30/07/2025 mrmondialisation.org  8min #285755

Martinets et hirondelles : victimes des canicules et de la loi Duplomb

Les martinets et les hirondelles sont deux espèces d'oiseaux particulièrement menacées par le réchauffement climatique et ses épisodes caniculaires. Elles sont également victimes de l'érosion de la biodiversité, accélérée par  les pratiques agro-industrielles encouragées par la loi Duplomb.

Entre canicules et épisodes de sécheresse, le tout sur fond de changement climatique, de nombreuses espèces d'oiseaux - en particulier les espèces dites cavernicoles (qui nichent dans les cavités, sous les toits ou dans les bâtiments) - sont menacées.

Les conséquences sont particulièrement dramatiques pour les martinets et les hirondelles, deux espèces déjà fragilisées par la raréfaction des insectes, les modifications de leurs habitats et l'impact des pesticides.

Le martinet : un oiseau méconnu

Hirondelles et martinets sont souvent confondus. Pourtant, le martinet, appartenant à la famille des Apodidés, regroupe plusieurs espèces d'oiseaux migrateurs : le plus commun, le martinet noir, le martinet à ventre blanc, dit aussi martinet alpin, et le martinet pâle, présent seulement en région méditerranéenne.

Ces oiseaux formidables passent très peu de temps au sol. Une étude de la station ornithologique suisse de Sempach a d'ailleurs enregistré un spécimen qui est resté plus de six mois sans se poser (source :  Science et avenir). Les martinets noirs spécifiquement, passent presque 99 % du temps en vol, en dehors des périodes de reproduction, ce qui peut représenter un vol continu de dix mois.

Ce « voleur fou » est capable de boire en vol, simplement en ouvrant légèrement le bec... et en rasant l'eau, se reproduit en vol, ou encore, trouve de quoi fabriquer son nid... en vol. Pour dormir, très simple : il se laisse tomber dans les airs, en faisant dormir successivement l'hémisphère droit puis le gauche.

Les martinets noirs, principales victimes de la chaleur

Tandis que les martinets affluent en France de mai à juillet, le centre de soins de Pont de Gau dans la réserve naturelle de Camargue a dû fermer ses portes aux nouveaux arrivants à cause de leur trop forte affluence, selon  France 3 PACA.

En cause :  les températures pouvant avoisiner les 40 à 60 degrés sous les toits, transformant les nids en mouroir. En fuyant la chaleur, les oisillons risquent la mort quasi certaine : chute, épuisement ou prédation par les chats.


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Les canicules assassinent les martinets

Il y a 10 ans, l'épisode caniculaire de juillet 2015 était une hécatombe : des centaines de jeunes martinets noirs avaient été recueillis partout en France, dépassant la capacité des centres de soins, un phénomène qui se répète tragiquement à chaque nouvelle vague de chaleur. Marine Vannier, responsable du centre de soins de Pont de Gau, explique :

« Les martinets nichent sous les tuiles, ils meurent de chaud et les petits se jettent du nid. On les ramasse par terre après »

Elle ajoute : « dimanche, on a accueilli une quarantaine de martinets. On a atteint des chiffres records, c'est démesuré. Ça a commencé dans la semaine, et ça n'a fait qu'augmenter. Il y a eu des années chaudes avec beaucoup d'accueils, comme en 2022, mais à ce niveau, c'est la première fois. » De fait, même si, par chance, la chute du nid n'entraîne pas de blessure particulière, les petits sont condamnés car leurs parents ne sont plus en mesure de s'en occuper.

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Le problème avec ses pics de chaleur extrême, c'est la période et la récurrence. La reproduction des martinets a lieu entre mai et juillet, période durant laquelle un épisode caniculaire peut leur être fatal. « Lorsque cela arrive en août, les conséquences ne sont pas les mêmes », explique Marine Vannier. Effet papillon, les oisillons sont souvent très déshydratés à leur arrivée au centre et il est parfois trop tard.

Les hirondelles : la triple peine !


Vincent Van Zaligue - avec toutes autorisations - Unsplash

Les hirondelles, oiseaux migrateurs qui installent leurs nids dans des habitations comme les granges et les étables, sont aussi en difficulté depuis plusieurs années. Il en existe plusieurs espèces, à savoir - les plus connues - l'hirondelle de fenêtre et l'hirondelle rustique - mais aussi l'hirondelle rousseline, de rocher ou de rivage, plus difficiles à observer.

