11/06/2007  4min #9312

47 - Quand la politique naîtra de l'étonnement

Le 11 de la Lune de Gemmadi

Uzbek à Rhedi,

Trahir à visage découvert et toute honte bue est une mode passagère: le vrai tragique de l'histoire se pare d'invisibilité. Certes, on commence d'entendre quelques commentateurs tout apeurés de paraître mal servir leur maître.

Mais pour l'instant personne ne se risque à rappeler, même à mi-voix, que l'Angleterre et ses satellites européens sont farouchement opposés aux retrouvailles du Continent de Copernic avec sa souveraineté ; personne ne confesse que l'Europe des industriels et des marchands est occupée par quatre-vingt dix puissants camps militaires de l'étranger dans la seule Allemagne et par une soixantaine en Italie ; personne n'avoue qu'aucune indépendance politique réelle n'est seulement imaginable sous la domination d'un empire étranger. On attend un Saladin de l'Europe.

L'Ecole de Paris observe la quasi disparition des esprits qu'étonnerait le moins du monde la présence de guerriers d'outre Atlantique armés jusqu'aux dents sur le territoire d'une Europe châtrée de toute volonté politique, tellement la domestication la plus irréversible n'est même plus consciente d'elle-même. Le monde tel qu'il est va de soi. Mais il surgira un athlète de l'histoire pour dire : " Que faites-vous là ? Allez-vous-en. " L'Ecole le sait . Elle sait également que l'heure flottante entre la lumière et les ténèbres est la plus féconde pour une plongée , le poignard à la main, dans l'abîme où " Dieu " se révèle une idole en apprentissage de l'intelligence à venir du simianthrope ; elle sait également que le regard des Isaïe de demain sur l'animalité de Dieu est la clé du futur "Connais-toi".

Si le Vieux Monde retrouvait une ossature et une musculature , dit-elle, son bras armé courrait au sacrilège de bouter l'étranger hors de l'Europe ; mais l'armure de Jeanne d'Arc réfléchit un soleil trop aveuglant, tandis que, dans une pénombre désarmée, il devient possible d'observer non seulement les fondements semi zoologique de la politique et les relations que le simianthrope entretient encore de nos jours avec le chimpanzé, mais également les origines de la démocratie chez un quadrumane à fourrure, la construction ventrale de la notion d'intelligibilité dans les sciences de la nature, la confusion des faits avec les signes au cœur de la preuve dite " expérimentale ", l'animalité de la politique divine du Déluge et des tortures infernales, la construction en miroir d'un " créateur " et cent autres profanations sacrilèges dont mon aïeul traiterait de nos jours, non point afin d'armer une seconde révolution de 1789, mais afin de porter l'Europe sur les fonts baptismaux d'une mutation des intelligences sans laquelle le continent de la pensée descendra dans un Erèbe éternel.

L'Ecole a appris les stratégies du génie à l'école de la mort des civilisations. Elle sait que l'intelligentsia européenne mettra encore dix ans pour seulement murmurer du bout des lèvres les lois multimillénaires qui commandent l'expansion des empires . Elle sait que si tout le monde se félicite maintenant bruyamment de ce que la France ne soit pas allée en 2003 se placer sous la bannière des Etats-Unis aux côtés de huit Etats européens vassalisés jusqu'à la moelle, personne n'a encore compris qu'il ne s'agissait en rien d'un coup de tête irraisonné de Washington , mais d'une offensive réfléchie et qui répondait aux lois qui commandent l'expansion méthodique des empires. Elle sait que la vraie question est de savoir si l'essor de l'empire de la "liberté" sera brisé par une défaite qui se révélerait locale et momentanée ou bien si son offensive vers tout le Moyen Orient reprendra son cours implacable après une interruption aussi brève qu'intempestive; elle sait que personne ne se demande encore si le renvoi énergique des armées du Nouveau Monde dans leur patrie redonnerait à une Europe domestiquée depuis soixante ans la volonté de s'armer afin d'assumer à nouveaux frais la responsabilité de leur destin qui définit les nations souveraines. Pis encore : elle sait que, dans ce cas, les Etats-Unis scelleraient des traités d'occupation perpétuelle avec les pays de l'Est, d'un côté et avec les Etats de l'Ouest et du Nord de l'Europe, de l'autre - la Hollande et la Suède - tellement il suffit d'établir des têtes de pont durables dans les civilisations accoutumées à servir pour les expulser de l'arène de l'histoire.

C'est pourquoi l'Ecole de Paris profite de la menace de mort qui pèse sur l'Europe pour poser les fondements d'une civilisation des sacrilèges, parce qu'elle sait que l'encéphale du genre simiohumain n'a jamais été fécondé qu'à l'école du génie des grands profanateurs ; et elle se dit qu'aussi longtemps que les délices de la servitude en font oublier le prix, les peuples ne souffrent pas du joug de leur vassalité. Mais sitôt qu'ils se trouvent contraints de regarder leur mort en face, leur espérance de renaître leur rappelle que l'Ecole des tombeaux est aussi celle des résurrections.

Voilà mon cher Rhedi , les raisons pour lesquelles je te raconte en apprenti et jour après jour ce que mes faibles lumières retiennent de l'enseignement des grands simianthropologues français.

Le 4 juin 2007

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