16/04/2025 francesoir.fr  10min #275085

S.os. Bonheur : la dystopie de Van Hamme et Griffo, prophétie d'une dictature cachée

Xavier Azalbert, France-Soir

S.O.S. Bonheur : la dystopie de Van Hamme et Griffo, prophétie d'une dictature cachée

Une vision qui traverse le temps

Quand Jean Van Hamme et Griffo publient S.O.S. Bonheur dans Spirou (1984-1986), puis en albums chez Dupuis (1988-1989), ils ne parlent ni d'intelligence artificielle (IA), ni de FranceConnect, ni de dictature masquée.

Pourtant, leur dystopie belge, où l'État impose un bonheur obligatoire, dissèque notre présent avec une précision glaçante. Relisez-la. Des entreprises où l'on ignore ce qu'on fabrique. Une Assurance Médicale Unifiée (AMU) qui punit les malades. Des vacances nationalisées. Une Carte Universelle – identité, permis, banque, casier judiciaire. Des naissances régulées, des enfants "illegs" traqués, des écrivains muselés par agrément. Une société où les droits s'effacent sous un ordre implacable, relayé par des médias complices.

S.O.S. Bonheur n'est pas qu'un écho d'Orwell ou d'Huxley. Chaque case semble écrite pour 2025, dévoilant une société où les droits s'effacent, où l'ordre étouffe, où les élites règnent loin des regards.

Relisez cette BD. Elle est un miroir – et peut-être une porte.

Une société sous clé : une dystopie où l'IA et l'ordre étouffent l'humain

Dans l'univers de S.O.S. Bonheur, l'État verrouille l'existence. Les citoyens triment dans des entreprises opaques, bien payés, mais aveugles : que fabriquent-ils ? Données, armes, secrets interdits de question. L'Assurance Médicale Unifiée (AMU) promet la santé à une condition glaçante : restez parfaits, ou les hôpitaux vous fermeront leurs portes. Les vacances, nationalisées, ne sont qu'un simulacre – une plage bondée, un musée vide, un itinéraire imposé.

La Carte Universelle, rectangle tout-puissant, concentre la vie : identité, permis, compte bancaire, casier judiciaire. Un murmure suspect, un retard, et elle s'éteint, vous effaçant du monde. Les naissances ploient sous des quotas impitoyables ; un enfant hors système devient un « illeg », une ombre sans carte ni droits. Les écrivains, eux, n'écrivent qu'avec l'agrément du ministère des Arts et Lettres : un mot libre, et c'est la sanction. Clara, une héroïne, suit les règles, scanne sa Carte, obéit à l'AMU. Mais, elle aide un « illeg ». Sa Carte clignote, l'AMU la rejette. Hier comptable, ce soir paria, elle erre sans refuge.

Ces systèmes, gérés par des machines, préfigurent l'IA. En 2025, leurs ombres sont partout : algorithmes qui scrutent, assignent, excluent. Prenez Clara, héroïne d'un récit. Elle suit l'AMU, travaille sans poser de questions, scanne sa Carte Universelle. Mais, un jour, elle aide un « illeg ». Sa Carte clignote. Hier, elle était comptable. Ce soir, elle mendie, interdite de métro, de soins, de vie. En 2025, on connaît ça : un compte bloqué pour un post « subversif », un job perdu pour un score social bas. La Carte Universelle ? C'est FranceConnect, un portail qui relie tout – santé, impôts, droits, vaccins. Pas vacciné ? Pas payé. Citoyen non conforme ? Exclu. FranceConnect n'est pas une aide. C'est un collier.

Les traités ? Dans la BD, les lois sont des pièges, justes en surface, cruelles en profondeur. En 2025, des traités européens rédigés par IA verrouillent tout. Des milliers de pages, une logique froide : chaque article anticipe les critiques, chaque clause protège les puissants. Contester le « Pacte Santé » ou le « Règlement IA » ? Une sous-section, glissée par l'algorithme, vous désarme : « Droit à la liberté, sauf pour la sécurité, définie par l'IA. » Les citoyens s'épuisent, les élites passent. L'IA rédige pour gagner, pas pour éclairer.

L'ordre et sa faille : une IA fragile

Ces mécanismes, pilotés par des machines, préfigurent une IA sans en porter le nom. Une IA probabiliste, qui calcule, classe, contrôle, mais repose sur l'ordre – des données nettes, des schémas lisibles. Introduisez le désordre, et elle vacille. Si Clara murmure en Verlan – « keuf » pour "flic", « relou » pour "lourd" –, l'IA s'égare, ses probabilités s'effondrent, incapable de déchiffrer cette novlangue. Dans S.O.S. Bonheur, l'ordre domine, mais un souffle en Verlan, un acte hors cadre, entrouvre une brèche.

