Europe émasculée à la suite du discours du chef de l'Etat du 11 mars 2009. Car si la France entre dans une OTAN des eunuques, donc dans un organisme sans contenu militaire réel, et cela par le seul effet de la décision du Général de Gaulle de la châtrer sur notre sol et si l'occupant privé du fer de lance de ses légions sur une portion aussi étendue du territoire du Vieux Continent que notre pays voit sa puissance de feu réduite à un simulacre, on se demande sur quel pied une OTAN privée de la cuirasse qui répondrait à la taille de ses ambitions va danser longtemps le guilledou de la Liberté sur la scène internationale.

4 - Le réveil de la raison -

Il y a quelques jours, la graine de ces questions semblait n'avoir pas encore germé en terre; au contraire, l'immaturité politique des corps électoraux français, allemand, italien, espagnol avait été cruellement soulignée par un sondage qui révélait que 58% des Français ne comprenaient goutte à une histoire de fous écrite en chinois de mandarins. Et voici que l'alacrité retrouvée de l'esprit de raison de la France, voici que l'aiguisage inespéré du sens commun de la nation, voici que l'affûtage de l'entendement populaire redonne sa voix de stentor à l'histoire réelle dans la bouche de l'homme de la rue et lui fait apostropher le chef de l'Etat en ces termes : "M. Nicolas Sarkozy, vous n'êtes pas le Président d'une République de benêts, vous n'êtes pas le guide d'une Europe de la sottise. Croyez-vous vraiment que, dans cent ans, les troupes américaines seront encore là ? Pensez-vous vraiment qu'elles ne partiront jamais plus? Dans ce cas, vous avez le devoir de l'annoncer à haute et intelligible voix à la France, dans ce cas votre tâche est de le confesser au continent de Galilée tout entier; et notre vocation à nous, M. le Président, est de vous demander de vous ôter de là, afin que nous prenions votre place sans barguigner. Car il nous appartiendra de demander sur l'heure au peuple allemand, au peuple italien, au peuple espagnol de suivre notre exemple sans tergiverser davantage. Qu'est-ce qu'une patrie dont les citoyens n'ont pas mission de prendre le destin entre leurs mains? Il y a quarante trois ans que nous avons chassé l'intrus. Qu'attendez-vous pour en faire autant ? Vous nous glissez à l'oreille que la France aurait imprudemment adressé un "signal négatif" à un souverain étranger et à ses satellites si elle n'était pas rentrée docilement dans le rang, même avec quelques borborygmes et grommellements de circonstance. Croyez-vous vraiment, M. le Président, que la politique d'une nation se fonde sur le paiement d'un tribut de reconnaissance éternelle à une autre nation? Croyez-vous vraiment que nous sommes appelés à acquitter la dette inépuisable de notre gratitude à un "délivreur" nécessairement intéressé et qui, comme les vainqueurs de tous les temps, est devenu le propriétaire d'une double proie, le vaincu et le "délivré"? Dans ce cas, M. le Président, le peuple français s'interroge, primo, sur la profondeur de votre connaissance de l'histoire du monde, secundo, sur la profondeur de votre science du genre humain et tertio sur la profondeur de votre philosophie de la politique. Vous voyez que, de notre côté, nous ne sommes pas près d'y perdre notre latin. "

5 - La double accélération de l'Histoire -

Remontons un instant en chaire, mais puisse Molière nous garder du ton magistral: il y a plus de soixante-dix ans, M. Daniel Halévy, de l'Académie française, publiait un livre d'or minuscule intitulé Essai sur l'accélération de l'histoire. Mais son époque ne se prêtait pas encore à l'étude paradoxale de deux moteurs antiques de cette accélération, l'ignorance et la sottise. Et pourtant la bêtise béatifiée avait servi bien souvent d'accélérateur masqué de l'évolution des sciences, des techniques et de la pensée.

Et voici que, par un miracle de Jupiter, la stupidité politique devient l'accélérateur géant des temps modernes. Voyez comme il suffit désormais qu'un chef d'Etat en exercice se mette des œillères pour que des milliers de citoyens le remplacent au pied levé, voyez comme il suffit maintenant qu'un chef d'Etat se présente avec un bandeau bien serré sur les yeux pour qu'une multitude de cerveaux se réveillent, voyez comme il suffit qu'un roi du suffrage universel perde la tête pour qu'un peuple entier retire la cire de ses oreilles!

