France-Soir
Manifestation pour dénoncer le recours aux pesticides dans l'agriculture, le 4 mars 2023 à Paris.
Biodiversité et santé ont Duplomb dans l'aile. Lundi 6 mai, plus de 1 000 scientifiques, médecins et soignants ont adressé une lettre ouverte aux ministres de la Santé, de l'Agriculture, du Travail et de la Transition écologique. Ils s'élèvent contre la proposition de loi portée par le sénateur Laurent Duplomb, qui prévoit de réintroduire des pesticides interdits comme les néonicotinoïdes.
Le texte, examiné cette semaine à l'Assemblée nationale, menace selon eux la santé publique, la biodiversité, et l'indépendance de l'expertise scientifique française. La démocratie sanitaire vacille, elle aussi, à la lecture de la proposition de loi Duplomb.
En plus de rouvrir la porte à des pesticides bannis depuis des années en France, comme les redoutés néonicotinoïdes, le texte prévoit de créer un "comité d'orientation pour la protection des cultures". Ce nouvel organe permettrait au ministère de l'Agriculture de court-circuiter l'Anses, l'agence indépendante chargée depuis 2015 d'évaluer la toxicité des produits phytosanitaires. Un précédent non négligeable, dénoncé dans cette lettre ouverte.
"Nous nous opposons à la création d'un Conseil d'orientation agricole qui dessaisirait l'Anses d'une partie du contrôle scientifique", écrivent les signataires, parmi lesquels figurent Marc-André Selosse, Jean-François Corty, ou encore Christian Vélot. Ce texte porté par Médecins du Monde et Alerte des médecins sur les pesticides alerte sur "une remise en cause de la place de l'expertise scientifique", au profit d'une logique d'exception dictée par des intérêts agricoles à court terme. Benoît Vallet, directeur général de l'Anses, a d'ailleurs menacé de démissionner si cette loi était adoptée en l'état.
Selon France Inter, qui a révélé l'existence de la lettre, l'objectif officieux de cette loi serait de contourner les avis scientifiques jugés trop contraignants par certains acteurs du monde agricole. Or, ces derniers bénéficient déjà d'un encadrement européen autorisant certaines substances jusqu'en 2033. Faut-il pour autant faire sauter les garde-fous nationaux au nom de la compétitivité ?