08/08/2009 plumedepresse.com  3min #29935

Patrick Ouart : le reniement au rang des Beaux-Arts

samedi 8 août 2009, par  Olivier Bonnet

Patrick Ouart, le conseiller Justice du président Sarkozy - qui n'aurait pas dû  nous chercher des noises - est un homme de principes et de convictions. Enfin, il l'était en tout cas il y a vingt ans : "Une âme qui lui secoue la plume quand, le 16 janvier 1989, dans une lettre ouverte au garde des Sceaux de l’époque, Pierre Arpaillange, il s’indigne des pratiques de la Chancellerie,  rapporte Bakchich : « Il est clair que la magistrature ne saurait en tout état de cause admettre que certains de ses membres se voient mutés contre leur vœu formel, librement et spontanément exprimé sans pressions ni menaces ». Une saillie qui rend un peu plus assourdissant le silence de ce même Ouart, vingt ans après, quand Rachida Dati, contre l’avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et de l’intéressé, mute le procureur général d’Agen à la Cour de cassation." L'article de Bakchich évoque le cas de Bernard Blais, muté tellement contre son gré qu'il a déposé en vain un  recours devant le Conseil d'Etat. Simon Piel, auteur du papier, l'écrit le 19 juin. Un peu plus tard, il eût sans nul doute choisi un autre exemple, celui de Marc Robert, procureur général de la Cour d’appel de Riom. Lui aussi a été muté contre son gré, lui aussi a déposé un recours devant le Conseil d'Etat, mais il faut signaler le rôle très personnel tenu par Patrick Ouart dans cette affaire : comme nous le narrons dans  Mutation illégale d’un procureur "rebelle" par l’Élysée, billet nous ayant valu les foudres du conseiller Justice du président, il est intervenu contre toute attente durant la réunion du CSM censée étudier ce cas pour s'opposer à ce que Rachida Dati, alors ministre de la Justice présidant la séance, n'enlève ce point de l'ordre du jour. Ouart, simple conseiller, n'ayant pas qualité pour le faire, l'avis du CSM n'a pas été rendu et le décret de mutation du procureur qui a pourtant suivi, mentionnant "après avis du CSM", est illégal, de même que le procès verbal de la réunion, qui ne mentionne pas le fait que Dati ait retiré le point de l'ordre du jour.

Conclusion : alors qu'il était membre de l'Association professionnelle des magistrats (organisation très à droite), le jeune Ouart avait des principes et des convictions, qui défendaient l'indépendance de la justice. Il trouvait donc inadmissible que certains membres de la magistrature soient mutés "contre leur voeu". Mais une fois dans l'antichambre du pouvoir sarkozyste - on lui prête le rôle officieux de ministre bis -, plus question de soutenir la même noble position : les gêneurs, ceux qui ne s'alignent pas avec le doigt sur la couture du pantalon, il faut qu'ils dégagent, coûte que coûte ! C'est le cas de Marc Robert, coupable de ne pas avoir sauté de joie devant la réforme de la carte judiciaire puis d'avoir fait part de ses réserves concernant la suppression du juge d'instruction, projet éminemment dangereux pour l'indépendance de la justice et qui est l'oeuvre de... Patrick Ouart. Qui n'aura donc de cesse d'avoir sa peau, s'asseyant sans scrupules sur ses jolis idéaux de jeunesse. Le reniement à ce point-là, Patrick Ouart l'élève au rang des Beaux-Arts.

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