Que de prodiges politiques ce siècle nous réserve ! Les gens simples se disent que si la tête de l'Etat s'est vidée, il leur faut bien se décider à se mettre en charge de la remplir ; et chacun de se mettre au four et au moulin avec une vaillance incroyable. Vraiment, dit le Dr Pangloss, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

6 - A quelque chose malheur est bon -

On dit qu'à quelque chose malheur est bon. Non seulement la capitulation d'une France toute flamboyante de la sottise de son chef conduit à une clarification et à une simplification miraculeuses de la position des pièces sur l'échiquier de la politique internationale, comme il est rappelé plus haut, mais elle oblige la nation à jouer une succession de "coups forcés", comme on dit au jeu des échecs, c'est-à-dire sous la contrainte de la logique interne qui régit les parties de haut vol. A ce titre, M. Nicolas Sarkozy a tort de prétendre que les "absents ont toujours tort", puisque, sous l'occupation allemande, les patriotes aux yeux de lynx ont eu raison de quitter la table, tandis que les aveugles qui y sont restés attablés seront fusillés pour collaboration avec l'ennemi. M. Nicolas Sarkozy n'a donc raison qu'en ce qu'il fournit des longues vues d'une valeur inestimable aux connaisseurs de la joute gigantale qu'on appelle l'Histoire.

On sait que les diplomates en chambre en sont réduits à des supputations, qu'ils appellent des "projections" dans le jargon de leur métier ; mais leurs télescopes en miniature leur permettent tout juste de tirer des conséquences relativement rationnelles de leurs coordonnées inexactes. Aujourd'hui, il devient possible de jeter un coup d'œil sur le tournoi réel, puisque la France des infirmes de la politique s'est assise à la table des compétiteurs aux côtés des satellites de l'OTAN. Comme vous le savez, l'étiquette de cour range ces unijambistes par ordre alphabétique autour du maître de toute la maisonnée. Mais le champion français, lui, a aussitôt porté une botte à sa façon. "Je ne vois nulle part, dit d'Artagnan, un seul officier, ni même un seul soldat américain docilement placé sous les ordres d'un Etat européen. Eh bien, à bon entendeur salut : de la Gascogne à la Flandre, la France ne placera aucune unité sous le commandement d'un Américain en temps de paix."

Vous voyez comme la situation s'éclaircit sitôt qu'une partie, même faussée, se trouve du moins engagée. C'est que l'horloge de table chargée de compter les coups et les temps de réflexion des stratèges du noble jeu enregistre d'emblée et seconde par seconde la course des aiguilles sur son cadran : du seul fait que la France ne se trouve plus occupée par des troupes étrangères, elle s'est trouvée dans la même position dominante que le souverain, mais, hélas, seulement sur ce point. Comment exploiter la bancalité de la situation si, faute d'avoir en mains les mêmes cartes que le maître de céans, la Gaule s'est trouvée fort piteusement contrainte de botter en touche et si elle a aussitôt souligné que Washington pourra compter sur son nouvel esprit de subordination, puisqu'elle portera désormais la même livrée que ses compagnons d'infortune. Mais quelles seront les modalités de la soumission de Paris aux règles de la partie établies depuis 1949? Arborerons-nous le blason d'une discipline militaire " librement " partagée avec des frères d'armes qui se proclament anoblis par leur déférence même à l'égard de leur souverain ? "Nos amis et nos alliés, c'est d'abord la famille occidentale. La condition de l'indépendance, c'est d'abord de savoir où est sa famille", a dit le chef de l'Etat à son hôte. En a-t-il été interloqué ou a-t-il prêté foi aux paroles du jésuite français?

