France-Soir
La présidente de Géorgie, Salomé Zourabichvili
Comme un bégaiement de l'Histoire ? Samedi, la présidente de Géorgie, Salomé Zourabichvili, a annoncé sa décision de ne pas rendre son mandat à la fin de ce mois de décembre, tant que de nouvelles législatives n'auront pas été organisées. L'ancienne diplomate française, pro-européenne, rejette les résultats des législatives du 26 octobre, remportées par le parti au pouvoir, Rêve géorgien, qui n'arrange pas Bruxelles. Son annonce de ne pas souhaiter ouvrir des négociations d'adhésion avec l'Union européenne (UE) avant 2028 a provoqué des manifestations dans le pays, qui rappellent à beaucoup, à commencer par le Premier ministre Irakli Kobakhidze, le Maïdan en Ukraine en 2014.
"Tant qu'il n'y aura pas de nouvelles élections et un Parlement qui élira un nouveau président selon de nouvelles règles, mon mandat se poursuivra", a réitéré l'ancienne ambassadrice de France en Géorgie, Mme Zourabichvili, dans des entretiens avec l'AFP et la BBC.
Un vote qui "ne reflète pas la volonté du peuple"
Fin octobre dernier, le parti au pouvoir depuis une décennie, Rêve géorgien, a déclaré sa victoire aux législatives. Les résultats ont été accueillis de manière très contrastée et l'opposition a vite dénoncé des "irrégularités" lors du scrutin. Des accusations rejetées par la formation politique, dont la victoire est confirmée mi-novembre par la commission électorale qui a annoncé les résultats de 53,93% en faveur du Rêve géorgien et 37,79% en faveur de la coalition de partis d'opposition.
Le nouveau Parlement élu a annoncé l'élection du prochain président le 14 décembre avec une investiture pour un mandat de cinq ans le 29 du mois. C'est l'ancien footballeur, Mikheil Kavelashvili, entré en politique depuis sa retraite sportive en 2007, qui a été désigné par le parti. Son élection est quasiment acquise, le président étant élu, depuis une réforme constitutionnelle en 2017, par un collège électoral et non par un vote populaire.
Mais Salomé Zourabichvili, qui tente de faire annuler les résultats des élections par la Cour constitutionnelle, n'envisage pas de céder son poste. "Personne en dehors de la Géorgie, parmi nos partenaires démocratiques, n'a reconnu les élections", souligne-t-elle, se présentant comme la "seule institution légitime du pays".
De son avis, "les élections ne reflètent pas la volonté du peuple" et dans ce cas-là, "ni le Parlement, ni le gouvernement, ni le président qu'ils doivent élire ne sont légitimes". La présidente géorgienne a annoncé la mise en place samedi d'un "conseil national" composé de partis d'opposition, visant à "assurer la stabilité dans le pays".
Lors de son entretien avec AFP, elle évoque même une "transition légitime et stable" dont elle serait la représentante. "Pas de relations avec des représentants illégitimes de ce pays. Faites des affaires avec nous, nous représentons la population géorgienne", dit-elle, exprimant son "optimisme" par rapport à ce qui se passe dans le pays, "quelque chose que nous n'avons pas vu dans l'espace post-soviétique, c'est-à-dire une société qui prend son avenir en main", en référence aux manifestations qui opposent des pro-UE aux forces de l'ordre.
Vers un Maïdan géorgien ?
Hier, le Premier ministre Irakli Khobadidzé a exclu l'organisation de nouvelles législatives, malgré trois nuits consécutives de manifestations en faveur de l'intégration du pays à l'Union européenne. Jeudi, cet ex-président du Rêve géorgien avait déclaré l'intention du parti à ne pas poursuivre les négociations d'adhésion avec l'UE avant 2028 ou 2030.
Bruxelles, qui soutient Salomé Zourabichvili et sa demande de nouvelles législatives, a exigé une enquête sur ce qu'elle a qualifié de "graves" irrégularités et déclaré qu'elle enverrait une mission à Tbilissi dans les semaines à venir. Cette mission de l'UE doit "nous aider à mettre en place de nouvelles élections", a expliqué la présidence.
"Nous sommes très confiants dans le fait que nos partenaires seront là où se trouve la population géorgienne", a-t-elle conclu, en référence à Washington et Bruxelles, accusée de "chantage" par le gouvernement actuel.
Samedi, le Premier ministre a accusé la présidente ainsi que l'opposition de préparer une révolution comme la manifestation de Maïdan de 2014. "Certains veulent que ce scénario se répète en Géorgie. Mais il n'y aura pas de Maïdan en Géorgie", a-t-il prévenu, en référence aux manifestations ukrainiennes contre le président Viktor Ianoukovitch, qui a refusé de signer l'accord d'association avec l'UE. Des événements soutenus par l'UE qui ont fini par précipiter le départ du président et surtout, le début du conflit avec la Russie.
Le service de sécurité de l'État géorgien a confirmé les propos de M. Khobadidzé, affirmant que certains partis politiques tentaient de "renverser le gouvernement par la force".
Dmitri Medvedev, vice-président du Conseil de sécurité de Russie, a également dénoncé une tentative de révolution, estimant que la Géorgie "avançait rapidement sur une trajectoire ukrainienne, vers un sombre abîme". "Généralement, ce genre de chose se termine très mal", a-t-il dit.