11/04/2025 3 articles dedefensa.org  13min #274647

 Voici pourquoi l'Occident n'a pas encore réussi à déclencher la troisième guerre mondiale

Badaboum, - Chute de l'Empire 2.0

 Journal dde.crisis de Philippe Grasset  

11 avril 2025 (17H40..) – Pardonnez-moi si je fais œuvre sacrilège en proclamant que le texte discuté (et charcuté ici) est pour moi l'un des plus clairs (même si des plus complexes et malgré son énorme complexité) sur la situation américaniste (et non "américaine", puisque je parle de l'idéologie et de la psychologie américanistes). C'est un choix complètement subjectif, qui va me servir dans mon travail d'appréciation de la trajectoire de chute inexorable des États-Unis, – très rapide en raison des caractères formidables de la communication, impitoyable, inarrêtable.

L'auteur cite Karl Marx dans cet excellent jugement qui me fait penser que l'excellent Karl Marx avait des accointances avec le Ciel qui fabrique des circonstances à sa guise :

« Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas à leur guise […] mais dans des circonstances déjà existantes. »

Notes de PhGBis : « L'auteur fait cette citation après l'avoir introduite de la sorte : "Pourtant, comme l'écrivait Karl Marx il y a près de deux cents ans à propos de Napoléon III, autre ‘perturbateur mondial' plus grand que nature qui a conduit son pays au fiasco,"les hommes font leur propre histoire...". Je suis complètement en désaccord avec ce jugement : Napoléon III n'a jamais mené une politique agressive, sa politique algérienne était d'une intelligence rare que la France devrait regretter aujourd'hui, il eut le tort (dù à une terrible immobilisation par des pierres au reins) de ne pas intervenir contre la Prusse à Sadowa, à l'aide de l'Autriche-Hongrie, comme toute l'Europe continentale attendait qu'il fît. Et son terrible"fiasco"(la guerre de1870), on la doit à la gauche française, dans un régime napoléonien devenu complètement libéral et soumis aux moyens d'influence de la gauche, croyante depuis Iéna à la vertu progressiste de la Prusse. Bismarck, brigand anti-français dans l'âme, sut en profiter en fabriquant son faux-drapeau de la dépêche d'Ems. Nous avions l'Amérique avant l'Amérique. »

Mon choix est donc allé à l'article de Tarik Cyril Amar, historien allemand travaillant à l'université turque de Koç, à Istamboul, sur la Russie, l'Ukraine et l'Europe de l'Est, l'histoire de la Deuxième Guerre mondiale et la Guerre Froide culturelle.

L'article a été publié  le 8 avril 2025 sur RT.com, sous le titre"Les leçons que Trump pourrait tirer des derniers dirigeants soviétiques » Exceptionnellement dans notre reprise, nous publierons à part l'article dans notre version corrigée-adaptée et dans sa version originale (les références étant ainsi mieux ajustées et compréhensibles) pour respecter le travail de l'auteur et ne pas alourdir l'article présent par des ajouts et annexes très longs.

En effet, nous ne reprenons que les passages qui se réfèrent aux similitudes entre la chute de l'Union Soviétique et la chute des USA telle que l'augure Tarik Cyril Amar. Pourtant l'essentiel "opérationnel" de l'article est consacré à une analyse critique des décisions de Trump dans la crise des tarifs, avec ses divers aspects et son extrême complexité. C'est bien entendu tout cela qui est restitué dans les deux textes repris en complément à paraître à la suite, d'ici demain certainement..

Promenade dans les bois

Les visions de l'auteur concernant la période menant à la chute de l'URSS, si elles n'adoptent pas directement  la fable-neocon sur la course aux armements appuyée sur l'hilarante ‘Star War'(SDI, ou Strategic Defense Initiative) qui aurait permis de faire mordre la poussière à l'URSS dans les labyrinthes d'Alice au Pays des Merveilles, – ses visions restent souvent malgré tout conventionnelles. Ainsi, lorsqu'il écrit :

« Mais il est vrai que l'une des faiblesses qui a conduit à la chute de l'Union soviétique a été de s'accrocher à une structure économique obsolète et toujours insuffisamment modernisée, axée sur l'industrie lourde. »

Tarik Cyril Amar passe sous silence la véritable cause de la réforme révolutionnaire entreprise par Gorbatchev, qui échoua finalement puisqu'aboutissant à sa chute avec celle de l'URSS en 1991, mais réussissant finalement-finalement puisque débouchant sur l'accession de Poutine à la présidence.