7 - Le jésuitisme de la France -

La donne de cette joute sera d'une déloyauté inévitable. Le Général de Gaulle avait dit : "La France a des amis, mais non des protecteurs." Le 11 mars, M. Kouchner écrivait dans Le Figaro et, le 18 mars, dans Le Monde que la France a des amis, mais qu'elle n'est la vassale de personne. Faut-il que le spectre de la vassalité frappe à nos portes à coups redoublés pour que le chef de la diplomatie française officialise un terme tellement cru que le Général de Gaulle lui-même n'y a pas recouru? C'est qu'il fallait bien le crier à tue-tête et le poing levé afin d'occulter l'évidence que la France se verra contrainte de jouer double jeu, parce qu'elle ne saurait entrer dans une OTAN exténuée et même à bout de souffle que pour tenter de la dynamiter

-  I- L'Alliance atlantique, c'est le vichysme de l'Europe, Prolégomènes à une anthropologie de la duperie politique, 23 février 2009 (Section Les défis de l'Europe).

A-t-elle quelques chances de faire exploser cette casemate, ou bien ne sommes-nous pas près d'inventer la foudre à vaporiser un adversaire désormais censé se trouver gentiment assis à nos côtés et avec lequel nous passerons pour échanger des amabilités de buveurs de thé?

Mais cette duplicité de tea room a fort bien réussi au chef de l'Etat face à ses adversaires de l'intérieur; et si elle l'a porté au pouvoir à poings nus, une stratégie de l'intrigue et du complot digne des doges de Venise sera-t-elle également payante sur la scène internationale des gauchos? La pesée anthropologique de ce Janus des ranch sera de nature à faire progresser la science diplomatique des démocraties messianiques. Car voici le prix à payer pour la première botte secrète que la France a portée sans panache dans ce duel: elle n'entrera dans l'OTAN qu'à titre ponctuel, prévient-elle donc au coup par coup, comme à l'époque du général de Gaulle et de ses successeurs ; elle décidera librement, proclame-t-elle, de participer ou non à quelque opération militaire de l'OTAN que ce soit. Mais déjà, l'heure des entrechats a sonné. Dans le même article du 18 mars, M. Bernard Kouchner écrit en fier à bras que l'OTAN "laisse à chaque pays la plus totale autonomie dans la décision de participer ou non à des opérations conjointes "; mais il ajoute timidement, que nous pourrons "infléchir éventuellement les idées de nos alliés" et même que "nous nous opposerions, pourquoi pas, hier comme demain, si la nécessité s'en présente, à une opération aventureuse".

Diable, combien de grammes le fléau de la balance de ce jésuitisme précautionneux indique-t-il sur le cadran de notre souveraineté et de notre servitude craintivement biphasées? Pour l'apprendre, tentons de peser les arcanes de "l'esprit de famille" qu'évoque M. Nicolas Sarkozy. Sachez que le poids du démon familial fera l'objet de vives controverses au cœur de la dissection psychanalytique de la politique dédoublée des saint Ignace de Loyola de la France, sachez que si la diplomatie dichotomisée à la française est devenue une affaire de famille, donc de solidarité domestico-transatlantique, il lui sera difficile de s'ouvrir crânement à la Chine, loyalement à l'Inde, honnêtement à l'Amérique du Sud. En un mot comme en cent, comment son champ de vision schizoïde demeurera-t-il fidèle à la droiture du génie de la France cartésienne s'il lui faudra porter un double faix, celui d'un Occident blotti sous le blason de la fausse démocratie américaine, c'est-à-dire de l'universalité de confection qui permet au souverain bifide du monde actuel de porter le heaume d'une Liberté contrefaite à l'échelle internationale et celui du Général des Jésuites qui pointait sous Aramis, le mousquetaire amoureux? Car enfin, dit le Discours de la méthode, si nous sommes assis sagement autour de la table, donc placés en rond sous la férule du même chef de famille, comment la France scindée sera-t-elle à la fois un fils respectueux de ses frères satellisés et un enfant résolument indiscipliné et turbulent?

8 - La métapsychanalyse de la politique -

"En vérité, dit le Dr Freud de la politique internationale, il vous faudra cacher au monde entier, mais également à vous-mêmes la nature hallucinatoire et fantasmagorique du monde séraphico-démocratique qui permettra à l'esprit de la sainte famille des modernes de légitimer tout ensemble son repli, donc son auto enfermement dans l'air confiné des solidarités domestiques, d'une part, et l'appel du grand large, d'autre part, qui fait, de la Liberté américaine la nouvelle cornemuse du Saint Esprit. Pour cela, il vous faudra feindre d'imaginer que vous seriez menacés par quelque ennemi en chair et en os, affecter que les Mongols et les Tartares seraient à vos portes, jouer à faire semblant de croire que vous seriez assiégés par des armées invisibles, mais d'autant plus redoutables qu'elles échapperont à votre vue, à votre odorat, à votre ouïe et à votre toucher, puisque vos dégustations demeureront exclusivement cérébrales."