L'ordre est l'alphabet des élites : A-B-C. Travaillez sans poser de questions, suivez l'AMU, validez votre Carte – tout s'aligne. Le désordre, c'est réécrire cet alphabet : C-A-B, cacher un « illeg », écrire sans permis, défier la machine. Chaque geste de Clara, même condamné, est une lettre inversée, un murmure contre l'implacable.

L'étatisation des droits : une République sans droits, une dictature sans visage

Sous cet ordre, les droits s'évanouissent. La liberté ? Une faveur accordée par l'AMU, révoquée par la Carte. La justice ? Un verdict mécanique, sans visage ni appel. L'art ? Une laisse administrative. Cette  étatisation des droits transforme l'inaliénable – vie, parole, mouvement – en privilège fragile, retiré d'un clic.  L'État de droit s'effrite,  la République n'est plus qu'un mot vague, une façade masquant un contrôle absolu, sans soldats, mais avec des algorithmes, des écrans, des règles opaques.

Les médias, complices, amplifient l'illusion. Ils vantent l'AMU comme un rempart, glorifient la Carte comme une liberté, relèguent les "illegs" dans l'oubli. Clara, les yeux sur un journal, lit : « Le bonheur pour tous ! » À ses pieds, un sans-abri, Carte éteinte, murmure : « Un mensonge. » La République, vidée de ses droits fondamentaux, n'est qu'un décor, un théâtre sans âme.

2025 : Un écho glaçant

Relire S.O.S. Bonheur en 2025, c'est voir notre monde se refléter, cruel et nu. Les machines de la BD trouvent leurs ombres dans nos algorithmes, qui traquent, classent, excluent sans pitié. FranceConnect, service d'authentification unifiant l'accès aux services publics – santé, impôts, démarches –, n'est pas une Carte Universelle, mais son écho discret. Un portail centralisé, il ouvre la voie à une surveillance plus large, une ombre d'ordre planant sur nos vies. Cette science sans conscience, qui connecte sans questionner, transforme l'outil en chaîne, l'efficacité en contrôle, oubliant l'humain derrière les données.

Les médias, eux, orchestrent le silence. Ils chantent « l'unité », filtrent les vérités, effacent les marges – les sans-abris, les dissidents, les oubliés. Une IA trie les récits, impose une seule voix : « Progrès pour tous ! » À Bruxelles, des traités européens, rédigés par IA, promettent justice – Pacte Vert, Règlement IA. Mais leurs clauses, froides comme des calculs, glissent des échappatoires : « Liberté, sauf sécurité définie par l'IA. » Cette science, dénuée d'éthique, sert les puissants, pas les citoyens.

Les élites incarnent cette fracture. Ursula von der Leyen, dans sa tour bruxelloise, tisse des lois déconnectées des rues. Emmanuel Macron pose à l'Élysée, un sommet pour l'Ukraine en décor, sans un visage populaire autour. Défilés sans foule, décisions sans débat – deux mondes, séparés par un gouffre. Alexandre Jardin, dans « Les Gueux », nomme cette ségrégation : les administrateurs, politiciens et milliardaires, vivent hors règles, tandis que les gérés ploient sous l'œil des algorithmes.

La science sans conscience leur offre l'outil parfait : une IA qui obéit, jamais ne doute, toujours sanctionne.

La Covid, de 2020 à 2022, fut un banc d'essai. Passes sanitaires, traçage, restrictions – les médias criaient « santé publique », pendant que l'IA collectait : qui obéit, qui résiste. Les traités post-Covid, nés d'algorithmes, ont gravé cet ordre, un contrôle drapé de bien commun. La science, sans boussole morale, a tracé des chaînes invisibles. Clara, en 2025, serait bannie par un clic, sa puce éteinte, les médias la désignant : « Dissidente. » Sans droits, elle mendierait, hors système.

Régression sociétale : la formule perdue

S.O.S. Bonheur nous force à penser le progrès. Et, si avancer, c'était reculer ?

Quand un logiciel bugge, on restaure l'ancienne version. Mais en 1985, New Coke s'effondre par arrogance : « Il faut changer ! » Le retour à l'ancienne formule sauve la marque. La régression sociétale n'est pas une honte – c'est une chance. Moins d'algorithmes, plus d'humain : papier, troc, regards. Le « monde d'après » du Covid promettait des écrans, des puces, moins de contact. S.O.S. Bonheur montre un monde sans cœur, où l'AMU et la Carte tuent l'âme.

Revenir aux poignées de main, aux carnets griffonnés, c'est avancer.

La résistance : le désordre, le papier, l'humain

Robert Kennedy Jr., dans France-Soir (2022), l'avait presque dit : «  résistez, résistez, car quand ils ont le pouvoir, ils ne le rendent jamais », qui s'interprète aujourd'hui comme « ceux qui tiennent l'IA, les médias, les traités ne cèdent jamais le pouvoir ». Leur ordre est une drogue.