L'explication en quelques mots explicites et forestiers se trouve dans la fameuse (mais pour si peu de gens) "Promenade dans les bois" de Genève, 1983, entre le journaliste US Leslie Gelb et le maréchal soviétique Ogarkov, très-brillant chef de l'Armée Rouge.

Voici ce que nous écrivions là-dessus  le 11 août 2005 :

« En mars 1983, quelques jours après le jour (23 mars) du discours de Ronald Reagan annonçant la SDI (Star War), le maréchal Ogarkov, chef d'état-major de l'Armée Rouge, fait une promenade avec le journaliste américain Leslie Gelb, ancien haut fonctionnaire du département d'État durant la présidence Carter. La scène se passe à Genève, où se poursuivaient, sans grand espoir de réussite alors, les négociations sur la limitation des engins à portée intermédiaire et à capacités nucléaires, — ceux-là que les Américains appelèrent successivement LRTNF, puis TNF (Theater Nuclear Forces) tout court, qui étaient surnommés les euromissiles, — SS-20 du côté soviétique, Pershing II et Glicom (missiles de croisière terrestre) du côté américain. Gelb garda secret le contenu de cet entretien pendant près de 10 ans, avant d'en publier la substance dans un article, dans le New York Times le 20 août 1992, sous le titre ‘Foreign Affairs: Who Won the Cold War?'. On est frappé par la franchise du maréchal Ogarkov, exposant les difficultés considérables des Soviétiques. Voici un passage de cet article, nous livrant une confidence du Maréchal (nous soulignons en gras le passage qui est essentiel pour notre propos):

» "Nous ne pourrons pas égaler la qualité des armes américaines avant une ou deux générations. La puissance militaire moderne repose sur la technologie, et la technologie repose sur l'informatique. Aux États-Unis, les jeunes enfants jouent avec des ordinateurs… Ici, nous n'avons même pas d'ordinateurs dans tous les bureaux du ministère de la Défense. Et pour des raisons que vous connaissez bien, nous ne pouvons pas généraliser l'accès aux ordinateurs dans notre société. Nous ne pourrons jamais vous rattraper en matière d'armes modernes sans une révolution économique. Et la question est de savoir si une révolution économique peut se faire sans une révolution politique".

» En fait, ce que préconisait Ogarkov, c'est ce que Gorbatchev tenta d'appliquer (et ceci explique cela: les réformistes de l'armée, autour d'Ogarkov, étaient du côté de Gorbatchev) : la révolution économique (perestroïka) rendue possible par la révolution politique (glasnost). »

Ainsi avons-nous constamment tenu la glasnost  pour plus importante que la perestroïka, la seconde dépendant de la première. C'est ici que se trouve l'échec de Gorbatchev, dans l'irréformabilité de l'URSS telle qu'elle était, par la liberté de l'information totalement absente et interdisant l'accès aux technologies nouvelles de la communication.

Je n'aurais pas à beaucoup insister pour mettre en évidence que nous, qui avons absolument embrassé et porté au pinacle les technologies de la révolution des communications pour pouvoir mieux désormais censurer les informations peu aimables, nous devons faire notre glasnost de la même façon si nous voulons avoir une chance ultra-minime de sauver le Système, – et que, bien entendu, nous n'y parviendrons pas. (Allez donc faire votre glasnost sur la guerre en Ukraine, sur LCI comme sur la BBC ou sur MSNBC !)

Grief impérial

Ensuite, notre auteur cite pour expliquer l'évolution de la situation US jusqu'à l'attitude actuelle de Trump se plaignant que les USA sont pillés et rançonnés par toutes leurs possessions hégémoniques. C'est là une attitudes bien anglo-saxonne, superbement inverties et interprétées d'un point de vue psychologique de l'inculpabiulité, à propos de laquelle on lit cette remarque :

« Curieusement, d'autres aspects de la seconde présidence de Trump évoquent l'Union soviétique, notamment la décennie et demie qui s'est écoulée entre 1985 et 2000 environ, période de l'effondrement soviétique et de ses répercussions longues et extrêmement douloureuses. D'abord, il y a le sentiment pervers de grief impérial de Trump. En réalité, pendant des décennies, les États-Unis ont massivement profité, économiquement et politiquement, de leur position au cœur de leur propre empire, y compris de ce qu'un ministre français des Finances [Giscard en 1960] a un jour qualifié de " privilège exorbitant" du dollar, à savoir la capacité unique de vivre avec un crédit quasi illimité. »

On remarquera alors que ce "grief impérial" se retrouve aisément chez les Soviétiques puis les Russes à partir de Gorbatchev, mais qu'il est, au contraire des USA, largement justifié. Les pays d'Europe de l'Est ayant souffert de l'oppression communiste, – mais pas plus et sans doute moins que les Russes eux-mêmes, – ont souvent réussi à tenir grâce au soutien de l'aide soviétique, jusqu'à l'exemple si lointain de Cuba.