Décidément, la France est montée sur la galère des Tartuffe de la politique. "Car enfin, ajoute le grand Viennois, quel est le simulacre que Nicolas Sarkozy appelle des "menaces collectives" et contre lesquelles il convient de mobiliser "les deux piliers de notre défense et de celle de l'Europe que sont l'Union européenne et l'Alliance atlantique "? Il se trouve que vos sentinelles ont négligé de vous signaler que la Russie préparerait une gigantesque armée de blindés prêts à cracher le fer et le feu sur l'Europe, il se trouve que vos satellites échouent à faire étinceler sous le soleil les glaives et les cuirasses des Chinois prêts à dévaler en rangs serrés sur l'Occident transi, il se trouve que l'Afrique noire ne fait pas mine de se ruer sur le continent de Copernic aux côtés de ses sorciers, il se trouve que l'Amérique du Sud vous achète des armes et qu'elle oublie d'en forger aux fins de vous envahir."

9 - Une fantasmagorie politique -

Comment la diplomatie du pays de Descartes explique-t-elle que le monde entier participe d'une gigantesque fantasmagorie politique ? Peut-être "l'esprit de famille" est-il fécond en subterfuges et simulacres de diverses espèces : car voici qu'il évoque de "nouvelles menaces" et de "nouvelles priorités stratégiques", voici qu'il conjure le maléfice que serait "une politique de défense française isolée, repliée sur elle-même, une nouvelle ligne Maginot contre les défis du monde moderne", voici qu'il exorcise "la folie de détendre un lien atlantique" qui "est et qui reste un élément central de notre politique de défense et de sécurité, avec un engagement fondamental, celui de l'assistance mutuelle en cas d'agression".

" Mais, encore une fois, demande le Dr Freud, montrez-nous du doigt l'agresseur. Où se cache-t-il ? Pourquoi ne pointez-vous pas votre index sur l'Amérique du Sud, sur l'Afrique, ni l'Inde, sur la Chine, sur la Russie ? Habiteriez-vous un autre globe terrestre que le nôtre ? Votre astéroïde comporterait-il dix continents ? Votre cerveau schizoïde enfanterait-il des armées ennemies, comme don Quichotte changeait des troupeaux de moutons en un torrent de cuirasses aveuglantes ? Si des ennemis rutilants sous le soleil échappent au témoignage de tous vos sens tendus pour en capturer les fulgurances d'acier, il faut bien vous décider à les chercher au seul endroit où vous avez quelques chances de leur mettre la main au collet et de leur arracher le poignard des mains, à savoir dans vos têtes en feu."

10 - Le recul de la simianthropologie -

La capture de la folie démocratique n'est pas aisée, parce que nos psychanalystes des délires politiques n'ont pas encore conquis le recul simianthropologique. Quand ils seront devenus des Sherlock Holmès de la démence des démocraties messianisées et des chasseurs habiles à prendre dans leurs rets le Lucifer polymorphe et polycéphale contre lequel l'Amérique mène une bataille rangée à l'échelle de la planète, ils chercheront ce diable-là dans le fameux "esprit de famille" ci-dessus évoqué, lequel se replie sur la ligne Maginot qui lui appartient en propre et que nourrit sa crainte d'un nouveau loup-garrou. La "famille occidentale" est la sainte Vierge de la politique et le bébé Démocratie cherche l'abri de sa sainteté dans son ventre. A cette fin, l'enfant divin n'endosse d'autre cuirasse que celle de sa liberté sotériologisée, eschatologisée, messianisée, donc tétanisée par sa propre majuscule.

