Par Story Ember Legaïe, le 14 avril 2025
La déshumanisation n'est pas seulement l'outil de l'oppresseur, c'est le schéma directeur du génocide. Et trop souvent, nous reproduisons sa logique sans nous en rendre compte. Dans la colère. Dans les mèmes. Dans les discours destinés à faire mouche. Mais le langage a des incidences, surtout lorsqu'il brouille la frontière entre dénoncer un préjudice, et incarner la logique de l'anéantissement.
Soyons clairs :
- "Tu es une salope" ne signifie pas la même chose que "Tu agis comme une salope".
- La première expression réduit quelqu'un à une insulte. Elle réduit son être tout entier à un objet jetable.
- La seconde, bien que toujours offensante, définit un comportement, et non une identité.
Il ne s'agit pas de contrôler le ton, mais de prendre conscience du processus d'effacement.
Lorsque vous réduisez une personne à une insulte, un stéréotype ou une caractéristique unique, vous ne faites pas que l'insulter. Vous mettez en œuvre la même violence rhétorique que celle utilisée pour justifier le génocide, l'emprisonnement et l'extermination.
C'est ainsi que cela commence :
- "Ce sont des animaux"
- "Ils sont tous pareils"
- "Ce sont des monstres"
- "Ils ne ressentent pas la douleur"
- "Ils ne sont pas humains"
Vous avez déjà entendu ces phrases, car elles ont été utilisées à chaque génocide.
De l'Allemagne nazie aux radios rwandaises. De la rhétorique sioniste sur les Palestiniens aux propos des policiers américains sur les jeunes Noirs.
La déshumanisation précède toujours la violence de masse.
Elle lubrifie les engrenages de la mort.
Ainsi, lorsque nous déshumanisons, même pour "nous défouler", même "nos ennemis", nous faisons écho à un système que nous prétendons démanteler. Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas nous mettre en colère. Cela signifie que notre colère doit être fondée sur des principes.
Dénoncez la violence. Dénoncez les agresseurs. Disséquez la cruauté.
Mais ne devenez pas le reflet de ce que nous essayons de détruire.
Rendez à l'homme sa dignité dans la rébellion.
Non pas parce qu'ils le méritent, mais parce que nous le méritons.
Parce que notre libération ne reposera jamais sur les mêmes bases que leur génocide.
Marginalia Subversiva