Les citoyens de ces pays n'en étaient pas plus heureux puisqu'il s'agissait de maintenir des régimes communistes, mais une seule chose ressort comme une évidence de tous ces entrelacs : l'incompétence totale des bureaucraties communistes, qu'on retrouve renforcée par le temps moderniste dans l'incompétence totale des bureaucraties néolibérales et du Pentagone... Effectivement, il y a ressemblance, mais les yankees sont plus habiles avec leur machines à imprimer du dollar sur papier-chiotte.

La couleur de l'argent

Par contre, Tarik Cyril Amar apporte une observation très intéressante qu'il retire du très-récent épisode du lancement de la "guerre des tarifs", immédiatement suivi d'un tournant quasiment en tête-à-queue de 180° de Trump. Il observe le sort des ultra-riches-USA, qui tiennent par leur monceaux de fric tous les innombrables réseaux et ficelles de corruption et de gaspillage des USA, accélérant ainsi en mode exponentiel la chute finale.

A cet égard, les hyper-riches des USA encaissent beaucoup plus gravement que les oligarques soviétiques qui ont finalement été repris sous contrôle. Les pauvres ne cessent d'être plus nombreux et de plus en plus pauvres, mais cela n'inquiète pas trop nos directions populaires et éventuellement populistes ; mais lorsqu'il s'agit des ultra-riches qui perdent des $milliards par dizaines en une journée, c'est infiniment plus alarmant et la menace contre l'Empire 2.0 se précise...

« Au total, plus d'un quart de la population américaine est pauvre ou presque pauvre. Et ils vont tous souffrir particulièrement des politiques dévastatrices de Trump.

» Désolé, Américains moyens : avec toute sa vantardise populiste, ce président n'est pas votre ami. Et il vous coûtera cher.

» Et pourtant, il était également frappant de constater l'impact du "Jour de la Libération" de Trump sur la "classe des investisseurs" de Bloomberg, et en particulier sur le cercle encore plus restreint des riches et des super-riches. Après la vague de droits de douane, Jeff Bezos, Elon Musk et Mark Zuckerberg, par exemple, ont perdu ensemble environ 42,6 milliards de dollars – en une seule journée. Cela ne leur porte pas vraiment préjudice, et ils pourraient bientôt générer davantage de richesses, sans aucun effort perceptible de leur part, comme c'est souvent le cas. Mais même s'ils y parviennent, une leçon demeure : les oligarques américains, avec toute leur puissance financière ostentatoire qui leur permet de corrompre et de faire pencher la politique, ne sont pas invulnérables, mais, au moment opportun, dépendent aussi d'un seul homme au sommet.

» Bien sûr, ce qui précède ne peut être comparé à la domestication des oligarques russes devenus sauvages dans les années 1990, étape nécessaire et salutaire du redressement de la Russie après l'effondrement de l'Union soviétique. Et pourtant, aussi fragile que soit l'analogie, elle est là : à la fin de l'empire, personne n'est totalement à l'abri, pas même les plus riches. »

« Enfin, notre « American Gorbatchev"? »

Les derniers paragraphe de notre Tarik Cyril Amar sont, pour nous, les plus passionnants. L'auteur en arrive enfin à la comparaison directe et sans fioriture que nous attendons tous (j'espère) : celle de DonaldTrump et de Mikhaïl Gorbatchev. L'auteur a l'air lui-même tout étonné d'en arriver là, car Trump fait si peu gorbatchévien après tout... Et pourtant ! Il est temps de rappeler la phrase de Marx :

« Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas à leur guise […] mais dans des circonstances déjà existantes. »

En fait, selon Tarik Cyril Amar, Trump est en train de faire du Gorbatchev sans rien n'être ni faire qui soit de l'ancien dirigeant soviétique, – mais que nous importe puisque c'est pour arriver au même résultat... La seule observation que je déplore est que Amar lui aussi, comme beaucoup d'historiens et d'analystes, qualifie Gorbatchev de naïf (et même d'arrogant), ce qu'il ne fut jamais à mon sens.