Mais, il parlait de résistance : des humains, des réseaux, des « déconnectés ». Mais la résistance pulse, discrète et tenace. Dans S.O.S. Bonheur, elle prend la forme du désordre : murmurer en Verlan pour brouiller l'IA, cacher un "illeg", écrire sur papier hors de portée des algorithmes. Chaque C-A-B – un troc, un mot inversé, un refus – est une fissure dans l'ordre. En 2025, c'est un retour : au papier, aux marchés, aux regards. La régression est la clé. Comme New Coke, l'ordre numérique a échoué.

L'ancienne formule – contact, liberté, humanité – est la vraie progression.

2025 : Une dystopie réinventée (1)

Si S.O.S. Bonheur renaissait en 2025, son décor scintillerait de verre et d'écrans, mais l'oppression resterait. Des implants traqueraient chaque souffle, sous l'œil d'une IA probabiliste. L'AMU 2.0 exigerait une santé sans faille, sanctionnant le moindre rhume. Le travail, opaque, interdirait les questions : codez, assemblez, taisez-vous. Les vacances, planifiées par algorithme, seraient des cages déguisées en repos.

Les naissances, sous quotas, feraient des « illegs » des fantômes sans puce. L'art, filtré par des permis IA, perdrait toute flamme. Les médias, unifiés, chanteraient « l'ordre connecté », reléguant les exclus dans l'ombre. France Connect, portail unifiant santé, impôts, services, planerait comme une ombre discrète, un pas vers la centralisation. Les crises – climat, pandémies, migrations – seraient gérées par IA, sans pitié ni débat.

SOS BONHEUR 2025 - Planche 1 - L'ordre glacial

Léa, 32 ans, codeuse, refuserait un contrôle AMU. Sa puce s'éteindrait, les médias la désigneraient : "Non conforme." Hier, elle programmait. Ce soir, elle mendie, hors système. Mais dans l'ombre, le désordre germerait. Léa apprendrait le Verlan, brouillant l'IA. Elle cacherait un « illegs », griffonnerait sur papier. Chaque murmure, chaque C-A-B, rallumerait une étincelle humaine.

Relire pour se réveiller

S.O.S. Bonheur n'est pas une BD. C'est un cri, un miroir, un avertissement. AMU, Carte Universelle, IA probabiliste, médias complices, droits confisqués : Van Hamme et Griffo ont VU 2025 : leur République sans droits, leur ordre sans âme. Mais ils ont aussi vu le désordre – Verlan, papier, humain – comme une porte. Relisez leurs planches.

Prenez un crayon, murmurez C-A-B, et cherchez l'ancienne formule : celle où l'humain respire encore : c'est là que tout commence.

1) Actualiser S.O.S. Bonheur en 2025 : l'ordre digital, le retour humain

Si S.O.S. Bonheur renaissait en 2025, elle serait digitale et suffocante, mais hantée par un désir de papier. Voici cette société, dans le ton de la BD :

  • Un État IA-centrique : implants pour tous. Une IA scrute vos pas, vos mots. Un doute ? Une alerte : « Conformez-vous ». Refusez, et FranceConnect vous coupe : pas vacciné, pas payé, pas citoyen. Exemple : Léa, 32 ans. Elle code sans savoir quoi. Un jour, elle refuse un rappel vaccinal. FranceConnect la bannit. Hier, elle programmait. Ce soir, elle mendie.
  • Travail opaque : vous assemblez, codez, livrez. Quoi ? Secret. Demander, c'est risquer votre puce.
  • Santé sous AMU 2.0 : L'IA traque sommeil, calories, vaccins. Une fièvre non déclarée ? FranceConnect bloque vos soins.
  • Vacances imposées : une IA planifie votre « repos » : un cube touristique, un itinéraire figé. Sortir des clous ? Sanction.
  • Naissances verrouillées : quotas stricts. Un "illeg" ? Sans puce, sans vie. Les parents ? Exclus.
  • Art muselé : Écrire ? Un permis IA requis. Un tweet « libre » ? FranceConnect vous raye.
  • Médias complices : écrans vantant « l'Ordre Connecté ». Une IA trie les news : « FranceConnect sauve des vies. » Les exclus ? Invisibles.
  • Technologies totales : implants, drones, lunettes connectées. Chaque clic alimente l'IA. Votre vie ? Une donnée.
  • Manipulation cognitive : l'IA façonne votre réalité : un fil « positif », des révoltes effacées. Vous croyez voir. Vous êtes vu.
  • Crises modernes : climat : l'IA rationne selon FranceConnect. Pandémie : algorithmes pour quarantaines. Migration : drones sans pitié.
  • Justice algorithmique : une IA juge. Un mot suspect et FranceConnect vous exile. Pas d'humain, pas d'appel.

 francesoir.fr