15/04/2025 ssofidelis.substack.com  21min #275020

Qui sont les vrais barbares sur cette planète ?

Par Aviva Chomsky, le 10 avril 2025

Préambule

Au cours de son deuxième mandat, Donald Trump a eu  quelques difficultés à tenir ses promesses d'expulser un milliard d'immigrants non blancs. Mais il faut lui reconnaître un certain mérite. Il a  réussi à expulser l'un d'entre eux, l'ambassadeur d'Afrique du Sud aux États-Unis, Ebrahim Rasool. Né en Afrique du Sud sous l'apartheid (comme, d'ailleurs, Elon Musk) dans une famille musulmane aux origines métissées (anglaise, javanaise, néerlandaise et indienne), il a grandi avec le statut de "métis" dans le sinistre système d'apartheid de l'époque. Enfant, sa famille a même été expulsée de chez elle après que le quartier a été déclaré banlieue "réservée aux Blancs". Il a en effet rejoint le mouvement anti-apartheid et a été emprisonné.

Aujourd'hui, il a été condamné de nouveau, par le président Trump et (vraisemblablement) Elon Musk. Il a été  littéralement expulsé des États-Unis, le secrétaire d'État Marco Rubio le qualifiant de "persona non grata" et de "politicien incitant à la haine raciale" (pour avoir critiqué le président Trump, accusé de diriger un "mouvement suprémaciste blanc" aux États-Unis et à l'étranger).

Attention, il s'agit du président qui a  coupé toute aide à l'Afrique du Sud en raison d'une supposée "discrimination raciale injuste" contre les Afrikaners blancs (peu importe que, bien qu'ils ne représentent que 7 % de la population, ils  possèdent encore plus de 70 % des terres agricoles privées du pays) et qui, alors que son administration consacre son énergie à expulser les immigrants non blancs de ce pays, n'a accueilli  qu'un seul groupe important d'étrangers, leur promettant refuge ici (même s'ils n'en ont pas besoin) avec un programme appelé "Mission Afrique du Sud". Il s'agit bien sûr des Afrikaners blancs !

Sur quelle étrange planète nous trouvons-nous maintenant ? Et si vous vous demandez à quel point elle est étrange, laissez Aviva Chomsky, collaboratrice régulière de  Tom Dispatch, de vous immerger dans un monde - le nôtre, en l'occurrence - qui, comme elle le souligne, ne cesse de s'embourber dans le colonialisme (du moins à Washington) au fil des ans, qu'il s'agisse des réactions de Donald Trump à l'égard de l'Afrique du Sud, d'Israël et des Palestiniens, ou des immigrants de tous bords dans ce pays. - Tom

Trump & la Palestine

Une vision coloniale immortelle

Par  Aviva Chomsky, le 10 avril 2025

D'après la vision coloniale du monde - et, à son étrange manière, celle de Donald Trump est on ne peut plus coloniale -, les colonisateurs européens blancs passaient pour des phares de la civilisation, de la rationalité et du progrès, confrontés à de dangereuses hordes barbares au-delà (et même parfois à l'intérieur) de leurs propres frontières. La violence coloniale se justifiait alors comme la forme nécessaire d'autodéfense pour dompter les débordements irrationnels de brutalité chez les colonisés. Pour comprendre la dévotion bipartite des États-Unis à Israël, y compris la glorification de la violence israélienne et la diabolisation des Palestiniens, ainsi que les récentes attaques de l'administration Trump contre l'Afrique du Sud noire, les étudiants militants et les immigrants, la compréhension de cette vision du monde est essentielle.

Sur l'île caribéenne de la Barbade, la loi de 1688 de la Grande-Bretagne "Pour le gouvernement des Nègres" a proclamé que

"les Nègres [...] sont de nature barbare, sauvage et féroce, et qu'ils sont donc totalement impropres à être gouvernés par les lois, coutumes et pratiques de notre nation : Il devient donc absolument impératif que d'autres Constitutions, Lois et Ordonnances soient élaborées et promulguées pour bien les réguler ou les régenter, afin de limiter les désordres, les pillages et les barbaries auxquels ils sont naturellement enclins".

