Originaire de Paris, Nicolas Davy s'est pris d'amour pour les animaux à travers celui qu'il porte à la photographie. En capturant de fabuleux clichés des animaux sauvages qui peuplent la capitale, il sensibilise le public à la nécessaire protection de la faune de notre quotidien. Entretien.
Trentenaire passionné, Nicolas Davy ne parcourt jamais les rues de Paris sans son appareil. Alors que s'achève en juin son exposition à Bercy Village, il est revenu avec nous sur les raisons pour lesquelles la photographie « nature » a toute sa place en ville, et sert d'outil de sensibilisation.

Mr Mondialisation : Pouvez-vous nous expliquer votre parcours, celui qui vous a mené à la photographie naturaliste ?
Nicolas Davy : « Je suis né à Paris puis ai vécu en proche banlieue. Geek de nature, j'ai fait des études d'ingénieur électronique et j'ai travaillé dans le milieu des drones. Mon premier appareil photo numérique, je l'ai acheté avec le salaire de mes jobs étudiants.
À l'époque, le côté électronique de la photo m'a plu. J'ai débuté par des photos classiques de la capitale puis j'ai rapidement joué avec les modes de prises de vue différents. C'est en prenant une abeille en mode « macro » que j'ai réalisé que je pouvais faire des photos différentes... »

« S'en est suivi l'achat de mon premier Réflex avec objectif interchangeable, puis la rencontre avec un photographe animalier devenu un ami : j'ai alors acheté un téléobjectif et me suis lancé de plus en plus sérieusement dans la photo en parallèle de mon travail, quinze ans durant.
Mes premières expositions sont arrivées, ce qui m'a vraiment motivé, puis j'ai connu une très belle occasion de quitter mon emploi il y a un an et demi et me suis alors lancé dans la reconversion professionnelle. J'étais évidemment assez inquiet au début, me demandant comment j'allais pouvoir en vivre (rires) !
Je ne pouvais pas me mettre en concurrence avec les autres photographes animaliers français, alors je me suis concentré sur ce que je connaissais, à savoir la nature en ville. Heureusement, mon travail plaît et ce sujet intéresse de plus en plus de monde. »
« J'ai compris qu'il se passait plein de choses à côté de chez moi, et suis devenu fan de ce monde animalier au fil de l'eau. »
Mr Mondialisation : Votre amour pour les animaux est-il né de celui pour la photo ?
Nicolas Davy : « J'ai fait études scientifiques, avec une curiosité forte pour la biologie. Cet attrait pour le monde animal s'est développé en parallèle de ma pratique. J'essaie toujours de me documenter sur ce que je photographie, j'apprends énormément, en continu. Je me balade avec mon guide ornithologique ou sur les insectes, et m'informe petit à petit.
Au début, j'étais en proie à une véritable fascination sur ce que je photographiais, j'avais une curiosité à assouvir ! J'ai compris qu'il se passait plein de choses à côté de chez moi, et suis devenu fan de ce monde animalier au fil de l'eau. Je suis également devenu végétarien, car il y avait une forme de contradiction à les admirer puis les manger... Ma passion a fini par déteindre sur ma vie quotidienne. »
Mr Mondialisation : Pourquoi le choix de Paris ?
Nicolas Davy : « À vrai dire, c'est plus une conjonction de hasards. Mes premières photos « nature » ont eu lieu dans les parcs près de chez moi. Assez casanier, j'aime rester dans ma bulle, alors j'ai eu envie de creuser dans ce qui était à ma portée.
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Si j'explore davantage l'Île-de-France aujourd'hui de par mes projets, j'en reviens toujours à Paris. J'aime notamment pouvoir revenir sur des lieux déjà photographiés, car ça me permet de creuser, de prendre mon temps. »

Mr Mondialisation : Avez-vous une espèce préférée, que vous aimez shooter plus que les autres ? Ou en aviez-vous une au début et cela a changé au fil du temps ?
Nicolas Davy : « En effet, les choses évoluent. Au début, on est fasciné par chaque nouvel animal, qui devient de fait notre animal préféré (rires) ! Le premier à m'avoir vraiment passionné, c'est la mante religieuse. J'étais alors sur de la « proxi-photo », autour des insectes et autres petits sujets. J'avais trouvé une petite population de mantes religieuses près de chez moi, j'y allais tout le temps, j'ai accumulé des centaines de milliers de photos !
Ensuite, je suis entré dans une « période rouge-gorge », que j'adore toujours d'ailleurs, à tel point que je me le suis tatoué sur la peau... Il a une super bouille, photogénique et facile à photographier. Ce qu'on sait rarement, c'est que c'est un caractère très particulier et assez loin de son apparence si innocente. Le rouge-gorge est un oiseau solitaire et plutôt agressif. C'est en m'y intéressant que j'ai réalisé que le monde animal était loin d'être tout rose et tout mignon (rires).
Actuellement, j'ai une fascination pour le renard, qui m'a fait faire le plus d'efforts et de sorties - jusqu'à 300 pour un seul individu, que j'ai suivi pendant presque 4 ans. C'est un peu LE prédateur à l'échelle de la ville, et il est incroyablement photogénique. »