Quel auto-enferment que celui d'un Occident aux épaulettes théologiques et au sein fécondé par le Saint Esprit de la démocratie, quelles retrouvailles avec le berceau sacré de l'enfance innocente, quel Eden apeuré par le cocktail de son ciel et de son enfer! Le verbe du salut tourne le dos à l'Histoire réelle, mais avec des allures de guerrier sans peur et sans reproche, mais avec tout l'élan et l'énergie des petits caporaux de la politique, mais avec toute l'assurance des sergents-chefs du destin ! Et voici que la métapsychanalyse de la peur européenne nous réserve encore d'autres surprises anthropologiques. Car le refus de connaître l'inconscient théologique de la dissuasion infantile, le refus de prendre acte de ce que l'arme nucléaire n'est pas militaire, mais tout onirique, le refus de savoir que cette foudre est inutilisable par nature sur un champ de bataille réel, toutes ces peurs se ramènent à la terreur de l'enfant de quitter le giron familial où la nouvelle ligne Maginot du sacré n'est autre que celle dont la dissuasion nucléaire a remplacé les fantasmes anciens, ceux du Déluge purificateur et de l'apocalypse salvatrice.

11 - La table d'hôte de la raison et la famille recomposée de M. Nicolas Sarkozy -

Décidément, le scannage anthropologique et métafreudien de l'inconscient politique des nourrissons de l'OTAN nous renvoie au singe effaré qui proclame, depuis les Grecs, que "la crainte des dieux est le commencement de la sagesse". Mais si toute la stratégie du jésuitisme français nous conduit à une radiographie du catalyseur en chef de l'épouvante infantile de l'Europe - il s'appelle M. Nicolas Sarkozy - ce communicant de la terreur aurait-il donc eu raison de se mettre à table, puis d'appeler la France et enfin le monde entier à se rallier à l'"esprit de famille" des satellites de leur propre effroi et de leur propre angoisse, tellement le branchement de la nation sur une OTAN des biberons pourrait bien devenir la table de la "famille recomposée" du chef de l'Etat lui-même. Dans ce cas, appelons un genre humain affolé à faire l'apprentissage de la pesée de sa couardise; et pour cela, convions-le un instant à s'asseoir à la table d'hôte des saints sacrilèges afin d'y scanner la planétarisation de la trouille qui sous-tend la démocratisation pseudo évangélisatrice de la planète.

Alors seulement la psychanalyse de "l'esprit de famille" d'une Europe malade de son auto-satellisation aura des chances de nous ramener à la réflexion prophétique de l'auteur du Déclin de l'Occident, qui avait fait de "l'esprit faustien" de notre civilisation le semi conducteur des avatars de son destin politique. Car M. Nicolas Sarkozy crie à tue-tête que le Vieux Continent de la défense militaire ne sera pas une "défense de papier", et qu'il entend rendre l'OTAN "plus réactive et plus efficace". Mais comment l'Alliance "s'adapterait-elle à de nouveaux dangers" si ceux-ci sont tout imaginaires et s'il s'agit seulement de brandir les simulacres d'une bravoure contrefaite au bénéfice du matamorisme pseudo démocratique d'une puissance étrangère? La France du jésuitisme politique sera-t-elle appelée à se battre contre des épouvantails verbaux et à n'exorciser que des fantômes, parce que toute cette gesticulation pseudo stratégique témoigne seulement d'une peur immense et incontrôlée, celle d'une OTAN vêtue en séraphin et armée d'un atome fantasmé - deux armes de la pétoche aussi angélisées l'une que l'autre, mais qui protègent l'enfant de la frousse viscérale de notre espèce de quitter le bercail de la famille et de répudier les spectres qui la hantent?