En lisant récemment ces mots, un étrange écho m'est revenu à l'esprit, celui du président Trump s'exprimant sur les immigrés, les Palestiniens et les Noirs sud-africains. Le texte de cette loi illustrait ce qui allait devenir l'idéologie coloniale de longue date : les colonisés sont, de manière imprévisible, "barbares, sauvages et féroces" et doivent donc être gouvernés par la puissance colonisatrice avec un corpus de lois (sévères) distinct. Et - bien que cela ne soit pas directement énoncé - doivent se voir attribuer un statut juridique qui les distingue de celui, investi de droits, que les colonisateurs se sont octroyé. En raison de leur "nature barbare, sauvage et féroce", la violence est inévitable pour les maintenir sous contrôle.

La colonisation consiste à envoyer des Européens blancs affronter ces peuples supposés dangereux dans leur propre patrie, souvent lointaine. Elle consiste également, comme à la Barbade, à envoyer des populations supposées dangereuses en des lieux nouveaux et à recourir à la violence et à des lois brutales pour les y contrôler. Aux États-Unis, cela a signifié qu'il fallait tenter de déplacer ou d'éliminer ce que la Déclaration d'indépendance  appelait des "sauvages indiens sans pitié" et  justifier la violence des Blancs à l'aide de codes esclavagistes basés sur celui que les Britanniques utilisaient à la Barbade face à la menace omniprésente que représentaient soi-disant les Noirs réduits en esclavage.

Cette sinistre loi de 1688 a également révélé comment le colonialisme a brouillé les frontières entre l'Europe et ses colonies. Alors qu'elle s'étendait de plus en plus, l'Europe expansionniste a rassemblé dans les mêmes lieux les Européens détenteurs de droits et les exclus, opprimés ou dominés par la colonisation, l'esclavage, les transports et la guerre. Les Africains réduits en esclavage vivaient sur le territoire, mais hors du système juridique. Cette expansion a requis la violence, ainsi que des structures juridiques et des idéologies élaborées pour imposer et justifier qui est digne de ce statut et qui ne le sera jamais, et - oui ! - encore plus de violence pour faire perdurer le système.

Des concepts toujours bien ancrés

Les héritages du colonialisme et l'ensemble des idées qui sous-tendent la loi de 1688 sont toujours bien vivaces et continuent de cibler les peuples anciennement colonisés (et toujours colonisés).

Face à un monde de plus en plus instable, en raison des guerres, des politiques et des pressions croissantes liées au changement climatique, de plus en plus de peuples ont tenté de quitter leurs pays en difficulté pour émigrer en Europe et aux États-Unis. Là-bas, ils sont confrontés à une vague grandissante de racisme anti-immigrés qui n'est que la version moderne du racisme colonial d'antan. L'Europe et les États-Unis se réservent bien sûr le droit de refuser l'entrée ou d'accorder un statut partiel, temporaire, révocable et limité à bon nombre de ceux qui cherchent refuge dans leur pays. Ces différents statuts signifient qu'ils sont soumis à des systèmes juridiques distincts une fois sur le territoire. Dans l'Amérique de Donald Trump, par exemple, les États-Unis peuvent détenir et expulser même les détenteurs de la carte verte à leur guise, en prétendant simplement que leur présence constitue une menace, comme dans le cas du diplômé de l'université Columbia et militant palestinien  Mahmoud Khalil, arrêté à New York puis rapidement placé en détention  en Louisiane.

Le racisme colonial explique en partie la complaisance de l'administration Trump à l'égard de la violence israélienne contre les Palestiniens. À la manière des puissances coloniales, Israël s'appuie sur des lois qui accordent tous les droits à certains, tout en justifiant la répression (voire le génocide) pour d'autres. La violence israélienne, à l'instar du code barbadien de l'esclavage, cherche toujours à "contenir les troubles, les pillages et les actes inhumains auxquels [les Palestiniens] sont naturellement enclins".

L'Afrique du Sud, bien sûr, est toujours aux prises avec son héritage colonial et postcolonial, dont des décennies d'apartheid, qui ont créé des structures politiques et juridiques privilégiant massivement la population blanche. Et si l'apartheid est désormais un héritage du passé, les velléités actuelles de réparer ses préjudices, comme la  loi sur la réforme agraire de janvier 2025, n'ont fait qu'attiser la colère du président Trump, comme en témoignent ses réactions aux tentatives les plus modestes de promouvoir la "diversité, l'équité et l'inclusion" (ou l'abréviation redoutée de l'ère Trump, DEI) dans les institutions américaines, de l'armée aux universités.