Mr Mondialisation : L'oeil du photographe peut-il rendre de nouveau attrayants des animaux familiers et donc parfois peu considérés ?
Nicolas Davy : « Je pense qu'il existe différents cas de figure. Il y a celui des animaux qui perdent de leur superbe parce qu'on les voit trop, comme les pigeons ou les corneilles. Je pense qu'il est possible d'en réhabiliter certains qui sont mal vus, tels que les ragondins ou les rats. Pour ces derniers, j'essaie de ne me concentrer que sur des photos de rats « mignonnes », afin de faire oublier qu'ils mangent les poubelles - poubelles qui s'avèrent être les nôtres et que nous pourrions cesser de laisser traîner ou déborder.
Actuellement, sur mon exposition à Bercy, un pigeon est mis en avant sur l'une de mes photos. Je pense que cela peut avoir un effet positif, et pas uniquement sur l'esthétisme. Lors de mes conférences, j'essaie d'expliquer l'intérêt de tel ou tel animal. La beauté de la photographie peut susciter la discussion. Dès qu'on prend le temps d'observer un peu ces animaux, on réalise à quel point ils peuvent être fascinants. »
« Il se passe plein de choses en ville, il est possible d'y avoir un rapport à la nature. J'ai le sentiment que ça progresse et que les gens réalisent qu'ils peuvent agir, à leur échelle. »

Mr Mondialisation : Nous oublions parfois que la protection de la nature commence en bas de chez nous. Prendre soin des hérissons, des renard ou des oiseaux... est-ce accessible à tous ?
Nicolas Davy : « Oui : au lieu de s'intéresser à l'ours polaire pour lequel nous sommes impuissants, commençons par eux ! La photo a suscité mon intérêt pour la nature et la biodiversité, mais je reste un petit parisien et j'ai du mal à me représenter la disparition des espèces à grande échelle. En m'intéressant à ce qui est proche de chez moi, tangible, je ne peux que constater les faits.
À une échelle très locale, j'ai pu assister à la disparitions d'insectes ou du bouvreuil pivoine, un oiseau que l'on voyait voler avant en Île-de-France. De ce fait, je m'implique plus mentalement et m'ouvre davantage à ce qui se passe loin de chez moi.
Protéger le hérisson est tout aussi important que le panda ou l'éléphant, d'autant qu'on peut agir depuis chez soi en créant un jardin accueillant et sans danger, dans lequel il peut se réfugier, ou simplement en conduisant moins vite la nuit.
Il se passe plein de choses en ville, il est possible d'y avoir un rapport à la nature. J'ai le sentiment que ça progresse et que les gens réalisent qu'ils peuvent agir, à leur échelle. »

Mr Mondialisation : Quel rôle dans la biodiversité et la symbiose locales ces animaux ont-ils à jouer ?
Nicolas Davy : « Pour moi, il n'existe pas de notion d'utile ou d'inutile, et encore moins de nuisible - un mot qui me laisse « circonspect », pour rester poli ! Chaque animal a sa place et le mieux reste de ne rien faire. Les tentatives de régulations ne fonctionnent pas, ou mal. Je constate aussi, en échangeant avec les jardiniers urbains, que les choses évoluent : nous revenons à des espèces plus locales pour les plantations.
La typologie des parcs aujourd'hui n'est plus du tout la même, elle est bien moins stérile, il existe des haies et de nombreuses herbacées pour les animaux. On commence à laisser la nature refaire les choses par elle-même, et on parvient ainsi à faire revenir certaines espèces, comme au Père Lachaise où la chouette hulotte est revenue nicher après 12 ans de disparition. Ce genre d'observation, c'est juste formidable et cela nous rappelle que ces écosystèmes se portent mieux sans intervention humaine ! »
Une quinzaine de photos inédites de Nicolas Davy sont exposées dans le cadre de la BAP25 (Biennale d'Architecture et de Paysage), à Versailles et jusqu'à la fin de l'année 2025. Visibles au Jardin des étangs Gobert, ses clichés mettent en valeur la vie des animaux sauvages la nuit, en périphérie de la ville.
- Entretien réalisé par Renard Polaire
Source image d'en-tête : ©Nicolas Davy