12 - Les autels de la démocratie angélique -

Mais nous n'en avons fini ni avec la radiographie politique de la "famille occidentale", ni avec la psychanalyse de la condition simiohumaine. Car ce dont les enfants schizoïdes du singe vocalisé ont peur avant tout, c'est de regarder en face l'arène sanglante des adultes. Mais, l'avantage, si je puis dire, pour la France des taurillons de l'OTAN, de s'être assise devant l'échiquier para théologique de la démocratie des tueurs angéliques et d'y jouer le rôle timide et contrefait auquel le matador d'outre-Atlantique la contraindra à s'exercer, l'avantage indirect, dis-je, pour la France d'un Discours de la méthode rendu bancal par le mythe américain sera de lui révéler et de révéler au monde entier les secrets de la partie d'échecs que les enfants devenus grands sont conduits à jouer entre eux et à laquelle ils ne comprennent goutte. Car les adulte, eux aussi, se trouvent piégés de naissance par leur cerveau biphasé, eux aussi sont amenés à se produire sur les planches du théâtre de marionnettes sur lesquelles leur imagination politico-religieuse les fait monter. Mais leurs songes d'enfants se heurtent à des obstacles matériels ; et le premier obstacle physique que les grandes personnes rencontrent dans leur politique d'intégration ou de sortie de l'OTAN n'est autre que la présence d'un occupant en chair et en os de l'Europe, lequel s'est incrusté sur son territoire depuis 1945 et qui n'est près ni de mettre bas les armes, ni de lever le camp.

Quand la peur que l'enfant de l'OTAN voudrait exorciser n'est plus vaporeuse, parce qu'on la rencontre charnellement à tous les coins de rue, la théologie de la dérobade démocratique se complique, faute de cierges et de prie-Dieu de la liberté. Telle est la réalité que la France des encensoirs de l'OTAN va physiquement rencontrer. Aussi longtemps qu'elle s'était tenue à l'écart des brûle-parfums des évangélisateurs empressés de leur propre vassalisation, elle pouvait s'offrir le luxe de paraître observer du dehors - et avec la condescendance polie qu'appelaient les bons usages diplomatiques - le zèle suspect que mettaient les nations européennes ficelées aux bases militaires américaines à respirer l'encens de leur propre prêtrise. Mais maintenant, comment ne pas présenter le gigot faisandé d'une satellisation cléricale habillée en démocratie, comment éviter de humer l'odeur de ce plat ecclésial, comment feindre de respirer avec plaisir le fumet de l'Eglise de la Liberté sur la table de famille si, décidément, la vassalité politique sent mauvais et si la pestilence des sentiments risque d'incommoder les narines de toute la maisonnée?

Voyez comme l'histoire théologale du monde pointe le bout du nez sitôt qu'on se met à l'école des tabernacles de la fausse démocratie. Les résistants goûtaient le confort patriotique d'échapper à la puanteur de l'occupation ; et voici M. Nicolas Sarkozy aux prises avec la malodorance de la sotériologie politique américaine. Comment va-t-il tenter de fuir les effluves de cette sainteté? Comment va-t-il empêcher les relents de cette hérésie de monter pieusement dans le ciel de la liberté et de répandre ses vapeurs dans l'atmosphère ? Ecoutons : "Je le dis solennellement : ceux qui prétendent que notre indépendance serait en question se trompent et trompent les Français. Et j'ajoute qu'ils insultent et choquent nos partenaires européens en laissant entendre qu'ils ne sont (en bon français, on dit " seraient ") pas indépendants. "

13 - La rançon du jésuitisme : le tartuffisme -

Il va donc falloir se donner des airs d'indépendance et suer à en afficher les contrefaçons à seule fin de ne pas maculer le cheptel des livrées, il va falloir s'échiner à faire passer la courtoisie avant les vomitoires, il va falloir faire passer crânement l'étiquette et les protocoles de la cour avant les règles implacables du jeu des échecs. Décidément la vassalité politique pare ses souillures des atours de la chasteté, décidément les bonnes manières servent d'oripeaux dorés à la domesticité bien éduquée, décidément les justaucorps et les baudriers atlantistes de la France satellisée habiteront la maison d'Orgon d'une République appelée à cacher le sein d'Elvire sous le mouchoir de baptiste des Tartuffe de la liberté.