Malgré  l'arrêt ministériel de 2009 pour les protéger, elles demeurent en situation de « préoccupation mineure » selon le classement de l'UICN, et certaines associations comme la LPO organisent chaque année un programme de comptages des nids d'hirondelles pour mieux identifier leur population.

Des effectifs en chute libre

D'après l'article  Hirondelles un symbole de printemps en danger, paru sur le site de l'OFB, les hirondelles ont vu leurs effectifs chuter : baisse de 42 % pour l'hirondelle de fenêtre et de 8 % pour l'hirondelle rustique depuis 1989 selon le Suivi Temporel des Oiseaux Communs (STOC) coordonné par le Muséum national d'Histoire naturelle et la LPO.

En cause : une baisse de la ressource alimentaire par l'emploi d'insecticides (que pourtant la loi Duplomb veut promouvoir), la destruction directe des nids dans les vieilles constructions (pourtant passible d'une amende de 150 000 euros et 3 ans d'emprisonnement). L'hirondelle de fenêtre, spécifiquement, est inscrite sur la Liste Rouge des espèces menacées en France. Son statut, déterminé selon les critères de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), est passé de « peu concerné » (Low Concerned) en 2008 à « quasi-menacé » (Near Threatened) en 2016.

Un effet boule de neige qui aggrave la situation

Leur caractère cavernicole les pousse à nicher dans de vieilles bâtisses pour y construire des nids à base de boue, réutilisés d'une année à l'autre. De la même manière que les martinets, les hirondelles vont subir de plein fouet les épisodes de fortes chaleurs ; des épisodes aggravés par la raréfaction des insectes, leur principale source de nourriture, bombardés d'insecticides en période estivale. Les adultes peuvent aussi être contraints d'abandonner leur couvée si la température excède le seuil de tolérance à la chaleur, ou si la déshydratation devient trop forte.

In fine, ces périodes de chaleur empêchent les hirondelles de constituer les réserves de graisse nécessaires à leur migration, augmentant la mortalité lors de leur périple vers le continent africain. De plus, quand les jeunes oisillons, entassés dans les nids lors de canicules, tentent de prendre l'air pour éviter la suffocation, les plus faibles tombent souvent au sol et succombent aux prédateurs.

« Les martinets vont généralement utiliser les grands bâtiments pour faire leurs nids, mais ce n'est pas le cas des hirondelles qui fabriquent leurs propres nids avec de la boue. Et la sécheresse fragilise les nids, qui peuvent se casser, entraînant la chute des juvéniles »

C'est ce qu'explique Laure Labarthe, directrice du centre Paloume. « La sécheresse peut aussi conduire les adultes à parcourir des kilomètres pour trouver de la boue, ce qui les épuise et les empêche de nourrir correctement leurs petits », ajoute-t-elle.

Autres espèces touchées

Outre les martinets et les hirondelles, d'autres espèces, comme  le merle noir, le moineau domestique ou le rouge-queue noir, sont également cités comme particulièrement exposés à cette mortalité accrue liée à la chaleur excessive, en raison de leurs habitudes de nidification sous les toitures et dans les cavités maçonnées. Chez les hirondelles de fenêtre comme chez les moineaux, la désorganisation des soins parentaux, la déshydratation et l'échauffement des nids mènent à la perte d'un grand nombre de poussins.

Le moineau, déjà en difficulté du fait de la compétition alimentaire, « inféodé aux milieux urbains » comme le souligne  cet article du CNRS est fortement menacé : « il dépend des hommes pour son habitat et sa nourriture en ville, indique Frédéric Angelier, chercheur au Centre d'études biologiques de Chizé (CEBC), il est de ce fait confronté à toutes les transformations, parfois agressives, de cet environnement. »

De plus petite taille que la moyenne, les moineaux des villes ont pourtant une moindre adaptation à celle-ci. En cause, le déclin des insectes, en lien avec la loi Duplomb; une réalité qui rappelle, une fois encore, l'interdépendance de tout le vivant.

Maureen Damman

Photo de couverture par  Hans Schwarzkopf de  Pixabay

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