Israël, cependant, reste un parangon de vertu et de gloire aux yeux de Trump. Ses multiples structures juridiques continuent de priver les Palestiniens de leurs droits, les reléguant à une diaspora et interdits de retour, sous une occupation militaire dévastatrice, sous la constante  menace d'expulsion de la Cisjordanie et de Gaza occupées, et dans Jérusalem-Est occupée, où ils sont résidents israéliens mais pas citoyens à part entière et  soumis à de multiples exclusions juridiques en tant que non-juifs. (Donald Trump, bien sûr, nourrissait un fantasme comparable lorsqu'il a  imaginé reconstruire Gaza en "Riviera" du Moyen-Orient, tout en expulsant les Palestiniens de la région.) Même ceux qui sont citoyens d'Israël se voient explicitement refuser une identité, et sont soumis à de nombreuses lois  fondées sur la discrimination, dans un pays qui  prétend être "la patrie du peuple juif" et où les Palestiniens déplacés n'ont pas le droit de retour, alors même que "les colonies juives constituent une richesse nationale".

Discrimination positive ou négative

Dernièrement, bien sûr, les politiciens et les experts d'extrême droite de ce pays ont dénoncé toutes les politiques prônant une protection spécifique, voire une reconnaissance académique ou juridique, des groupes longtemps marginalisés. Ils ont autrefois qualifié avec dérision toutes ces initiatives de "théorie critique de la race" et dénoncent aujourd'hui les programmes DEI comme étant source de division et - oui ! - discriminatoires, insistant pour qu'ils soient démantelés ou abolis.

Parallèlement, deux communautés ont été protégées par ces mêmes acteurs de droite : les Sud-Africains blancs et les Juifs. Dans son décret de février visant à réduire l'aide à l'Afrique du Sud et à accorder le statut de réfugié aux Sud-Africains blancs afrikaners (et à eux seuls), Trump  a accusé le gouvernement sud-africain d'avoir mis en place "d'innombrables [...] politiques visant à démanteler l'égalité des chances en matière d'emploi, d'éducation et d'affaires". Peu importe qu'une telle vision de l'Afrique du Sud relève de la fiction  pure et simple. Ce qu'il voulait dire, bien sûr, c'est qu'ils sont en train de renverser les politiques héritées de l'apartheid privilégiant les Blancs.

Au même moment, son administration a  démantelé les politiques d'égalité des chances en vigueur aux États-Unis, les qualifiant de "programmes de discrimination illégaux et immoraux, sous couvert de diversité, d'équité et d'inclusion (DEI)". La différence ? Le président Trump est fier de s'attaquer aux politiques qui créent des opportunités pour les personnes de couleur, tout comme il s'était indigné de la  loi sur la réforme agraire en Afrique du Sud qui a érodé le privilège historique des propriétaires terriens blancs. Son attaque contre la DEI traduit sa volonté de nier l'idée même de l'égalité d'accès de facto pour les citoyens (en particulier les personnes de couleur) à qui elle a longtemps été refusée.

Trump et ses alliés sont également obsédés par "l'explosion de l'antisémitisme"  dénoncée par son décret du 30 janvier. Contrairement aux Noirs, aux Amérindiens, aux Hispaniques, aux LGBTQIA+ ou à d'autres groupes historiquement marginalisés aux États-Unis, les Juifs américains, comme les Afrikaners, sont considérés comme un groupe méritant une protection spéciale.

Mais d'où vient donc cette prétendue "explosion" d'antisémitisme ? La réponse : "des extrémistes de gauche et des extrémistes pro-Hamas" qui,  selon Donald Trump, mènent "une campagne d'intimidation, de vandalisme et de violence sur les campus et dans les rues des États-Unis". En d'autres termes, la menace barbare omniprésente est désormais incarnée par des "extrémistes" et des "radicaux" qui s'opposent à la violence coloniale israélienne et à un ordre mondial dominé par les États-Unis.

Et, surtout, tous les Juifs ne méritent pas pareille protection, seulement ceux qui s'identifient à la violence coloniale d'Israël et lui apportent leur soutien. L'obsession actuelle de la droite américaine pour l'antisémitisme n'a que peu à voir avec les droits des Juifs en général et tout à voir avec son engagement envers Israël.