Mais comment la France de la droiture d'esprit va-t-elle rouvrir l'arsenal où rouillaient les vraies armes de la souveraineté de la nation et les exposer fourbies à neuf au public? Car à l'heure même d'entrer dans l'OTAN, le chef de l'Etat a buté sur les aromates de la diplomatie du pincement de nez. Lisez de près et la loupe à l'œil son énergique discours de réception à l'académie des odeurs de l'allégeance et vous découvrirez que les parfums de la servitude empestant depuis des siècles la politique des nations. Ne va-t-il pas falloir expliquer en long et en large aux dernières nations encore dotées d'un renifleur que le fourmillement de troupes étrangères implantées sur leur territoire incommode l'organe nasal de la France de d'Artagnan et de Cyrano, ne va-t-il pas falloir leur demander de promener leur flaireur sur un grouillement d'ennemis imaginaires censés pointer le nez à l'horizon, ne va-t-il pas falloir contraindre leur pif à humer les armées du Bien, ne va-t-il pas falloir les abreuver d'une pluie de miracles et d'une grêle de prodiges afin de tenter de convaincre les Italiens et les Allemands qu'ils ressemblent aux Français comme des frères de lait, alors qu'ils n'ont pas, eux, chassé l'occupant manu militari il y a quarante trois ans et que leur dirigeants achetés sont plus disposés que jamais à voir défiler des uniformes jaunâtres et rigolards dans les rues de leur Eden?

14 - Le drapeau de la France et les quatre cents casernes de l'occupant -

C'est cela qu'illustre l'adage: "A quelque chose malheur est bon". Car si "les absents ont tort", ils ont cent fois raison quand leur absence secoue l'échiquier, bouleverse la logique de la partie, fait danser les pions, les fous et les cavaliers et met l'adversaire échec et mat.

Non, cette fois-ci, vous ne rêvez pas : voici que l'illégalité de la politique et de l'histoire réelles de l'occupation américaine vont débarquer à grand fracas dans la maison des nations satellitaires de l'Europe, voici que l'OTAN de l'occupant va révéler sa fausse catéchèse aux Français. Nous allons enseigner de ce pas à l'Allemagne, à l'Italie, à l'Espagne le gigantesque quadrillage d'une Europe abusivement placée sous protectorat militaire. Mais le vichysme atlantiste de nos élites politiques ne va-t-il pas nous interdire d'inspecter les coutures et l'étoffe de l'occupant? Le Laval français ne va-t-il pas nous empêcher d'alerter les patriotes allemands ? Comment leur enseigner à flairer les écuries d'Augias de la démocratie atlantiste si l'atlantisme, c'est le pétainisme européen?

Le 3 avril 2009, Mme Angela Merkel ne bénéficiera qu'un court instant des grâces et des bénédictions du triomphateur d'outremer. Il fallait bien se résigner à accorder une heure de concert à la nation de Mozart et de Beethoven. Mais le roi vibratile s'avancera seul sur la scène, flanqué du seul Président des Etats-Unis et il présentera son discours aux peuples européens auxquels il annoncera l'irréversibilité de la conquête américaine de notre continent, l'irréversibilité de son occupation militaire, l'irréversibilité de notre solidarité familiale avec le vichysme mondialisé de l'Europe. Le lendemain, 4 avril, le souverain des collaborateurs accueillera l'occupant sur la passerelle du "jardin des deux rives", tandis que des chasseurs de la patrouille de France traceront dans le ciel du Rhin leur panache tricolore. Quant aux habitants de Strasbourg, la police de la collaboration les confinera dans leurs maisons. Une zone rouge interdira aux résistants de venir troubler la grande fête de l'OTAN. La cathédrale et le théâtre national seront fermés, cent quatorze établissements scolaires demeureront porte close, les transports publics seront réduits, la circulation automobile interdite et les autoroutes closes, les autoroutes fermées, la navigation fluviale au point mort et cinquante mille barrières seront dressées dans la ville et aux alentours. Où sera la vraie France ? Les patriotes prépareront-ils une grande manifestation ?

Il se pourrait que l'heure du combat de la France pour la libération de l'Europe ait sonné. Le 4 avril, plus de quatre cents drapeaux arc-en-ciel seront déployés, portant l'inscription : " Non à l'OTAN ". Mais déjà la police de la nouvelle occupation est intervenue contre la Résistance. L'ordre de l'Etat collaborateur est de retirer les drapeaux des patriotes de leurs fenêtres et de leurs balcons. L'ex-France du Général de Gaulle dit aux citoyens : " Ou bien vous les retirez, ou bien nous nous en chargerons. Mais, le 4 avril, il se tiendra un contre-sommet de trente mille à soixante mille démocrates. Ils représenteront quelque cinq cents associations républicaines en provenance de vingt-trois pays.

Où sera la vraie France ? Je vous entretiendrai le 30 mars.

le 23 mars 2009
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