J'ai vécu ce de près cette période, continuellement à Bruxelles, à la CEE (c'état son nom alors, non ?), à l'OTAN, rencontrant beaucoup de fonctionnaires intermédiaires très proches de cette grande affaire. L'Occident était stupéfaite, clouée sur place, n'y comprenant rien, priant pour que personne n'élimine Gorbatchev à Moscou mais courant derrière Gorbatchev pour garder le rythme. Qui était donc le naïf ? En septembre 1989 (à 60-30 jours de la chute du Mur, pas un homme politique occidental ne jugeait concevable que l'Allemagne pût être réunifiée avant l'an 2000. (Un seul avait tout vu : l'ambassadeur Vernon Walters, à Bonn, qui annonçait la réunification dans les deux ans.) Où était le naïf ? Quant à l'arrogance de Gorbatchev, personne ne l'a jamais rencontrée à ma connaissance, et même la popularité de Gorbatchev en Occident, qui dépassait tous les dirigeants politiques, ne semblaient pas le remplir d'une ivresse suspecte.

La seule naïveté de Gorbatchev a été de croire que l'énormité et la grandeur sublime de l'événement forceraient les Occidentaux à n'être plus les salopards qu'ils furent souvent, mais plutôt à s'unir pour accueillir la Russie sortie de l'enfer communiste.

On connaît la suite... Et même plus encore, selon Tarik Cyril Amar :

« Et puis, il y a l'ironie finale et la plus grande de la fin de l'empire : il peut être difficile de le voir à première vue, mais il existe une similitude fatale entre le dernier dirigeant soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, et Donald Trump, 47e président des États-Unis. Ils étaient différents par leur idéologie, leur éthique personnelle, leur tempérament et leur style. Gorbatchev était, entre autres, ce que Trump prétend être : un artisan de la paix. Le dernier dirigeant soviétique était si naïf et suffisant envers l'Occident qu'il a gravement porté préjudice à son propre pays, mais il a joué un rôle crucial dans la fin de la première Guerre froide, qui, sans cela, aurait pu se terminer par une Troisième Guerre mondiale.

» Trump, en revanche, ne parvient pas à mettre fin à la guerre par procuration menée par l'Occident en Ukraine, tout en co-perpétrant le génocide israélien contre les Palestiniens de manière aussi criminelle que son prédécesseur Joe Biden. De plus, l'une des raisons de son changement de cap brutal sur les droits de douane pourrait bien être que Netanyahou et ses amis lui ont ordonné de préparer les États-Unis à attaquer l'Iran au nom d'Israël.

» Pourtant, Gorbatchev et Trump partagent un point commun fondamental : tenter de sauver et de redonner sa grandeur à une fière superpuissance en pleine crise. Trump pourrait ne pas avoir à présider à la disparition officielle de son pays, comme Gorbatchev l'a tragiquement fait. Pourtant, tout comme Gorbatchev sur ce point, l'histoire se souviendra de Trump comme d'un « réformateur » en puissance dont les politiques de changement n'ont fait qu'accélérer le déclin qu'il tentait de contrer. »

Terra Incognita-bouffe

Je suis assez bien la raisonnement de notre auteur et je crois que Trump pourrait bien être cet"American Gorbatchev"que nous attendons. Soyons justes et consultons les archives, aussi mal tenues (ô combien !) qu'elles soient.

Je n'ai cessé d'avoir cette hypothèse sous la plume depuis l'apparition de Trump-I, en riant sous cape et à me tordre devant les savantes digressions sur le fascisme et le nouveau Hitler... Mais comment peuvent-ils être si sots, si médiocres, si vides et impuissants de l'esprit et d'une intuition si complètement faussaire et moqueuse... Voyez parmi la bonne vingtaine d'articles qui abordent le sujet et brûlent des cierges à Saint-Donald :

 9 octobre 2015Ah Ah, Said the Clown ! ») ;

 18 mai 2017L'insaisissable"American Gorbatchev" ») ;

 26 décembre 2024Enfin, notre « American Gorbatchev" ? »)

Je vous avouerais que, pour moi, la meilleure de ces citations, le meilleur des titres, la meilleure réponse à Marx qui considérait que l'histoire ne se répétait que sous la forme d'une farce, c'est bien, – et cela sera notre conclusion définitive du jour :

« Ah Ah, Said the Clown ! »

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Comme nous l'annoncions hier, nous publions l'article de Tarik Cyril Amar en deux versions, - notre traduction-adaptation et l'original anglais. Ces publications complèteront, pour ceux que cela intéresse, l'article d'hier.

Nous reprenons ci-dessous le passage où nous annonçions hier cette initiative en tentant de l'expliquer. Si vent lkes deux textes annoncés.

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