Même le moindre écart de son soutien inconditionnel à la violence israélienne a valu au chef de la minorité au Sénat, Chuck Schumer, le rejet  de Trump, qui l'a qualifié de "fervent soutien du Hamas", et a ajouté : "Il est devenu palestinien. Il était juif. Il n'est plus juif. Il est palestinien". Apparemment, pour Trump, le mot "Palestinien" lui-même est une insulte.

Une violence israélienne "stupéfiante", et des Palestiniens "barbares"

Les médias américains et les responsables des deux partis ont généralement célébré la violence israélienne. En septembre 2024, le New York Times  a fait référence aux "deux jours d'attaques stupéfiantes d'Israël qui ont fait exploser des téléavertisseurs et des radios portables à travers le Liban", tuant des dizaines de personnes et en mutilant des milliers d'autres. Un titre du Washington Post  qualifiait cela "d'attaque des téléavertisseurs d'Israël, un triomphe du renseignement". Le président Joe Biden a ensuite  salué l'assassinat par Israël de Hassan Nasrallah du Hezbollah en septembre comme étant "justice rendue" et  qualifié l'assassinat par Israël de Yahya Sinwar du Hamas un mois plus tard de "bonne journée pour Israël, pour les États-Unis comme pour le reste du monde". Concernant le meurtre par Israël du négociateur en chef du Hamas, Ismaël Haniyeh, en août, au beau milieu des négociations de cessez-le-feu organisées par les États-Unis, M. Biden n'a pu que  déplorer le fait que cela "n'ait servi à rien".

À titre de comparaison, l'indignation a été grande lorsque Joseph Massad, professeur d'études sur le Moyen-Orient à l'université Columbia,  a écrit, dans un article sur les réactions du monde arabe à l'attaque du Hamas du 7 octobre, que "voir des combattants de la Résistance palestinienne prenant d'assaut les checkpoints israéliens séparant Gaza d'Israël a été stupéfiant". Pour cette simple réflexion sur ces réactions arabes, la présidente de Columbia de l'époque, Minouche Shafik, l' a dénoncé devant le Congrès, annonçant sa "consternation", et que Massad faisait l'objet d'une enquête en raison de son langage "inacceptable". Elle  a insisté sur le fait qu'il n'aurait jamais obtenu de poste permanent si elle avait eu connaissance de ses opinions. Apparemment, seule la violence israélienne peut être "stupéfiante", voire un "triomphe".

Le 9 octobre, à Harvard, des groupes d'étudiants solidaires de la Palestine  ont cité des responsables israéliens promettant de "déchaîner l'enfer" sur Gaza. "Nous tenons le régime israélien entièrement responsable de toute la violence déployée", ont-ils écrit. Bien que  de nombreuses  sources d'Israël aient tenu des propos similaires, la représentante républicaine Elise Stefanik 𝕏 a publié : "Il est révoltant et ignoble que les étudiants de Harvard accusent Israël des attaques barbares du Hamas". On note l'utilisation du mot "barbare" issu du code de l'esclavage,  à plusieurs reprises  invoqué par les journalistes, les intellectuels et les politiciens pour parler du Hamas ou des Palestiniens, mais pas des Israéliens.

En novembre 2024, lorsque les États-Unis  ont opposé leur veto (pour la quatrième fois) à une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies appelant à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, la consternation a été générale. L'ONU  a averti qu'après un an de bombardements intensifs par Israël et 40 jours de blocus complet des approvisionnements humanitaires, deux millions de Palestiniens "sont confrontés à des conditions de survie de plus en plus précaires". Le directeur de Human Rights Watch à l'ONU a accusé les États-Unis d'agir "pour garantir l'impunité d'Israël alors que son armée continue de commettre des crimes contre les Palestiniens à Gaza". L'ambassadeur américain a cependant  défendu le veto, soutenant que, bien que la résolution appelle à la libération des otages israéliens à Gaza, elle manque de "cohérence". Et bien sûr, les armes américaines,  y compris les bombes de 900 kg d'une puissance destructrice terrifiante, ont continué d'affluer en Israël en quantités astronomiques alors que le génocide se poursuit.

