« Justice pour Nahel et pour tous les autres ». Marche en mémoire de Nahel à Nanterre, le 30 juin 2024.© Henrique Campos / HAns Lucas
Avec 52 décès liés à une intervention des forces de l'ordre en 2024 et 50 en 2023, la hausse spectaculaire du nombre de décès liés à l'action de la police ou de la gendarmerie observée depuis 2020 se confirme. Toutes unités confondues, la police nationale est impliquée dans les deux tiers environ de la centaine d'interventions létales recensées. La police municipale est, elle, concernée par cinq affaires de ce type. De plus en plus sollicitées pour des missions de droit commun ou de maintien de l'ordre, les unités spéciales (GIGN, Raid...) sont impliquées dans une dizaine de décès, en particulier en Nouvelle-Calédonie. Ces décès recouvrent des situations très différentes qui ne préjugent en rien de la légitimité - ou non - du recours à la force. Nous abordons plus spécifiquement les affaires impliquant les personnes tuées par les forces de l'ordre alors qu'elles étaient armées dans cet article.
Le Raid a été épinglé pour avoir dissimulé pendant plusieurs semaines son rôle dans la mort de Mohamed Bendriss, 27 ans, décédé le 2 juillet 2023 à Marseille, en marge des révoltes urbaines qui suivent l'assassinat de Nahel par un policier, en région parisienne. Alors qu'il effectuait une livraison de repas à scooter, Mohamed Bendriss a reçu deux balles en caoutchouc tirées depuis un véhicule blindé du Raid, déployé dans les rues. Trois membres de l'unité ont été mis en examen pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ».
Les interventions policières létales en 2023 et 2024
La tendance à la forte hausse des interventions policières ayant entraîné la mort se confirme. Au moins 50 personnes ont été tuées en 2023 en lien avec une mission des forces de l'ordre et 52 en 2024.
© Christophe Andrieu / Basta!
Trois décès liés aux armes dites non létales
Les mal nommées armes « non létales » sont ainsi à l'origine de trois décès en deux ans. Outre la mort de Mohamed Bendriss, celle de Kyllian Samathi, employé dans une épicerie à Montfermeil (Seine-Saint-Denis), pose particulièrement question. Le 4 janvier 2024, Kyllian Samathi aurait présenté un « comportement agressif » alors qu'il travaille dans l'épicerie. Six policiers arrivent et usent d'une douzaine de décharges de pistolet à impulsion électrique Taser ainsi que de leur LBD. En arrêt cardiaque, Kyllian Samathi tombe dans le coma. Hospitalisé, il décède le lendemain. Le gérant de l'épicerie dément avoir appelé la police. Selon lui, à la suite de l'incident « ils ont tout nettoyé, les projectiles, les caméras... Plus rien n'était là ». Le parquet de Bobigny ouvre une information judiciaire « contre X pour violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l'autorité publique ».
Cinq personnes tuées par balle pour un « refus d'obtempérer »
Cinq personnes ont été tuées par balle alors qu'elles conduisaient ou étaient passagères d'une voiture tentant d'éviter un contrôle. L'IGPN note dans son dernier rapport une sensible baisse des tirs mortels sur les véhicules en mouvement par rapport aux treize décès par balle dans le cadre d'un « refus d'obtempérer » en 2022 - un funeste record ! Basta! révélait cette année-là que cinq fois plus de tirs mortels avaient pris pour cible des véhicules. En cause : l'article L435-1 de la loi du 28 février 2017 (passée sous le mandat de François Hollande) qui étend les règles d'usage d'arme à feu au-delà du cadre de la légitime défense sous certaines conditions. Cet article est très critiqué par plusieurs associations, à l'image du Syndicat des avocats de France (SAF), qu'elles considèrent comme un blanc-seing donné aux forces de l'ordre pour ouvrir le feu. Des chercheurs en sciences sociales ont confirmé cet effet du changement législatif sur le nombre de tirs mortels. Le SAF, les associations Flagrant déni et Stop aux violences d'État viennent de saisir à ce sujet le rapporteur spécial de l'Onu sur les exécutions extra-judiciaires.