M.A.
Premier Ministre hongrois Viktor Orban
TUCAT AFP
Budapest contre Bruxelles, énième épisode. Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, a affirmé samedi que son gouvernement soutiendrait l'adoption à l'unanimité du prochain budget pluriannuel de l'Union européenne à une condition : le déblocage de l'ensemble des fonds européens actuellement gelés. Le dirigeant magyar a dénoncé la direction actuelle de l'UE, l'accusant de vouloir installer un "gouvernement pro-Ukraine et pro-Bruxelles" en Hongrie.
L'histoire du gel des fonds européens destinés à la Hongrie remonte à plusieurs années de tension entre Budapest et Bruxelles, surtout autour des questions d'État de droit. Depuis 2021, l'Union européenne a décidé de bloquer des dizaines de milliards d'euros d'aides destinées à la Hongrie, invoquant des reculs dans l'indépendance de la justice, la lutte contre la corruption, et plus globalement des "dérives autoritaires" du gouvernement de Viktor Orbán. Initialement, environ 30 milliards d'euros étaient gelés, englobant à la fois des fonds de cohésion et des aides de relance post-Covid.
Budapest revient à la charge
Face à cette pression financière, la Hongrie a utilisé à plusieurs reprises son droit de veto lors de négociations européennes, notamment sur les questions de soutien militaire et financier à l'Ukraine. En décembre 2023, un compromis majeur est trouvé : l'UE a accepté de débloquer environ 10,2 milliards d'euros pour la Hongrie. Officiellement, la Commission a justifié le déblocage de ces fonds par les avancées de la Hongrie en matière de réformes judiciaires.
Mais cet épisode est intervenu dans un contexte stratégique : Orbán menaçait de bloquer des décisions clés, dont une enveloppe d'aide financière massive pour l'Ukraine ainsi que l'ouverture de négociations d'adhésion à l'UE pour Kiev. Plusieurs membres du Parlement européen ont dénoncé ce compromis comme un "deal politique", accusant Bruxelles d'avoir "cédé au chantage" de la Hongrie.
Malgré ce déblocage, la majorité des fonds européens destinés à la Hongrie demeure gelée. À l'été 2025, 18 à 19 milliards d'euros restent suspendus. L'UE continue d'exiger des avancées concrètes : la transparence des financements de la vie publique, l'indépendance des médias ou encore la lutte contre la corruption de haut niveau. Une part de ces fonds pourrait même être définitivement perdue si les réformes exigées ne voient pas le jour. À cela s'ajoutent des pénalités financières appliquées par Bruxelles à la Hongrie pour non-respect de certaines décisions de la Cour de justice de l'Union européenne. Des amendes directement récupérées sur les dotations européennes de l'UE.
Les 26 autres États membres ont jusque-là réussi à faire adopter des initiatives ou des réformes malgré le rejet de la Hongrie, notamment celles qui ont été votées à la majorité comme le Pacte européen sur la migration et l'asile ou encore certaines règles du Green Deal. A l'opposé, les votes à l'unanimité laissent toujours place à un bras de fer entre les deux parties.
Le vote du prochain budget pluriannuel de l'UE vient ainsi s'ajouter à une longue liste d'antécédents. Début juillet, la Commission européenne a présenté un budget de 2 000 milliards d'euros pour la période 2028-2034, avec un accent mis sur la "compétitivité économique" et la "défense".
Orban brandit son veto et critique l'UE
Samedi, Viktor Orban a affirmé que son gouvernement opposerait son veto à ce projet si Bruxelles ne lève pas le gel sur le reste des fonds européens destinés à la Hongrie. "Le gouvernement hongrois ne soutiendra pas le nouveau budget de sept ans de l'UE tant que tous les fonds suspendus ne seront pas débloqués", a-t-il affirmé lors d'un discours à une université d'été en Transylvanie.
"L'approbation du nouveau budget de sept ans nécessite l'unanimité et tant que nous n'aurons pas récupéré les fonds restants, il n'y aura pas de nouveau budget européen", a-t-il rappelé.
Le PM hongrois a par la même occasion accusé l'UE et la CE, des "bureaucrates mondialistes", de vouloir "aspirer l'argent de l'Europe vers l'Ukraine", au moment où "nos agriculteurs se lèvent pour défendre leur avenir".
Viktor Orban en a rajouté en critiquant la direction actuelle de l'UE, notamment ses "faiblesses" face à Washington et son intention d'imposer des droits de douanes supplémentaires, qui font actuellement l'objet de négociations entre Bruxelles et les États-Unis. "L'actuelle direction de l'UE sera toujours la dernière à signer des accords avec les États-Unis, et toujours les plus mauvais accords", a-t-il dénoncé.
Le dirigeant hongrois a aussi affirmé que l'Union européenne a des volontés d'installer un gouvernement "pro-Ukraine et pro-Bruxelles" en Hongrie lors des prochaines élections nationales, qui auront lieu en 2026.