Associer immigrants, Palestiniens et l'Afrique du Sud

Aux États-Unis, l'attaque virulente de Trump contre les immigrants a ravivé la pire rhétorique coloniale. Le Marshall Project a, par exemple,  retracé certaines de ses principales déclarations et la fréquence à laquelle il les a répétées :

"Les immigrants non autorisés sont des  criminels [dit plus de 575 fois], des  serpents qui mordent [plus de 35 fois], qui  mangent les animaux domestiques, sortent  des prisons et des institutions psychiatriques [plus de 560 fois],  provoquent des crimes dans les villes saintes [plus de 185 fois], et un certain nombre de cas isolés et tragiques prouvent qu'ils  tuent des Américains en masse [plus de 235 fois]".

Il est clair que des lois draconiennes sont nécessaires pour contrôler de tels monstres !

Trump a également  promis d'expulser des millions d'immigrants et a émis une  série de décrets visant à étendre massivement la détention et l'expulsion des personnes vivant aux États-Unis sans autorisation légale - les "sans-papiers". Une autre série de décrets vise à  retirer le statut de millions d'immigrants vivant actuellement sur le territoire avec uneautorisation légale, en révoquant le statut de protection temporaire, les autorisations de travail, les visas d'étudiant et même les cartes vertes. L'une des raisons est d'augmenter le nombre d'expulsions car, malgré tous les discours et les effets d'annonce, l'administration a jusqu'à présent  eu du mal à tenir ses promesses sur les taux d'expulsion.

Cette campagne anti-immigration est en parfaite adéquation avec la sympathie de Trump pour l'Israël juif et l'Afrique du Sud blanche. Les Sud-Africains blancs sont accueillis à bras ouverts (même s'ils sont peu nombreux), tandis que les autres sont pris pour cible. Les étudiants non citoyens et certains autres ont été particulièrement pointés  du doigt pour avoir soi-disant "célébré les viols, enlèvements et meurtres de masse du Hamas". Les cas de Mahmoud Khalil,  Rasha Alawieh,  Momodou Taal,  Badar Khan Suri,  Yunseo Chung et  Rumeysa Ozturk (et peut-être d'autres à la publication de cet article) en sont des exemples frappants. L'administration Trump a dénigré à plusieurs reprises les mouvements de défense des droits des Palestiniens et des immigrés, les qualifiant de menaces violentes qu'il faut contenir.

Mais on peut aussi y voir des relations plus complexes. Selon lui, les immigrés originaires de ce que Trump a un jour  qualifié de "pays de merde" seraient non seulement enclins à la violence et à la criminalité, mais également aux opinions anti-américaines et anti-israéliennes, mettant ainsi le pays en danger. Dans son  décret exécutif sur l'Afrique du Sud, il a notamment accusé le gouvernement sud-africain

"d'avoir adopté des positions agressives envers les États-Unis et leurs alliés, notamment en accusant Israël [...] de génocide devant la Cour internationale de justice" et de "saper la politique étrangère des États-Unis, menaçant ainsi la sécurité nationale de notre nation"

- une formulation quasi identique à celle utilisée pour justifier la révocation des visas de M. Khalil et d'autres opposants. En d'autres termes, la menace est partout.

Trump et ses acolytes instrumentalisent l'antisémitisme pour attaquer les manifestants étudiants, les organisations juives progressistes, la liberté d'expression, les immigrants, l'enseignement supérieur et toute autre menace à sa vision coloniale du monde.

En réalité, cependant, les États-Unis, Israël et l'Afrique du Sud blanche existent en tant qu'anachronismes coloniaux dans ce que le président Joe Biden,  faisant écho au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu,  a décrit (en ce qui concerne Israël) comme un "voisinage particulièrement dangereux". Et Trump ne fait que réaffirmer ce point de vue.

Aussi étrange que cela puisse paraître, les colons de la Barbade seraient sans aucun doute fiers de voir leurs descendants idéologiques continuer à imposer un contrôle brutal sur notre monde, tout en invoquant les idées racistes propagées au XVIIe siècle.

* Aviva Chomsky, collaboratrice régulière de  TomDispatch, est professeure d'histoire et coordinatrice des études latino-américaines à l'université d'État de Salem, dans le Massachusetts. Son dernier livre s'intitule  Is Science Enough? Forty Critical Questions about Climate Justice.

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